Ceux qui peuvent prolonger la pénétration au-delà de plus ou moins deux minutes ont en général acquis des connaissances et des habiletés qui leur permettent de gérer leur excitation et de poursuivre leurs ébats beaucoup plus longtemps lorsqu’ils le désirent. Il existe une zone grise entre une et deux minutes où l’on rencontre des individus qui maîtrisent certains procédés, mais pas suffisamment, pour régir à leur guise l’évolution de leur excitation sexuelle.
Proposition de définitions
Ces constatations nous amènent à définir deux problématiques. La première, qu’on peut appeler éjaculation hâtive, désigne une condition objective. Il s’agit d’une éjaculation qui aurait constamment lieu peu de temps après le début de la phase d’excitation et dont l’avènement serait déterminé par des facteurs organiques (pathologiques, traumatiques ou constitutifs). Ces facteurs opéreraient en abaissant considérablement le seuil du réflexe d’émission (il n’y aurait plus d’espace pour la modulation de l’excitation sexuelle) ou en interagissant très fortement avec l’excitation sexuelle pour la faire monter rapidement vers le réflexe d’émission.
La seconde, l’éjaculation prématurée, signale une condition subjective. Nous la considérons comme étant une éjaculation qui se produit plus tôt que l’homme ou la femme ne le désire. Cette définition vaut peu importe la durée de la phase d’excitation (pendant les préliminaires et/ou durant la pénétration) qui précède l’éjaculation et peu importe les facteurs (sexuels, organiques, cognitifs, émotionnels, comportementaux ou relationnels) qui abaisseraient le seuil du réflexe d’émission ou qui faciliteraient la montée de l’excitation vers le réflexe d’émission.
Les cas d’éjaculation hâtive sont très rares – voire hypothétiques – et leur étude a été jusqu’à maintenant gênée du fait qu’on les ait assimilés à des cas d’éjaculation non désirée (prématurée) survenant tôt après le début de la pénétration. Nous ne possédons donc pas de données à leur sujet. L’expression « éjaculation prématurée », quant à elle, ne décrit pas une réalité en soi. Elle ne réfère pas à un phénomène objectif, observable et mesurable (comme le diabète, la dépression ou un trouble conjugal). Elle ne désigne pas une condition organique particulière ou une pathologie distinctive. Elle ne fait que souligner une relation entre un phénomène physiologique (éjaculation) et son moment d’apparition (qui a lieu plus tôt que souhaité).
Comme le terme « prématuré » est relatif, il s’ensuit qu’il n’existe pas de valeur absolue ou objective de l’éjaculation prématurée. Autrement dit, on ne peut pas traiter de « prématurée » une éjaculation qui se déroule en moins d’une, deux, cinq ou sept minutes de pénétration. On peut seulement dire qu’elle se déroule en moins d’une, deux, cinq ou sept minutes. Elle ne reçoit le qualificatif de « prématurée » que dans la mesure où elle se manifeste avant que l’un ou l’autre membre du couple ne le souhaite. Et c’est seulement à ce moment-là que l’on peut parler de dysfonction ou de difficulté sexuelle.
Cette observation est primordiale parce qu’elle dépathologise la réaction des personnes qui éjaculent tôt après le début de la pénétration, mais qui ne désirent pas qu’il en soit autrement. Elle est essentielle aussi parce qu’elle réhabilite les désirs et les frustrations des individus qui consultent pour une éjaculation se produisant, par exemple, après cinq, huit ou dix minutes de pénétration, mais qui aimeraient prolonger davantage la durée de celle-ci. Il existe maintenant des moyens très efficaces pour aider ces personnes qui éprouvent une insatisfaction réelle et il serait inapproprié de ne pas le faire sous prétexte qu’ils se situent au-delà d’une certaine norme*. D’un autre côté, il ne faut pas confondre ces requêtes d'un mieux-vivre érotique avec les demandes délirantes de certains patients psychiatriques ou les sollicitations de patients très performants mais en manque de points de repère au sujet de la « normalité ».
* Les gens ont le droit d’être insatisfaits de la durée de leurs activités sexuelles même si celles-ci perdurent davantage que celles de la majorité des gens. Il ne revient pas au professionnel de la santé de décider de la durée des activités sexuelles (en général, de la durée de la pénétration) dont les individus doivent être satisfaits ou insatisfaits. Devant les souhaits exprimés par ses patients, le sexologue sera amené (en se basant sur son jugement clinique, en prenant en considération la durée des activités sexuelles de ceux-ci et en tenant compte des données statistiques disponibles), soit à aider l’homme ou le couple à prolonger davantage la durée des ébats, soit à les rassurer en normalisant leur performance, soit à aider la femme ou le couple afin que celle-ci puisse obtenir plus de plaisir plus rapidement. A mettre en bas de page
La troisième zone : la zone de l’imminence éjaculatoire
La troisième zone – celle de l’imminence éjaculatoire – se situe juste en dessous de la zone de l’éjaculation (Graphique 1). A ce stade, une légère augmentation de l’excitation causée par un léger surplus de stimulation causera l’éjaculation.
La zone de l’imminence éjaculatoire est facilement identifiable. Lorsque l’homme entre dans cette zone, des réactions physiologiques précises se manifestent au niveau de ses organes génitaux et l’avertissent – pour peu qu’il leur porte attention – de la proximité du réflexe éjaculatoire. Les testicules se rapprochent davantage du corps, le pénis devient plus rigide et les muscles du périnée se contractent plus fort. Certains hommes ressentent des frissons le long de la hampe du pénis, d’autres ont l’impression que leur gland va exploser. Il revient à chaque individu d’identifier les sensations qui se produisent à ce moment dans ses organes génitaux et de réagir en conséquence.
Voyons maintenant la première zone. Nous présentons celle-ci avant la deuxième afin de faciliter la compréhension de cet exposé.
La première zone : la zone de l’apparition et de la disparition de l’érection
Tout stimulus (interne ou externe) perçu, codifié comme érotique et apprécié sensuellement, génère de l’excitation sexuelle qui à son tour entraîne des réactions sexuelles. Parmi ces réactions, on note des manifestations vasocongestives et une intensification de l’activité myotonique. La vasocongestion du pénis et la contraction des muscles du périnée entraînent l’érection chez l’homme. La zone de l’apparition et de la disparition de l’érection correspond aux moments où l’érection débute et se développe et à ceux où elle s’estompe et s’éteint (Graphique 1). A l’intérieur de cette zone, l’érection est plus ou moins ferme et procure un support limité aux hommes et aux femmes en quête de plaisir. Le niveau de la zone de l’apparition et de la disparition de l’éjaculation n’est pas fixe. Il varie en fonction des circonstances, de l’âge et de l’état de santé.
La deuxième zone : la zone de la modulation de l’excitation sexuelle
La zone de la modulation de l’excitation sexuelle commence lorsque l’érection est établie et se termine lors de l’entrée dans la zone de l’imminence éjaculatoire. C’est la meilleure zone pour contrôler l’excitation sexuelle. A l’intérieur de la zone de la modulation de l’excitation sexuelle, l’homme peut se tenir à une distance sécuritaire de la zone de l’éjaculation tout en maintenant son érection et en ayant du plaisir.
La zone de la modulation de l’excitation sexuelle présente énormément d’intérêt d’un point de vue érotologique. A l’intérieur de celle-ci, il est possible de vivre une grande variété d’émois sexuels et d’élans amoureux. Elle procure le temps et la liberté nécessaires pour exprimer de la tendresse, se montrer voluptueux, faire preuve d’affection, éprouver du désir, être excité, divulguer ses sentiments, avoir du plaisir, s’abandonner, laisser libre cours à sa fougue, arborer sa masculinité, se compléter, partager, s’aimer. Elle favorise la variété et l’expérimentation, la complicité et la découverte, l’échange et la rencontre. Le graphique 1 donne un exemple d’un cycle de réponse sexuelle complet où l’homme a modulé son excitation.
Chaque activité sexuelle suit le cours qui lui est propre et le tracé de l’excitation sexuelle varie d’une fois à l’autre. Il est même possible d’adjoindre à la courbe de l’excitation (qui est une réponse physiologique) la courbe du plaisir (qui est une réponse émotionnelle).
Quand l’homme vogue dans la zone de la modulation de l’excitation sexuelle, que cela soit durant les préliminaires ou la pénétration, il est primordial qu’il porte attention aux signaux lui indiquant que son excitation croît. Ces signaux se manifestent sous forme de réactions corporelles et émotionnelles. Ils incluent les modifications suivantes : élévation de la tension musculaire, accélération ou retenue de la respiration, augmentation de la vitesse et réduction de l’ampleur des mouvements du bassin, focalisation plus grande sur un stimulus sexuel particulier, exacerbation des sensations sexuelles, intensification du plaisir. Plus ces réactions s’accroissent, plus l’homme s’approche de l’éjaculation.