Celui-ci va s’entendre en hypnose au sens large et va comporter plusieurs portes d’accès. L’hypnose étant une thérapie active, l’une ou l’autre porte sera choisie en fonction des capacités de la patiente à spontanément s’évader, notre rôle étant de l’aider à avoir accès à des ressources créatives jusque-là insoupçonnées.
Porte n° 1 : partir du vécu à travers le souvenir fondateur de l’érotisation. .
Porte n° 2 : utiliser les éléments d’expérience de la sexualité de la patiente, aussi ténus soient-ils, recueillis dans les entretiens.
Porte n° 3 : l’utilisation de la métaphore. Cette porte est double : elle peut partir d’un induction à partir de l’histoire de la patiente et s’inventer à deux au fil de la séance. Elle peut aussi être une proposition construite du thérapeute en s’appuyant soit sur un conte, soit sur un script. Elle peut aussi partir d’un rêve nocturne ou d’une rêverie diurne.
La dimension symbolique est là essentielle. C’est elle qui va permettre l’ouverture vers un « au-delà du symptôme », de se dégager d’un réel trop anxiogène et qui entraîne dans la spirale de l’échec si connue en sexologie.
C’est cette dimension qui va ouvrir la porte du sens. Chaque femme ira où elle le souhaitera, où elle le pourra aussi. Nous avons à les accompagner sur ce chemin sans a priori et surtout sans être dogmatique. L’utilisation de symboles universels à travers les métaphores (je pense à la rose ou à l’eau, symbole de féminité… mais aussi la métaphore de la maison, avec l’usage des différentes pièces de la cave au grenier… les patientes anorgasmiques restent souvent sur le palier !), peuvent être de belles opportunités pour ce travail. Tout ce qui tourne autour de la vacuité, du contenant et du contenu, voyage dans une belle grotte aux merveilles insoupçonnées, jardin extraordinaire, luxuriant et sensuel, découverte de malle aux trésors, traversées de forêts merveilleuses…
La métaphore de l’arbre puissant et sécurisant peut servir d’appui à l’introduction de la dimension virile et masculine… Ce ne sont que des exemples et le thérapeute en hypnose doit être adaptable, c’est sa qualité première ! Et ceci est d’autant plus vrai en matière de troubles sexuels.
Porte n° 4 : les métaphores faisant référence à la sexualité et à l’érotisme.
Il s’agit, en quelque sorte, que la patiente se permette d’être son propre « metteur en scène » en inventant ou réinventant le passé, le présent et l’avenir de la sexualité. Ainsi, ces métaphores peuvent intégrer des éléments clés de l’histoire de la patiente.
L’important est dans un premier temps d’utiliser des évocations floues qui ne sont que des débuts d’aventures, d’éviter les descriptions sexuelles précises ou crues, toujours dans le souci du respect de l’imaginaire de l’autre et pour éviter toute suggestion trop directe et risque de projection.
La bibliothérapie, utilisation de textes à des fins thérapeutiques, peut être d’une aide précieuse, à condition que le choix des textes soit judicieux. Ici, deux possibilités : demander à la patiente de choisir ses textes, ou les lui proposer en fonction de ce que l’on a repéré, mais dans tous les cas l’élaboration verbale sera nécessaire et servira de base à la suite du travail.
3 – Le travail sur le temps
Si la construction et sa fonctionnalité de la sexualité s’inscrit dans le temps de la naissance à la mort, elle est aussi très sensible au temps qui passe pour les hommes, pour les femmes comme pour les couples.
Tout d’abord, nous avons vu que le temps « féminin » est avant tout cyclique (règles, maternité, ménopause…) et que la sexualité féminine s’inscrit dans un mouvement de vie avec des grandes étapes de bouleversement physiologiques et psychologiques.
Deuxième point : les processus d’anticipation négative, proche de ce qu’Araoz (7) appelle « l’auto-hypnose négative », sont extrêmement actifs dans les troubles de la sexualité et induisent souvent un renforcement du symptôme.
C’est sur ce socle du temps que la déstabilisation sexuelle s’installe.
Les techniques de la régression en âge et de la distorsion du temps, utilisées en hypnose, trouvent toute leur place dans ce contexte.
La régression en âge : un retour sur les premiers apprentissages, les premiers émois sensuels et sexuels, mais aussi, si cela est judicieux, sur les premiers rapports sexuels ou les étapes qui jalonnent l’histoire sexuelle et relationnelle de la patiente, permettent de la réinventer (ou des séquences) avec une nouvelle perspective.
La distorsion du temps : il est très subtil de faire un travail sur la réduction des effets émotionnels des épisodes traumatiques.
Dans le cas des abus sexuels et de leur impact sur la sexualité, temps et espace sont intimement liés. Par son effraction, l’agresseur n’a pas seulement endommagé le « territoire » intime, il l’occupe durablement. C’est souvent ce sentiment d’envahissement qui est évoqué par les patientes qui ont subi des abus ou des viols. Nous voyons ici poindre des métaphores liées à « l’envahisseur » et aux territoires possédés ou libérés…
Le pont affectif : il fait référence à la méthode de transfert de Watkins (8). La patiente est dirigée vers l’expérience de sentiments et des sensations reliés au problème sexuel actuel. Elle peut les intensifier jusqu’à ce qu’un « pont » se fasse vers un événement ancien ayant produit le même effet. Les ponts peuvent ainsi permettre une régression vers plusieurs époques de la vie. Après ce mouvement de régression, on peut envisager une progression vers l’avenir…
4 – Dissociation, association et paradoxe
Voyons les définitions théorico-cliniques de la dissociation :
En neurologie : il désignait dans le langage médical des premiers neurologues des troubles liés à des lésions organiques des faisceaux associatifs intra-cérébraux. Cet usage a disparu avec le temps.
En psychanalyse et psychiatrie : le psychiatre suisse Bleuler qui va reprendre ce terme dans le cadre de la schizophrénie en tant qu’éléments pathognomoniques de la psychose, la spaltung. Ce terme a d’ailleurs été à l’origine de nombreuses discussions au sein de la communauté psychanalytique, en particulier au niveau des traductions : discordance, rupture, fêlure, cassure et enfin, terme freudien, clivage.
Erickson : dans « Innovations en hypnothérapie » (9), voici la définition qu’Erickson donne de la dissociation, mécanisme principal de l’hypnose : « On pourrait ainsi définir l’hypnose comme un état de suggestibilité artificiellement accrue, semblable au sommeil, dans lequel il semble y avoir une dissociation entre éléments “conscients” et “subconscients” du psychisme, dissociation normale, limitée dans le temps, et n’intéressant que certains stimuli. » Pour la grande majorité des praticiens de l’hypnose, la dissociation est le phénomène déterminant de l’hypnose. Il est aussi très opérant dans les troubles sexuels.
Pour compléter ce bref panorama, il est nécessaire de s’arrêter sur les travaux des pères fondateurs du concept : Janet et Hilgard.
Pierre Janet : il fut le tout premier psychologue clinicien. Dans son ouvrage principal, « L’Automatisme psychologique », Pierre Janet confirme le caractère psychopathologique de la dissociation, impliquant une part du psychisme échappant au sujet qu’il appellera le « subconscient ».
La dissociation désigne pour Janet un défaut « de logique des émotions », un défaut de cohérence et d’activité intrapsychique, un trouble fonctionnel de la conscience, considérée non pas comme modifiée mais comme rétrécie. Notons que ce terme de dissociation n’a cessé d’évoluer au fil de l’œuvre de Janet. Désagrégation, division de la conscience, hystérie par division de la personnalité. Nous sommes au XIXe siècle avant l’avènement de la psychanalyse dans une conception psychopathologique de la dissociation.
Le passage à une dissociation, mécanisme normal du psychisme humain, est théorisé par Ernest Hilgard et l’observateur caché. Ce concept est issu de l’hypnose expérimentale, expérience de Stanford, confirmé par des expériences d’analgésie hypnotique. L’observateur caché serait un système opérant en dehors de la conscience, une sorte de vigilance non consciente, partie du psychisme qui serait une forme de « veille » alors que d’autres parties seraient détachées de la réalité environnante. L’« observateur caché » peut être très opérant dans les troubles sexuels. Freud insiste sur la notion de « clivage » (spaltung), résultat d’un conflit entre instance psychiques puis à l’intérieur du Moi, lui-même prenant la forme d’un mécanismes de défense, le déni.
Eléments diagnostiques
Les deux mécanismes de défense, déni et dénégation, sont à l’œuvre dans de nombreux symptômes sexuels féminins à travers leur corollaire, le refus (10), socle de la dissociation