Il n’y a pas de technique privilégiée pour chaque symptôme sexuel. Pour rester concret, nous allons voir comment sur cette trame la spécificité de l’hypnose, en ce qu’elle propose de travailler sur les ressources soupçonnées ou insoupçonnées de nos patientes, mêlée à l’application des techniques hypnotiques précises et sous-tendue par la création en mouvement dans le processus thérapeutique et la relation, le tissage va se concrétiser.
1 – L’axe corporel :
Créer une cartographie
Travailler avec et sur le corps en hypnose est un parti pris qui va permettre plusieurs ouvertures : l’attention/absorption va permettre une ouverture du champ de conscience corporel grâce à l’introduction de la relaxation musculaire et articulaire, mais aussi de l’attention portée sur les différents états toniques du corps, et notamment la comparaison entre certaines parties du corps plus tendues que d’autres.
Ceci peut aussi se concrétiser par la visualisation de parties du corps plus « claires » ou plus « sombres » faisant déjà appel à la représentation interne, afin de permettre à la patiente d’établir une sorte de cartographie de son corps en utilisant les couleurs et le relief. Ce travail sera d’abord global puis cette cartographie va s’affiner petit à petit au fil des séances et les zones d’ombre vont peu à peu s’éclairer, favorisant l’intégration des parties du corps ignorées ou niées. Cette cartographie s’appuiera aussi sur la « mémoire du corps ».
Le chemin sensorialité-sensualité-sexualité
Cette cartographie va s’enrichir du travail sur les cinq sens. Permettre à la patiente, dans un premier temps, de prendre conscience et d’expérimenter à travers l’état d’hypnose les sens qui lui sont les plus actifs puis de développer ceux qui sont « en retrait », va lui permettre d’élargir sa palette également dans la sensualité. Un saut (on peut voir avec ses oreilles, toucher avec ses yeux…) sera alors nécessaire pour que la patiente fasse passer ces ensembles d’expériences du côté du sexuel.
Cette découverte, qui passe par l’écoute de son corps avec l’aide d’induction autour du jeu des sensations diverses (chaleur, fraîcheur, lourdeur ou légèreté, fluidité, ondulation, vibration, rythmes…), va lui permettre d’accéder progressivement à ce qui est souvent la source des retenues, l’acceptation de l’excitation corporelle et sexuelle. Le travail de la psychothérapie verbale fera ici son œuvre à travers la relation thérapeutique.
Voyager dans son corps, visiter son sexe, s’appuyer sur la physiologie.
Cette étape est très importante. Nous constatons en effet que nombre de femmes ont une image de leur corps sexué très floue voire inexistante. Leur permettre à travers l’expérience hypnotique de nouer un contact de l’intérieur d’elles- mêmes, d’accéder à travers la visualisation/sensation à leur image corporelle consciente et inconsciente (voir les travaux de Schiller sur « l’image du corps » (4) et de Françoise Dolto sur « L’image inconsciente du corps » (5)) est très important dans la démarche d’acceptation de leur corps sexué. Ceci peut se faire en plusieurs étapes et sur différents plans :
- Les étapes : découvertes de leurs zones érogènes, attention portée sur leurs zones sexuelles externes, voyage dans le corps avec découverte de la vacuité (vagin et utérus) mettant d’emblée en évidence le distinguo entre zone de plaisir et zone maternelle. En ce sens, les travaux de Monique Schneider (« Le paradigme féminin » (6)) sont très utiles : le temps de la germination, la naissance de la féminité à partir d’un corps d’enfant, les questions de l’effraction, expulsion dans la métaphore de l’invasion du territoire interne, la question de l’existence de la « demeure interne », le seuil de la porte et le « laisser-passer », le statut de l’autre en tant qu’intrus ou invité, le sexe comme « contrée habituellement placée sous le signe d’un interdit de parole », la menace de « l’effraction du vivant », de la protection de la « virginité virtuelle », du passage du « trou » au « creux »…
- Les plans : suivant les patientes, on peut partir d’éléments rationnels comme les planches anatomiques, la courbe de la physiologie sexuelle, ou utiliser les représentations de la patiente (évoquées lors de l’entretien), ou bien encore proposer des métaphores.
- La respiration
Utiliser le souffle comme vecteur de prise de conscience du corps sexué n’est pas une « invention » des techniques hypnotiques. C’est même la base de nombre d’approches orientales, méditation, yoga, etc. L’originalité ici, outre la relaxation qu’elle induit, est que dans l’état hypnotique, le souffle va être orienté et servir de lien. La respiration abdominale, le souffle dirigé (dans diverses parties du corps et dans la zone sexuelle interne et externe) va aider à établir ces liens, à recréer des espaces internes et à prendre conscience des mouvements possibles et acceptables en toute sécurité.
- Dialogue entre les différentes parties du corps.
Quand on sait la distorsion entre ce qui se passe entre la tête et le corps (« Je voudrais connaître le plaisir mais mon corps dit non » ; ou bien « Je suis capable d’avoir du plaisir mais je n’ai jamais envie… autrement dit, ma tête dit non… »), permettre « l’envoi de messages » entre les différentes parties du corps peut être très utile.
L’objectif de cette première étape est la modification de la relation au corps à la zone sexuelle sur le plan anatomique et fonctionnel. Cette évolution se fera grâce à l’intégration cognitive qui se produit grâce à l’hypnose de façon très spécifique : attention/absorption-plongée dans l’inconscient corporel, accès au conscient à travers la concrétisation dans le vécu corporel et la mise en mots qui permettent une sorte de métabolisation, puis retour à l’inconscient des nouvelles donnes pour générer le changement.
Il est important, et cela dépendra de la structure de personnalité de la patiente, de lui laisser le choix d’un fonctionnement volontaire ou involontaire dans les premières séances qui, étant donné la matière sensible, peuvent être source de résistance.