Celui-ci sera la résultante d’un subtil mélange de singularité, de compétences, de créativité, de souplesse dans la relation, mais surtout du savant mélange de l’utilisation de l’hypnose, de l’élaboration verbale et non verbale avec le thérapeute et entre les séances, et du temps nécessaire propre à chaque patiente.
La trame
Chaque femme qui consulte arrive avec son parcours sexuel inscrit dans son parcours de vie et dans son intimité. Il s’agit d’une construction consciente et inconsciente qui introduit le symptôme et son sens dans ce temps particulier de la demande. Plusieurs fils de trame se dégagent, et allons du plus simple au plus complexe :
- Quelle place a la fonctionnalité sexuelle dans la vie de cette femme ? Est-elle au premier plan, au deuxième voire au dixième plan de ses préoccupations ? Sait-elle déjà en expérimenter les facettes pour elle-même ? Se vit-elle comme un objet (de l’autre) ou comme un sujet à part entière ? De quelle nature est sa sexualité, pulsionnelle, animale, mécanique ou spiritualiste dans une quête d’absolu ? Fonctionne-t-elle uniquement en recherche du reflet que l’autre va lui renvoyer ? Est-elle dans cette demande de satisfaction immédiate et sans faille, ou cherche-t-elle au contraire à satisfaire l’autre à tout prix ? Est-elle dans cette perpétuelle exigence de perfection ou au contraire se vit-elle comme victime ? Privilégie-t-elle le courant tendre plutôt que le courant sensuel et sexuel ?
- Cela questionne sur le rapport au corps et aux sensations : quel est son rapport à son anatomie ? Accepte-t-elle son corps et sous quelle forme ? Dans son image ou plutôt comme un corps intégré dans son intériorité ? Expérimente-t-elle sa sensorialité au quotidien mais aussi dans sa sexualité ? Accepte-t-elle de se laisser surprendre par de nouvelles sensations ? Est-elle fermée ou inhibée, défensive, s’interdisant tout accès au corps ? Le rapport au corps, c’est aussi celui de la somatisation et nous savons qu’elles s’inscrivent de façon spécifique plus ou moins pour chacune. C’est aussi le cas de la douleur et de son corrolaire, la peur.
- En découle tout naturellement la question du plaisir sexuel pour cette femme : est-il intégré, accepté, vécu dans la globalité ou partiellement, ou se met-elle en position d’observatrice (mise en œuvre de la « pulsion scopique ou scopophilie » chère à Gérard Bonnet) (3), si fréquent dans la symptomatologie sexuelle, dans cette mise en œuvre de l’« écart », la distance qui protège de l’engagement ? Au fond, a-t-elle plus de plaisir à se regarder faire que de faire ? Sait-elle donner et recevoir ? Le plaisir sexuel nécessite l’activation de la charnière du vécu corporel et d’une « disponibilité » psychique (apprendre à abandonner des cognitions répétitives, des certitudes, les anticipations négatives…). Comment se situe-t-elle sur la route de son plaisir ?
- La place des représentations sur sa propre sexualité : quelle est la place de l’interdit ou de l’autorisation (maternel, paternel, parental…) ? Comment la « loi intérieure », cette petite voix qui dit « non » ou ce que j’appelle « l’œil de Moscou », dit en un mot, le Surmoi, intervient-elle dans l’ensemble de la construction ? Y a-t-il une fidélité à la ligne transgénérationnelle du même sexe (la mère, la grand-mère…) ?
Ceci pose la question des identifications et de leur rôle positif ou négatif. Y a-t-il une trace mémorisée et comme introjectée (Ferenczi), parole, attitudes, gestes autour du versant « sale » et moralisateur de la sexualité ? Quelle est la place des croyances, quant à la sexualité féminine et masculine, les croyances n’étant la plupart du temps que des transmissions conscientes ou inconscientes, volontaires ou involontaires, mais qui font mouche ! Les gestes, bien sûr, mais aussi les mots peuvent tuer dans l’œuf une sexualité naissante !
- L’imaginaire est-il actif dans ce processus d’intégration de la sexualité dans toutes ses composantes ? Y a-il un potentiel refoulé ou au contraire exploitable ou exploité chez cette femme ?
- La relation à l’autre : comment inscrit-elle la difficulté ? Sommes-nous en présence d’une demande détournée ? Quelle est la place du lien ? Quels rôles sont-ils joués ?
- La « ligne du désir » est-elle vivante ? Entre recherche et annulation, entre désirer « désirer » et refuser, voire ignorer l’élan… Peut-elle accepter d’avoir du désir ? Est-elle capable d’être souple quant à son désir ?
Peut-elle ou sait-elle exprimer son désir ? Peut-elle accepter la variation de son désir et celui de l’autre ? Ne cherche-t-elle qu’à être rassurée par le désir de l’autre dans une quête de reconnaissance ? (Moi Idéal et Idéal du Moi en distinction chère à Freud). Le désir sexuel est-il une arme de pouvoir sur l’autre, sur l’homme ? Quel est aussi le sens du refus ?
Autant de questions qui mériteraient d’être approfondies, points qui traversent les différents symptômes et, en se croisant, dressent le paysage tout à fait singulier de la sexualité de cette femme qui consulte, à un certain moment de sa vie, dans un certain contexte relationnel. Ils servent de grille à la prise en charge en hypnose des troubles sexuels.