Une méta-analyse de 59 études menées auprès de plus de 12 000 femmes a révélé que la DPP touche en moyenne 13 % des femmes (O’Hara et Swain, 1996). Pour les cliniciens et les chercheurs, le terme « dépression du post-partum » ou « DPP » fait référence à une dépression non psychotique qui survient peu après un accouchement. Les symptômes de la DPP se manifestent rapidement, souvent dans les 48 à 72 heures suivant la naissance du bébé, et la plupart des cas se déclarent dans les deux premières semaines de la période post-partum. Elle peut évoluer en psychose puerpérale qui est la forme la plus grave et la plus rare de troubles de l’humeur en post-partum, et survient dans un ou deux cas par 1 000 accouchements. Selon certaines études (par ex. Jones et Craddock, 2001), la psychose du post-partum aurait une cause génétique ou biologique et serait plus courante chez les femmes ayant reçu un diagnostic de trouble bipolaire (ce qui implique qu’elles sont suivies) ou ayant des antécédents familiaux de troubles de l’humeur (pas détectés si on ne les cherche pas).
La DPP ne se distingue en rien sur le plan clinique d’un épisode dépressif pouvant se produire à n’importe quel autre moment de la vie d’une femme. Les symptômes sont les mêmes que ceux d’une dépression généralisée, et le diagnostic est établi selon les mêmes critères. Bien sûr, les symptômes de la DPP portent sur des éléments relatifs à la maternité.
La définition de la période post-partum varie. Selon les systèmes officiels de classification des diagnostics, il s’agit de la période de 28 jours suivant immédiatement l’accouchement ; dans d’autres études, toutefois, cette période se prolonge jusqu’à un an après la naissance du bébé. Les symptômes se manifestent habituellement durant les quatre premières semaines du post-partum, mais ils peuvent apparaître dans l’année qui suit, et le diagnostic en sera d’autant retardé, quand l’interrogatoire d’une mère dépressive révèle que les symptômes se sont manifestés beaucoup plus tôt. Les symptômes sont :
- l’anxiété ;
- l’anhédonisme : les femmes atteintes de DPP peuvent ne plus s’intéresser ou ne plus prendre plaisir à des activités qu’elles trouvaient auparavant agréables ;
- un changement sur le plan du poids et de l’appétit ; mais c’est un élément difficile à évaluer après un accouchement. Le manque d’appétit est plus significatif ;
- troubles du sommeil : difficiles à évaluer chez les nouvelles mamans. On peut interroger la mère sur sa capacité à dormir et à se reposer quand elle en a l’occasion – par exemple, en même temps que le bébé, ou quand quelqu’un d’autre surveille le bébé ;
- fatigue : également difficile à évaluer chez les nouvelles mères. La fatigue associée à la dépression se définit comme un sentiment accablant d’épuisement ;
- lenteur ou agitation psychomotrice : soit une sorte de torpeur ou au contraire un sentiment de nervosité et d’irascibilité. On peut faire confiance à l’entourage pour faire des commentaires à ce sujet ;
- sentiment excessif de culpabilité ou d’inutilité : la moindre régurgitation du bébé sera de leur faute et s’il survient le décès d’un proche, elles en concluront vite qu’« une vie s’en va pour laisser la place à la nouvelle » ;
- diminution de la concentration, incapacité d’avoir les idées claires : ralentissement de la pensée, incapacité à se concentrer sur une tâche ou à terminer un travail, ou une difficulté à prendre des décisions simples, l’impression d’être submergée de travail…
- pensées morbides ou suicidaires récurrentes : bien souvent, ces femmes n’expriment pas leur peur de mourir mais leur préoccupation face à la mort, la plupart du temps sans en parler ouvertement, mais au travers de propos pessimistes sur la vie et le monde, ou de pensées violentes. Ces pensées peuvent devenir une obsession, mais la plupart des femmes ne passent pas aux actes. La médiatisation actuelle des cas d’infanticide et de suicide contribuent aujourd’hui à amplifier l’anxiété de certaines mères confrontées à ses pensées.
La durée d’un épisode va de quelques semaines à quelques mois. Pour certaines femmes, cela peut prendre jusqu’à un an avant de se sentir comme avant. Dans de rares cas, la maladie persiste sous forme chronique.
Les mères atteintes ont une réticence à parler des symptômes, à admettre qu’elles ont des symptômes de dépression, et ce pour toutes sortes de raisons. Elles peuvent se sentir inaptes à assumer leur rôle de mère, éprouver de la gêne, de la culpabilité ou du ressentiment, craindre de se faire étiqueter de « malade mentale », ou penser qu’on ne les prendra pas au sérieux. Elles parlent de leur dépression d’une manière détournée en disant se sentir découragées, tristes, irritables, nerveuses, molles ou vides. D’autres l’exprimeront au travers de symptômes d’ordre physique, comme des maux de tête, de ventre ou de dos ; d’autres encore en manifestant une inquiétude exagérée pour la santé de leur bébé les amenant à consulter fréquemment le médecin.
L’une des conséquences graves de la DPP est sa répercussion sur l’enfant. Plusieurs études concluent que la DPP de la mère influence différents aspects du développement de l’enfant (J. Manzano, M. Righetti, E. Conne-Perreard, Psychopathologie du post-partum : signes prédictifs et facteurs de risque. Berne : Recherche du Fonds national de la recherche scientifique ; 1995). « En conclusion, nous pensons que les études empiriques confirment surtout ce que les cliniciens ont toujours unanimement signalé (Lebovici), à savoir que la présence de parents dépressifs est un facteur important de risque psychopathologique pour les enfants. Cette psychopathologie comprend en particulier, mais pas exclusivement, la dépression chez l’enfant. Ces données nous semblent suffisamment solides pour pouvoir préconiser que chaque fois qu’un parent reçoit un diagnostic de trouble dépressif important, le traitement devrait nécessairement comprendre une intervention préventive auprès des enfants. » Philippe Mazet a montré que la DPP pouvait être à l’origine de troubles de l’attachement .