Je vais vous entretenir de la DPP, telle que je la considère dans ma pratique, c’est-à-dire surtout sous l’angle de la prévention. Je vais extraire de quelques définitions et de diverses études émanant d’équipes françaises et canadiennes, les facteurs en jeu dans cette DPP, et surtout des facteurs prédictifs de cette DPP. Et au fur et à mesure, je vous dirai comment je traite, selon une approche éricksonienne, ces différentes composantes, déjà pendant la grossesse, puisque je m’attache avant tout à faire de la prévention et à minimiser les facteurs de risque.
Quelques définitions : le baby blues (BB), le baby pink, l’anxiété du post-partum et la dépression du post-partum (DPP)
DEFINITIONS
- Baby blues :
Commençons par le BB du post-partum. C’est le trouble de l’humeur périnatal le plus courant qui toucherait entre 30 à 75 % des femmes. C’est une sorte de cafard qui survient dans les heures ou les jours suivant l’accouchement et qui atteint son intensité maximale le troisième ou quatrième jour. Généralement, les femmes atteintes sont des mères heureuses qui réagissent de façon plus « émotive » aux stimuli. Elles peuvent rapidement passer de la joie aux larmes, se montrer inquiètes, irritables, anxieuses, avec parfois des troubles du sommeil et de l’appétit. Les symptômes ne durent que quelques jours et se résorbent habituellement au bout d’une semaine. Cet épisode ne nécessite habituellement pas de traitement. C’est essentiellement de soutien, de réconfort dont ont besoin ces mamans et surtout de se sentir comprises ; et c’est l’une des plaintes principales de ces jeunes mères, de ne pas se sentir comprises.
Selon certains chercheurs, ces comportements peuvent résulter des rapides changements hormonaux qui s’opèrent chez ces femmes. Mais la très grande majorité de mes patientes décrit un même genre de « baby blues » aux 1er et 2e trimestres. La grossesse est une période de grands chamboulements hormonaux. En commençant par une flambée de progestérone, d’œstrogène, d’hormone lactogène placentaire, et de prolactine pendant la grossesse, puis celle d’ocytocine, d’endomorphines et d’adrénaline lors de l’accouchement, puis un effondrement plus ou moins brutal de la plupart d’entre elles, en un retour à la normale plusieurs mois plus tard selon que la mère allaite ou non son petit. Il y a de quoi se « sentir » déstabilisée, et donc un tant soit peu anxieuse, avant, pendant et après l’accouchement. Et ce déjà simplement sous l’angle hormonal ; pour peu que la femme connaisse déjà quelque dérèglement de son système endocrinien (hypothyroïdie, diabète…) et soit prévenue avant toute grossesse que « ça risque de se dérégler davantage si vous êtes un jour enceinte… si vous êtes… ».
Mais considérons aussi le contexte médicalisé qui présente l’avantage de la sécurité médicale et l’inconvénient implicite d’aborder cette expérience naturelle de la vie sous l’angle des risques, dans un contexte de grands changements conjugaux, familiaux, des remises en cause dans le travail, des déménagements, des difficultés financières, et la nécessité de faire des prévisions pour l’avenir (pour ne pas parler de provisions).
Ce BB est « anodin » mais très important à prendre en considération, qu’il se produise pendant la grossesse (peu d’études sur le sujet) ou après l’accouchement ; car il semble que jusqu’à 20 % des mères atteintes d’un BB vont développer une dépression majeure au cours de la première année suivant la naissance du bébé. Cela peut se produire à la suite de l’aggravation des symptômes du « baby blues », soit plus tard, après que la mère s’est remise de son blues. Il est donc important pour le sujet qui nous préoccupe, la DPP, de s’intéresser à ce BB ; qui peut prendre une autre forme :
« Baby pink » ou euphorie du post-partum
Certaines femmes se sentent légèrement euphoriques après la naissance de leur bébé. Cet état, le « baby pink », peut durer de quelques heures à quelques jours (Glover et coll., 1994). Tout comme le « baby blues », il n’a pas besoin d’être traité et peut même passer inaperçu car on trouve plutôt « normale » cette réaction à la naissance d’un enfant.
Anxiété du post-partum
Sur le plan clinique, l’anxiété qui se déclare après un accouchement n’est pas différente de celle qui survient à tout autre moment de la vie. Selon les études (rares), entre 4 et 15 % des femmes éprouveraient de l’anxiété après la naissance de leur bébé (Wenzel et coll., 2003 ; Matthey et coll., 2003 ; Heron et coll., 2004).
Certaines femmes sont anxieuses uniquement durant la grossesse ou après l’accouchement, tandis que d’autres le sont avant et après la naissance du bébé. Dans le cadre d’une récente étude britannique d’envergure auprès de 8 323 femmes enceintes (Heron et coll. 2004), il a été observé que 7,3 % d’entre elles avaient indiqué souffrir d’un haut niveau d’anxiété durant leur grossesse. « Parmi ces dernières, 1,4 % ont éprouvé une anxiété marquée dans les huit semaines suivant l’accouchement. Parmi les femmes qui ne se disaient pas très anxieuses durant la grossesse, 2,4 % ont dit éprouver une très grande anxiété post-partum. »
Bien des mères se sentent anxieuses, dépassées et même effrayées à la suite de la naissance de leur bébé. On peut le comprendre étant donné les changements qu’entraîne le rôle de nouveau parent, et les doutes quant à leurs compétences à l’exercer. Dans certains cas toutefois, l’anxiété est telle qu’elle nuit à la vie quotidienne de la mère et a des répercussions sur son caractère et son mode de fonctionnement, et par conséquent sur l’ambiance dans le foyer.