Après avoir passé en revue une série d’éléments intérieurs, nous pouvons ajouter des éléments extérieurs qui participent au même titre à l’équilibre d’une personne en liens avec un espace qui va bien au-delà du corps anatomique.
Au passage, nous pouvons trouver une similitude de processus dans les relations humaines au sein d’une famille ou d’un groupe social lorsqu’un individu ou un enfant a un comportement qui est vécu comme étrange ou étranger. Il court le risque d’être malmené ou expulsé du groupe.
La perte du contrôle se manifeste sur un élément qui n’apparaît plus comme familier, rassurant. Cet élément ou ce système a perdu sa nature apaisante en se plaçant face à une personne qui le ressent comme hostile.
La pathologie se déclare et se complique lorsqu’une personne se laisse tenter par cette nouvelle organisation. Un élément s’est interposé entre la personne et son monde. Il n’y a plus de rapport direct, la relation est médiée et doit passer par ce poste de contrôle qui prend en main la vie et la destinée d’une personne qui perd ainsi sa liberté. Cette situation est courante et banale pour les cliniciens qui sont habitués à ce spectacle de patients qui ne vivent qu’au travers d’un organe ou d’un souvenir traumatique. C’est leur unique sujet de conversation, tout ce qui leur arrive est en relation avec le problème. Ils ne se définissent que par rapport à un élément devenu toxique. Ce phénomène peut se produire en dehors de la maladie. Il est possible d’agir de même en interposant le travail ou la famille ou son ambition ou sa soif d’argent et de réussite, entre la vie et soi, rendant impossible ou improbable une relation simple et directe avec le monde vivant. Le contact immédiat avec la vie est si difficile qu’il devient tentant de s’enivrer de drogues ou d’actions ou de maladie ou de peurs, pour fuir un face à face oppressant avec sa propre vie.
Comment guérir ?
Est-ce que d’avoir exposé quelques hypothèses d’installation de la phobie, de la douleur et de la maladie en général, peut aider à guérir nos patients ?
D’après ces hypothèses, pour guérir de ces pathologies, il faudrait aller se saisir des « systèmes » qui s’étaient détachés et « rendus étrangers » et les réincorporer. Comment procéder pour nous les rendre familiers et silencieux ? Roustang dirait : « En le faisant tout simplement ! ».
Les exercices pour guérir sont dictés par les dires du patient. Ils sont aussi nombreux et imprévisibles qu’il y a de situations et de vécus différents. Nous ne pouvons et nous ne devons donner ici une méthode ou une technique particulière. Toutefois, la physiopathologie de la maladie nous a appris que les patients étant naturellement tentés d’entrer en conflit avec l’organe ou la fonction détachée, l’objectif du thérapeute sera inverse : provoquer un revirement d’attitude et amener l’idée de la réconciliation et de la mise en mouvement.
La maladie se traduisait par une rupture puis par un isolement et enfin une immobilisation d’un système. La tâche du thérapeute sera d’amener son patient à produire l’inverse : c’est-à-dire à rétablir des liens, un retour vers la totalité au sein du mouvement de « la vie physiologique universelle ».
Le soin se construit sur les déclarations du patient. Par exemple, s’il dit qu’il déteste tel organe de son corps, alors le thérapeute peut lui demander de l’accepter tel qu’il est, même dans l’état détérioré actuel.
Autre exemple, si son patient est fâché contre son entourage qui lui mène la vie dure, il peut lui demander de faire la paix avec l’entourage en imaginant sa présence dans la pièce.
Autre exemple, si le patient a peur d’un accident d’avion, il peut lui demander de visualiser un accident et d’accepter sans émotion cette éventualité.
Ces exemples sont des caricatures sans vie, sans consistance, très éloignées de l’intensité et de la densité du soin. Ce sont de pâles reconstitutions qui décrivent un peu, ce qui se passe dans l’accompagnement thérapeutique.
Les hypothèses d’installation de ces pathologies peuvent changer radicalement la démarche thérapeutique. La mise à l’écart d’un système évoque la « dissociation » bien connue des hypnothérapeutes. Quelques études récentes6 confirment ce que l’hypnose nous avait appris.
Lorsqu’un membre a été blessé puis réparé, sa mise à l’écart provisoire a modifié l’équilibre et sa représentation. C’est le travail du médecin de rééducation ou du kinésithérapeute de remettre ce membre en mouvement et en liens avec le corps. L’hypnothérapeute peut calquer son attitude sur la réadaptation fonctionnelle. Il a la tâche d’aider son patient à se réapproprier les organes ou les fonctions qui avaient été mises à l’écart.
Un patient me dit au cours d’une séance : « Finalement, je crois comprendre que je dois accepter la réalité telle qu’elle est ? ». Lorsque ce travail sera effectué, la peur de ce qui est étrange et étranger disparaît aussitôt. Le conflit disparaît entre l’être et une partie de ce qui le constitue ; les mécanismes antalgiques et anxiolytiques peuvent agir dans ce nouveau climat. Ce qui paraissait hostile est de nouveau apprivoisé.