Les peurs phobiques apparaissent lorsqu’une personne se sent dépassée par trop d’éléments qu’elle ne peut contrôler. Pour illustrer ce propos, nous pouvons prendre l’exemple d’une phobie de l’avion qui se déclenche lorsqu’une personne veut maîtriser tous les éléments simultanément : le bon état de l’avion, les capacités du pilote, les conditions atmosphériques, les risques de collision…
Les douleurs se manifestent lorsqu’un organe échappe à l’harmonie du corps et n’est plus contrôlable. L’organe semble évoluer en dehors du corps sans bénéficier de ses régulations internes.
Dans les deux situations, les personnes souffrent d’une perte de contrôle qui les angoisse et génère un malaise. Les éléments incontrôlés créent une insécurité. L’espace environnant devient hostile, le plaisir est exclu. Le champ est libre pour la peur ou la douleur.
Le comportement d’une personne qui souffre évoque un syndrome obsessionnel. On y retrouve la fixation, la focalisation et la répétition.
Le dictionnaire définit l’obsession dans ces termes : « Etat d’une personne qu’un démon obsède ». Ce libellé laisse entendre une prise de pouvoir par un « démon » sur une personne. Quel est ce démon ? Le dictionnaire dit qu’il peut s’agir d’une représentation. Le démon semble placé à l’extérieur en comparaison avec la possession qui semble agir de l’intérieur.
Le « démon » peut être un produit de l’intérieur, mais qui va se placer à l’extérieur pour tyranniser la personne.
Ce concept est fondamental pour comprendre la maladie. Hegel2 nous le décrit précisément. « …d’une façon générale, l’essence de la maladie doit être placée dans la séparation d’un système particulier de l’organisme d’avec la vie physiologique universelle, et ce système particulier se rend étranger à cette vie universelle, l’organisme animal se présente dans sa finitude sans force et dans la dépendance d’un pouvoir étranger… ». Un système particulier s’est désolidarisé de l’ensemble composant un être vivant. En se plaçant à l’extérieur, ce système met l’être sous sa dépendance. Ce système devient étranger au corps, il devient le démon qui le malmène.
Quel est ou quels sont ces systèmes particuliers ?
Ces « systèmes particuliers » dont parle Hegel, sont pour les patients, l’objet de leurs plaintes. Ce sont leurs motifs de consultation. Ce sont ceux que les malades montrent du doigt.
Les migraineux montrent leur tête, les colopathes montrent leur côlon, les phobiques montrent leur peur de quelque chose, les douloureux montrent un organe, leur dos, leurs vertèbres,… les insomniaques désignent la fonction sommeil etc…
Ces organes ou ces fonctions endommagés prennent le contrôle de la personne et même parfois la définissent. Il ne s’agit plus de la personne untel ou unetelle, mais de la migraineuse, ou de l’amputée de la chambre 13, ou de la hernie discale de Rouen ou de Poitiers. Les patients comme leurs thérapeutes sont plus ou moins soumis à ce « système particulier » qui a pris en main la vie du patient et décide tyranniquement des orientations à prendre, les poussant vers les médicaments ou vers la chirurgie.