Première mixité thérapeutique
La psychanalyse, les TCC, la Gestalt et l’Analyse transactionnelle s’appuient sur des théories psychologiques, des théories générales du comportement humain. On bâtit une théorie par induction à partir de quelques cas et on l’applique à tous ceux qu’on rencontrera par la suite.
Quoi qu’elles en disent, les théories n’ont pas de valeur scientifique, puisque jamais réfutables, toujours complexifiables. Je les appelle les « grosses », parce qu’elles prennent plein de mauvaise graisse en vieillissant. Epistémologiquement, les théories psychologiques ne peuvent revendiquer que le rang de jolies histoires.
En plus, comme j’ai tenté de le montrer dans des forums précédents , les véritables auteurs de ces théories sont les patients : tout simplement parce que, quand vous allez mal, vous vous demandez pourquoi et vous vous faites votre petite théorie sur vos troubles.
Des gens comme Freud, Beck, Berne ou Perls n’ont fait que piquer leurs idées à leurs consultants. Leur activité scientifique a consisté à gloser leur vie entière sur quelques citations de patients dont ils n’ont jamais donné la source.
Donc, si ces thérapies ne reposent que sur des petites histoires, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas être psychanalyste le lundi matin, transactionnaliste l’après-midi, TCC puis Gestaltiste le lendemain. Pas besoin d’une longue et coûteuse formation à chacune dans leurs Instituts.
Pas besoin d’une coûteuse formation dans un institut spécialisé, mais un besoin absolu de se mettre à l’école du patient. C’est autrement plus dur. Je ne vais pas lui piquer sa théorie sur ses troubles mais l’apprendre et l’appliquer.
Ce qu’il me demande de faire, je le ferai, et rien d’autre. Si le patient est psychanalyste, je le serai ; cognitiviste, je le serai ; gestaltiste, je le serai ; s’il croit que sa dépression est provoquée par le réchauffement climatique, la récente raréfaction des phoques au Sahara, un manque de sérotonine dans son cerveau ou le tsunami à Fukushima, je serai d’accord ; je lui demanderai de m’expliquer sa théorie en détails et nous l’appliquerons pour le guérir.
Voilà une première mixité thérapeutique. Mixité thérapeutique ? Oui, parce que les patients sont mélangés, leurs théories avec. Et donc, comme vous le voyez, je ne vous ai pas raconté de mensonges, mais une ambition, celle qui me tient le plus à cœur : celle d’arriver, grâce à une suffisante souplesse, à m’adapter aux besoins individuels de chaque patient, lesquels sont infiniment variés. C’est en laissant celui-ci m’inspirer, en adoptant sa théorie sur ses troubles, que je deviens créatif. J’abandonne mes petites idées, je me quitte moi-même.
Deuxième mixité thérapeuthique
Le deuxième groupe de thérapies ne s’appuie pas sur des théories mais se constitue en différents modèles. Je range ici thérapie stratégique brève, solutionniste, narrative, PNL et EMDR. Les auteurs de ces courants ne prétendent pas expliquer le comportement humain, mais cherchent ce qui marche pour que le sujet aille mieux : ce sont les fameux « modèles » qui permettent d’élaborer des tactiques d’intervention, des grilles d’entretien et des plans de conversation.
Ces auteurs n’aiment pas s’aventurer sur le terrain des abstractions. Quand ils s’y croient malgré tout obligés, ils ne reconnaissent pas de statut scientifique à leurs idées. White fait reposer sa thérapie narrative sur la « métaphore littéraire » : ce n’est qu’une métaphore, une image. Peut-être la prudence de ces chercheurs tient-elle à leur formation philosophique sérieuse. Ni Freud ni Perls n’avaient une telle formation ; en revanche, White et De Shazer l’avaient, ce qui leur a évité de construire des énièmes systèmes pataphilosophiques.
Ici, seul le pragmatisme compte. Et comme seul le pragmatisme compte, il n’est pas déconseillé, il est même recommandé d’aller picorer ici et là, un peu partout, chez chacun de ces chercheurs, des tactiques d’intervention efficaces et d’aller au-delà en créant les siennes.
La thérapie brève peut être considérée comme un cocktail d’ingrédients venant de différents modèles. Dans l’intérêt des patients dont les besoins sont uniques, chaque praticien fait varier les proportions de son mélange à son gré avant de les secouer dans son shaker personnel et de les servir. Le client a ainsi le breuvage qu’il lui faut, qui n’est confectionné que pour lui.
Certains barmen sont meilleurs que d’autres. Et cela a commencé très tôt, puisque, par exemple, John Weakland, un pilier fondateur de Palo Alto, échangeait souvent ses idées de recette avec De Shazer, à Milwaukee.
Voilà une deuxième mixité thérapeutique. Et comme vous le voyez, ce second genre de mixité thérapeutique se mélange très bien avec le premier.
Le mélange des mélanges
Si nous mélangeons bien ces deux types de mixité thérapeutique, alors nous aboutissons à un résultat nouveau et qui ne va peut-être pas plaire. Voyons donc ce qui émerge. Le succès thérapeutique n’est pas le fruit de l’application de théories psychologiques universelles : d’accord. L’est-il d’un modèle ou d’un autre ? Non, puisque, là, il est recommandé que chacun fasse sa petite cuisine en mélangeant un peu tous les modèles. Dès lors, il apparaît que le succès thérapeutique, n’étant lié ni à une théorie ni à un modèle, ne peut être que le fruit du talent d’une personne donnée.
Le thérapeute exerce une activité artistique . Il y a des Michel-Ange et des barbouilleurs. La meilleure formation du monde ne fera pas le génie. Le talent ne s’acquiert pas par l’enseignement, même si « sans travail, un talent n’est qu’une sale manie », comme le chantait Georges Brassens. Pour que son don s’exprime, le génie doit travailler énormément. Demandez à Erickson ou à Picasso.
Les formateurs peuvent contrôler le niveau d’acquisition par leurs élèves des techniques enseignées, mais pas leur talent. Et même si untel a du mal à apprendre ses cours, cela ne présage en rien de son talent réel. Il peut être un génie caché, comme ces enfants surdoués qui ont de mauvaises notes parce qu’ils s’ennuient. Perls et Reich ont été de mauvais élèves de Freud, et pourtant des génies. Freud a eu de bons élèves qui ont été de médiocres thérapeutes.
En fin de compte, la seule façon de savoir si un thérapeute est bon, c’est à ses résultats. Ils sont évaluables, pour peu que les intéressés se prêtent à une pareille évaluation.
Voici maintenant un deuxième résultat du mixage des deux mixités. Je vous ai dit que je souhaitais être un thérapeute multicartes et que je faisais aussi beaucoup d’hypnose. En fait, vous l’avez reconnu, je ne fais que de l’hypnose. Elle est la base pour être tout le reste, et ainsi pratiquer de tout ne relève pas d’un éclectisme fou.
L’hypnose est le principe d’unité de cette mixité thérapeutique tous azimuts. L’attitude fondamentale héritée d’Erickson consiste à accepter le patient tel qu’il est, quel qu’il soit, et à utiliser tout ce qu’il apporte à la thérapie pour qu’il change. Ainsi, quel que soit le type de thérapie employée, le patient se retrouve en transe. Tout simplement parce ce que notre manière de l’approcher l’intéresse vraiment : il se sent compris, il est prêt à être guidé avec ses armes à lui, il s’ouvre au changement.