Début 2010, je suis intervenu chez Monsieur L, âgé de 72 ans et ancien mécanicien.
Il nécessite depuis peu une aide quasi totale pour ses soins corporels.
Il a pour antécédent un AVC hémorragique temporal gauche en 2002, avec récidive en 2005, qui lui occasionne une hémiplégie droite. De plus, se sont instaurés progressivement une hypertonie et des troubles dyskinétiques traités par L-dopa à forte dose.
Mon intervention hypnotique conversationnelle s’est déroulée en profitant comme précédemment des soins pour saupoudrer des mots utiles et contextuels.
La reprise des automatismes a été conditionnée à la relation de confiance et de sécurité ; nous avons pu améliorer la marche grâce à l’utilisation des termes professionnels tels que démarrage, mise en route…
Avec patience, lors de notre première rencontre, nous avons marché jusqu’à sa salle de bains en décrivant et en présupposant chacun de ses gestes. Pour suggérer l’automatisme de la marche, je me suis servi de l’image du moteur de voiture entraînant la boîte de vitesses mettant en mouvement les transmissions pour faire avancer les roues…
Sa participation aux soins fut une heureuse surprise et une motivation pour lui à être sujet. Lorsqu’il s’essuya, son bras droit hémiplégique se mis à fonctionner en « miroir » de sa main gauche. Une fois revenu dans son fauteuil, pouvoir me dire « au revoir » en me serrant la main de sa main droite hémiplégique fut inattendu. Ce qui provoqua, en plus de sa surprise, un immense sourire.
Cette expérience confirme que les archaïsmes du quotidien ou professionnels sont efficaces pour une reprise de contrôle des automatismes.
Cas de Monsieur G.
Fin 2010, j’ai rencontré Monsieur G., 64 ans, retraité depuis quatre ans, et atteint d’une maladie de Parkinson depuis dix années avec, d’après sa famille, des troubles qui étaient plus anciens.
Son état évolue de plus en plus rapidement depuis quelques mois vers une démence parkinsonienne. Au mois d’octobre 2010, celui-ci faisait encore un petit parcours de golf, sa passion, et ses troubles s’atténuaient quelques instants.
Deux hospitalisations successives pour ce problème l’ont dégradé, et il est totalement dépendant et alité ; toutes les thérapeutiques pour sa maladie ont été arrêtées. Il est désormais hospitalisé à domicile en soins palliatifs.
Je le rencontre dans un contexte différent, puisque c’est un kiné à qui je parlais du sujet de travail pour le Forum qui m’a proposé à sa famille pour une possible intervention hypnotique.
La prise de contact est difficile, car M. G. est hypersomnolent et confus, peut-être à cause d’un traitement antalgique trop puissant. Mais après quelques stimulations verbales, je lui ai racontai mon expérience avec d’autres patients et il sollicita mon aide.
Je lui ai proposé de préparer un changement de position, tout d’abord en faisant du « tapping » sur chacun de ses membres en insistant sur les pouces, index, visage et cou qu’il a peine à tenir, tout en lui faisant ressentir les différents canaux sensoriels. Ceci dans le but de stimuler la voie neurologique sensitive pour tenter de la transposer par la suite en réponse motrice.
Je lui demandai plusieurs fois, de manière hypnotique, s’il sentait sa tête sur ses épaules, puis s’il avait bien la tête sur les épaules et si sa tête pouvait être au- dessus de son corps comme est le point sur le « i ».
Un recadrage oscillatoire d’esprit s’en suivit : M. G. se mit à parler avec plus de conscience de l’instant et à poser des questions: « Pourquoi tu fais ça ? », « Est-ce que je pourrais boire un café moi aussi ? ». Il m’observait alors que tout le monde avait l’impression qu’il ne voyait plus.
J’appelle « recadrage oscillatoire » d’esprit sa reprise partielle de contact avec la réalité. Je l’ai stimulé en m’adressant à lui au lieu de parler de lui, en captant son regard et en focalisant son attention sur son corps et sur un autre registre que le soin douloureux. Même si je sentais qu’il se réassociait, ce n’était pas un acquis ; la confusion reprenait par instant, à cause de la pathologie mais aussi probablement aggravée par la puissante médication antalgique.
Avec sa participation, nous nous sommes assis sur le bord du lit. Il se tenait plutôt droit pour quelqu’un d’alité depuis six semaines. Par la suite, avec aide, il se mit debout et redemanda à refaire plusieurs fois l’exercice pendant que je le complimentais et « saupoudrais » chacun de ses gestes. Et enfin une expression sur son visage : sa fierté de se tenir debout devant sa femme en l’interpellant des yeux.
Nous avons assoupli ses mains en lui demandant « s’il pouvait se rendre un peu plus souple, plus léger pour ouvrir son index ou son pouce », en obtenant plusieurs succès successifs.
Quand on connaît l’importance, sur le schéma cérébral au niveau rolandique, du pouce et de l’index, cette suggestion simple et directive est efficace.
Je n’ai pas cherché à faire de transe conversationnelle plus aboutie, de crainte de renforcer la confusion; le golf et la musique sont des ressources, certes, mais le contexte et mes compétences ne me permettent pas de dissocier une personne confuse. Le bénéfice durait un peu après la séance, mais ensuite la confusion revenait.
Ma dernière visite fut suivie d’une grande agitation motrice, toujours sur un mode confus, ce qui rendit la vie difficile pour son épouse.
Nous avons donc cessé les séances, et il est redevenu immobile, peu de temps après pour toujours…
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