Du moins, je l’imagine. Appelons-le Olivier. Il est chaudronnier de métier. Il se bat depuis un certain nombre d’années contre un mal, s’étant allié successivement avec bon nombre de spécialistes et ayant utilisé bon nombre de remèdes dont aucun n’a réussi à remédier à son problème. Et voilà que j’entre en scène et que je décide maintenant de vous narrer notre histoire.
Au début, cela m’avait semblé une histoire simple à raconter. Un homme doit soulager, voire guérir un autre. Il y parvient, ou non, et c’est fini, ou presque. Il y a les faits scientifiques et tous les autres, les fantômes qui glissent élégamment sur la tapisserie de la Médecine dite scientifique. Les fantômes aussi il faut s’en occuper, et cela demande beaucoup de soin mais cela, je le sais. Le fantôme n’aspire qu’à une chose : revivre.
Alors, faisant fi des impératifs du fait scientifiquement prouvé, j’ai laissé libre cours à cette armée des ombres qui grossit sans cesse et qui me hante.
Olivier manifeste un tremblement essentiel du pouce de sa main gauche. Il est gaucher. Et ce tremblement de sa main la plus adroite le gêne dans son activité professionnelle. Après quelques minutes d’entretien, le pouce de mon patient s’est effectivement mis à bouger tout seul, d’un mouvement régulier, relativement lent et ample, presque gracieux. Plus Olivier essayait de contrôler son pouce, plus il tremblait.
J’ai essayé de reproduire le phénomène avec le pouce de ma main droite, qui n’est généralement pas trop gauche, sans succès. Ce patient produit un phénomène de transe, à savoir un phénomène idéo-moteur, un mouvement involontaire qui échappe à tout contrôle conscient. Il est en transe, en autohypnose, et il a besoin de s’en sortir. Comment ? En faisant ce que nous faisons habituellement à la fin d’une cure hypnotique quand le patient a du mal à se réassocier complètement ; nous ré-induisons une transe un peu plus profonde que la précédente avant de le « réveiller » complètement par des suggestions plus ou moins autoritaires et directes.
De ce fait, l’hypnose thérapeutique peut être une réponse valable au tremblement d’Olivier. A l’expérience hypnotique délétère pourra répondre une expérience hypnotique restauratrice et épanouissante. Grâce à celle-ci, nous allons remplacer la logique de passivité, de victime, par une activité saine et salvatrice. Il s’agit de créer une ambiance de changement possible, de changement durable obtenu dans le délai le plus court possible.
Selon M.H. Erickson, pour qu’une thérapie soit durable elle doit agir sur l’inconscient. Et la meilleure façon de faire est d’agir sur le symptôme prédominant à la conscience, ici le tremblement. Le symptôme prédominant est le meilleur hameçon, comme dirait Dominique Megglé, parce que produit par l’inconscient, il est le souci majeur du patient. Si le symptôme est modifié, l’inconscient l’est. L’inconscient est trop compliqué pour être exploré. Or si j’arrive à ne plus trembler involontairement, cela ne relève pas de ma volonté, et Dieu sait que cette tentative de solution est un échec total pour le patient, mais montre que quelque chose a changé dans mon inconscient.
Nous laissons l’inconscient être inconscient ; en travaillant sur le symptôme, nous lui offrons la possibilité de changer ce qui a besoin de l’être. Parfois le patient guérit sans comprendre ni le pourquoi, ni le comment. Souvent il agit de façon détournée, et le patient se surprend à avoir un comportement inhabituel. Si nous changeons notre façon de voir, c’est que quelque chose s’est modifié dans notre inconscient après de nouvelles expériences. Il s’agit de changer tout en restant le même ; c’est de cela que la thérapie se sert pour amener un changement.