Les éricksoniens modernes disent s’appuyer sur l’évolution d’Erickson lui-même pour étayer leur pratique d’une hypnose « douce », répugnant aux suggestions directes et passionnée de suggestions indirectes. Il y aurait un Erickson des premiers temps, classique, autoritaire, direct, et un second, mûri, non conformiste, permissif et indirect. Deux livres témoigneraient de cette évolution : pour la première époque, The Practical Application of Medical and Dental Hypnosis3, et pour la seconde, A Teaching Seminar. Le premier serait dépassé, le second seul encore actuel. Allons consulter ces vieilles cartes. Qu’y découvrons-nous ?
The Practical Application a été publié en 1961. Erickson avait déjà 60 ans. A 60 ans, il n’aurait donc pas encore mûri ? Alors qu’en plus, c’est la période où il travaille avec Haley qui va bientôt publier le Thérapeute hors du commun, dans lequel toutes les histoires de patients qui ont rendu Erickson célèbre datent de cette époque ? Balivernes.
Lisons le Practical Application. C’est un exposé systématique des indications et techniques de l’hypnose en médecine, anesthésie, psychiatrie, dentisterie, obstétrique, psychologie et chez les enfants, illustré de démonstrations et de vignettes cliniques. C’est, dit Erickson dans sa préface, « un manuel destiné aux étudiants afin qu’ils n’aient pas besoin de prendre de notes écrites pendant les séminaires et qu’ainsi, ils puissent y participer plus activement. » Les suggestions présentées sont autant indirectes que directes.
Le Teaching Seminar date de l’année de la mort d’Erickson, 1980, soit 20 ans plus tard. Il est d’un genre totalement différent. C’est de l’oral : le script de l’enregistrement d’un séminaire de cinq jours à des étudiants. Il y utilise autant de suggestions directes qu’indirectes. Je viens d’évoquer la suggestion directe : « Maintenant, je veux que vous entriez dans une transe très profonde, tellement profonde que vous laissez votre corps dans la chaise et vous flottez loin, flottez loin dans le temps, loin dans l’espace. » Elle vient du Teaching Seminar, à la veille de sa mort.
Les deux ouvrages ne s’opposent pas : il y a un manuel de support pour les séminaires et l’enregistrement d’un séminaire : cours et TD. Le même Erickson, autoritaire et permissif, classique et non conformiste, direct et indirect, s’exprime dans les deux avec la même liberté et la même souplesse fascinantes et fatigantes. Il est si libre et si souple parce qu’il est, constamment, asservi aux besoins d’apprentissage, purement individuels, de ses patients et étudiants. Il s’est voué à eux.
Donc, après une énième lecture de ces deux vieilles cartes, je ne peux pas m’empêcher de penser que les tenants de l’hypnose bisounours godino-rossienne ne les ont jamais consultées, ou alors dans une vie antérieure. Ce n’est pas possible autrement.
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CONCLUSION Depuis qu’Erickson a fait une extraordinaire exploration de la mer de l’hypnose, bien des navigateurs pressés y sont retournés, sans toujours suivre les cartes qu’il avait dressées de son aventure. Ils les avaient dans leurs bibliothèques et cela leur paraissait suffisant. Ils croyaient qu’ils en savaient assez avec les ouï-dire de marins rencontrés dans des bistros de port.
Alors, certains ont fait naufrage, tombés sur des récifs. Exemple de récif : ne pas savoir détecter quand un sujet simule l’hypnose pour vous faire plaisir et continuer la séance comme si de rien n’était. Et c’est le naufrage: vous le mettez mal à l’aise; vous perdez sa coopération; il vous considère désormais avec méfiance; vous risquez de susciter des réactions comportementales de sa part qui vous dégoûtent à jamais de la pratique de l’hypnose. En tout cas, votre patient, lui, il l’est, dégoûté à jamais de l’hypnose. Si vous aviez consulté les vieilles cartes, vous auriez vu le récif et n’auriez pas naufragé.
D’autres n’ont rien vu ou presque de cette Terra Hypnosia vers laquelle ils étaient partis trop pressés. Ils avaient cru que la connaissance de deux ou trois modèles d’induction, d’une vingtaine de formules de suggestions et d’une poignée de métaphores suffisaient. Au début, ils ont guéri quelques malades. Alors, avec enthousiasme, ils ont continué, mais très vite, ils se sont mis à s’embêter de la monotonie de leurs recettes de fast-food et ils ne guérissaient plus personne. Ils sont repartis, déçus, vers leur ancienne pratique, psychanalyse, TCC, médicaments. Quand vous parlez avec eux, que vous évoquez les doubles liens, les phénomènes hypnotiques ou Erickson, leur regard se voile d’une discrète nostalgie, et vous vous dites : « Dommage ! S’ils avaient seulement un peu plus consulté les vieilles cartes ! » Et puis, vous avez les derniers, les baratineurs. Ceux-là sont les plus heureux. Ils ont raconté qu’ils connaissaient la Terra hypnosia et ses îles, Créativité, Intuition, Ressources et Changement, alors qu’ils n’y étaient jamais allés: en se proclamant hypnotistes, ils avaient gagné une rente de situation. J’en connais ainsi qui n’ont jamais fait une seule séance d’hypnose de leur vie, ou alors il y a trois siècles. Ils ont un bon chiffre d’affaires. Félicitons-les.
C’est vraiment aujourd’hui le moment de reprendre les vieilles cartes d’Erickson, oubliées et rarement travaillées, pour un embarquement sûr qui va droit au but et une exploration fructueuse de cette mer tropicale, calme, transparente, pleine de poissons multicolores et de lagons bleus, comme on en rêve. Conférence donnée au VIII° Forum de la CFHTB à Strasbourg le 18 mai 2013.
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DOMINIQUE MEGGLÉ Médecin psychiatre, formé ensuite à l’hypnose éricksonnienne, Dominique Megglé est fondateur et président de l’Institut Erickson Méditerranée. Depuis 1988, ses livres, ses articles dans la presse, ses conférences, ses séminaires de formation, ont contribué à faire connaître l’hypnose moderne et la psychothérapie brève aux praticiens français.
Ça y est, les temps ont changé : l’hypnose – au moins la chirurgicale – entre dans tous les hôpitaux ou presque, et de nombreuses cliniques s’y mettent. Et en « ville », comme on dit, de plus en plus de thérapeutes brefs utilisent l’hypnose, consciemment ou non. Une sorte de consensus s’installe, renforcé par l’avis plutôt favorable récemment émis par l’Académie de Médecine.
LES VIEILLES CARTES SONT PRÉCIEUSES
Dans un style de plus en plus affirmé, Dominique Megglé proclame ses convictions sur ce qui lui paraît essentiel de l’hypnose thérapeutique. En reparcourant le travail d’Erickson qu’il vit lui-même dans son propre voyage vital. Avec lui, HYPNOSE & Thérapies brèves est heureuse de lancer le débat!
S’IMPLIQUER À DEUX. Conte d’origine française, La Belle et la Bête est très connu outre Atlantique. Marilia Baker, thérapeute brésilienne vivant en Arizona, nous montre comment il peut être richement utilisé en thérapie de couple.
UN FILM D’ERREURS EN 3D Ostéopathe devenu psychologue, Jean-Philippe Veron aborde sous trois angles comment l’erreur fait partie intégrante de la vie de thérapeute. Sur le mode de l’humour, une question éthique centrale est posée. Un texte publié avec l’accord de l’association Paradoxes.
PORTES VERS LE SUBLIME Fine connaisseuse de l’utilisation de l’hypnose en sexologie, Joëlle Mignot développe les connexions intimes entre couleurs et accès à l’un des grands plaisirs de la vie. Pour une hypnose subtile qui nous redit que le sexe est une relation créative.
UN DIALOGUE FRUCTUEUX ET SÉCURISANT Fini le temps où le clinicien ne pouvait appréhender les neurosciences que sous l’angle d’une fascination bien souvent stérile et d’ailleurs généralement temporaire ou intermittente. Une nouvelle manière de voir est présentée ici, où le clinicien peut trouver dans les résultats des chercheurs des résonances de sa pratique quotidienne qui vont le rassurer et stimuler sa créativité.
Printemps 2013, France, un jeune philosophe de 83 ans est en tête des ventes avec un essai1 écrit pour « ce nouvel écolier, cette jeune étudiante » d’aujourd’hui, qui – c’est « une des plus fortes ruptures de l’histoire depuis le néolithique »- habitent la ville tout en s’efforçant de ne pas polluer, vivent dans un « monde plein » de presque 7 milliards d’individus, et qui peuvent en moyenne espérer atteindre l’âge de 80 ans. A peu près l’âge de l’auteur justement.
Frédéric ne possède ni voiture, ni moto. Encore heureux d’avoir un vélo, se console t-il en l’enfourchant pour se diriger vers la forêt toute proche. Il a une profonde envie de se remplir les poumons des parfums des arbres et du sous-bois.
Nous commençons cette rubrique par deux jolies publications françaises. Citons d’abord celle de Patrick Catoire et al. qui étudient le transfert d’embryons avec une préparation incluant l’hypnose par rapport à une préparation standard (médicament et relaxation). Ils montrent l’absence de différence tant sur le niveau d’anxiété, que sur le ratio de naissance.
En présentant aux congrès de Brème et de Strasbourg les processus hypnotiques que l’on trouve dans les oeuvres de Bach et Debussy, j’ai associé deux compositeurs qui, à première vue, s’opposent.
La musique de J-S. Bach, comme toute la musique baroque, exerce un effet apaisant.
UN ENJEU PROFESSIONNEL POUR LA CFHTB !
Nous sommes à un moment clé de notre développement. Le 8ème Forum à Strasbourg a marqué une évolution européenne de notre travail, 2015 à Paris verra son exposition internationale.
En 1996, la CFHTB s’est créée à partir d’une prise en considération de notre identité et de sa spécificité. Simple, simplissime même !
Les différents « acteurs » francophones étaient dispersés, sans contacts les uns avec les autres, aucune structure ne les réunissait et pourtant les potentialités existaient. Isolées.