Hypnose et stratégie thérapeutique
--› L’hypnose s’adresse d’abord aux troubles dépressifs d’intensité modérée à légère. Au delà, les antidépresseurs seront privilégiés selon une stratégie classique (voir aussi encadré 1).
--› Au cours d’une dépression, l’état de conscience du sujet est modifié, envahi de pensées et d’émotions douloureuses, incontrôlables. Sa perception du passé est orientée vers les moments difficiles allant jusqu’à «oublier» les aspects positifs. Sa perception du futur est focalisée sur les dangers. Il ne ressent plus de plaisir dans ses activités habituelles. Énergie et attention sont centrées sur son monde intérieur, il modifie ses relations avec ses proches et ne ressent plus la même sécurité affective, d’où une angoisse majeure. Sa capacité de raisonnement s’effondre et il devient inaccessible à la logique de l’entourage qui voudrait lui faire «prendre conscience» de la situation pour relativiser ce qu’il vit.
--› L’hypnose génère une modification de l’état de conscience du sujet, contrôlée et réversible dans un cadre thérapeutique. Le patient peut se concentrer, se focaliser sur ce qui est important pour lui. Il peut retrouver un souvenir agréable de sa vie, une expérience sécurisante mémorisée mais inaccessible dans son état de conscience perturbée.
La transe hypnotique permet une relation très sécurisée et sécurisante avec le thérapeute. Les méthodes aujourd’hui employées pour l`induction et les suggestions thérapeutiques tiennent compte du patient ici et maintenant (émotions, langage, gestuelle). Le thérapeute se synchronise en miroir, potentialisant l’activité des neurones «miroir» (13) des lobes frontaux spécialisés dans l’empathie.
--› L’hypnose donne accès à la conscience de soi (14). Si le patient semble dormir, il vit une phase intérieure où il retrouve le contrôle au moins partiel de sa pensée. L’agitation mentale s’estompe au profit d’une focalisation, d’une stabilisation de son attention vers le confort et la sécurité.
En orientant l’attention du patient vers la réalité externe, le thérapeute favorise sa stabilité psychique. D’abord les informations visuelles : permettre au patient de se focaliser et de se fixer quelques instants sur des éléments ordinaires du lieu : un cadre, une couleur, un objet sur le bureau. Puis les informations auditives, kinesthésiques, olfactives. Cette technique favorise la stabilité.
L’expérience hypnotique active des processus para-sympathiques : ralentissement cardiaque et respiratoire, relaxation musculaire, régulation digestive.
Cet impact sur l’esprit et le corps est un grand apaisement immédiat pour le patient et lui donne confiance dans sa capacité à aller aussi bien qu’il vient de l’être pendant les quelques minutes d’hypnose. L’effet le plus visible concerne la réduction de la panique anxieuse. C’est le premier objectif à atteindre. Cette modification de son état de conscience le rapproche de ce qu’il connaît de lui même. Si cette modification est suffisante, les proches la perçoivent et le «reconnaissent». Cela procure une sédation de l’angoisse relationnelle et peut créer un effet de cercle « vertueux ».
--› L’hypnose agit sur les symptômes dépressifs (15), notamment sur la régulation précoce du sommeil. L’estime de soi est renforcée. En réactivant des épisodes favorables de sa vie, en observant ce qui fonctionne dans sa vie actuelle, le patient relativise le sentiment que tout est nul, qu’il est inutile...
Le ralentissement mental qui apparaît dans toute phase hypnotique est essentiel pour ce patient qui perçoit que la pensée lui échappe, qu’il en perd le contrôle. La capacité à orienter et fixer l’attention vers des souvenirs agréables ou vers des projections positives du futur inscrivent le patient dans une temporalité large avec une histoire et un avenir.