« Parfois le patient entre dans l'Unité avec la croyance limitante “je veux redevenir comme avant”, c'est-à-dire orientée vers le passé, donc impossible. Prenons l'exemple de cette femme de 84 ans, nous l'appellerons Geneviève, souffrant d'un syndrome douloureux pelvien complexe et d'une insuffisance respiratoire sévère.
La douleur pelvienne est considérée par Geneviève comme aussi intolérable que la polypnée permanente. Son médecin algologue tente la mise en place de cathéters de produits anesthésiants qui seront retirés dans les 24 heures.
Pour elle, “la douleur est pire, ce tuyau me fait encore plus mal”. Les différentes techniques dites invasives sont considérées par son médecin comme des cascades d'échec. Les différents entretiens par le psychiatre de l'Unité montrent effectivement une focalisation sur la douleur anale qu'elle décrit comme des tenaillements et des brûlures.
Le psychiatre conclut aussi à une anxiété importante, Geneviève semble très focalisée sur l'avenir qui lui semble obscur, et le psychiatre pense qu'elle serait susceptible d'être améliorée si elle était aidée à être davantage dans le présent. Je m'appuie alors sur ces entretiens et me présente à mon tour. Comme mes collègues, je constate que son discours est centré sur la douleur.
J'amène doucement l'entretien sur les petits plaisirs qui amènent un sourire. Geneviève me parle de ses petits-enfants (qu'elle voit trop peu souvent, me dit-elle) et me dit passer ses journées à regarder le plafond de l'hôpital dans lequel elle est actuellement hospitalisée pour gérer son insuffisance respiratoire. Elle aime également admirer les géraniums devant sa maison.
L'entretien a servi ici à mettre ensemble en place un objectif relationnel (le besoin d'écoute et de présence humaine semblant très important pour elle). Cet objectif est, à son retour, de profiter du parc de l'hôpital, ou bien celui du foyer d'hébergement quand ses enfants viendront la chercher pour y passer des week-ends.
Une fois cet objectif établi et retranscrit dans le dossier de soin, l'équipe a pu proposer une promenade à Geneviève, non pas dans un parc (nous n'en avons pas), mais à l'accueil du Centre et dans un petit salon avec vue sur la Loire. Geneviève ne nous a jamais dit que cela lui avait fait du bien, nous répondant toujours par un “j'ai mal”, mais cette fois-ci avec un sourire, et ça c’était nouveau ! »
Et Marie de conclure…
« Comme nous repartons du travail des autres membres de l'équipe, je ne sais pas à l'avance les outils que je vais utiliser, je pioche, passant parfois de l'un à l'autre, pour rester au plus près de ce que je ressens de la réalité du patient. Une sorte d'intuition stratégique. »
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