« Il est primordial que s’établisse un climat de confiance durant ces courtes périodes (en moyenne 24 h à 48 h). Chaque membre de l’équipe étant susceptible d’être “l’élément déclencheur” qui permettra à la personne de progresser.
Ce peut être lors d’une séance de kiné ou de sophrologie, pendant un entretien avec le psychiatre ou le médecin référent, ou tout simplement lors d’un temps d’échange et d’écoute avec l’équipe paramédicale. Chaque élément recueilli a son importance et est transmis d’un membre à l’autre lors d’échanges quotidiens ou lors du staff hebdomadaire.
Parfois, deux ressentis différents à des moments différents peuvent se confronter et donc se compléter. D’où l’importance de communiquer entre nous. C’est cette complémentarité qui fait la “richesse” de cette unité. »
Voyons maintenant Marie Le Ruyet, infirmière sophrologue formée à l’hypnose, qui nous raconte son vécu…
« Avant son arrivée à l’Unité, le patient, souvent passé d'un médecin à l'autre en quête de “solutions”, a pu être étiqueté “malade imaginaire” ou s’être entendu dire “c'est dans la tête que ça se passe”. Certains arrivent souvent épuisés, avec bien sûr comme objectif de soulager des douleurs, mais aussi celui de faire un break. Je garde tout au long de l'entretien l'idée que si c'est utile de poser ses valises, il peut être aussi agréable de lâcher les poignées ! »
Comment s’établit la relation ?
« Dès l'entrée dans sa chambre, le patient est en principe, comme pour les autres intervenants, prévenu de mon passage. Mais il ne sait généralement pas en quoi cela consiste, ce qui peut être générateur d’inquiétude. S’il est en train de lire ou de regarder la télévision, je n'hésite pas à faire un brin d'humour en espérant ne pas arriver à un moment crucial de l'histoire.
C'est déjà le premier pas dans la création de l'alliance. Le patient se trouve la plupart du temps dans son lit. Je m'installe alors dans le fauteuil parallèlement à lui. Je me présente en tant qu'infirmière-sophrologue.
Très souvent cette présentation suscite des explications supplémentaires. J'explique alors la sophrologie comme une prise de conscience de l'interaction entre le corps et l'esprit, c'est-à-dire le retentissement de nos pensées ou nos images mentales sur le corps et d'une sensation corporelle sur le mental.
J'essaie de saisir où en est le patient dans cette dynamique afin de partir de là où il se trouve. Je prends le temps de le rejoindre dans son monde afin d'être au plus proche de sa réalité. Je suis attentive à ce qui se passe en moi et à ce que je perçois aussi corporellement du patient, jusqu'à ce que je ressente une sensation de création d'alliance.
Ne pouvant proposer de suivi, mon travail sert souvent d'amorce ou de “facilitateur” au travail kinésithérapique ou psychothérapique. »
Que fais-tu en pratique ?
« A la demande des médecins, j’essaie généralement d’aider le patient à créer son espace de sécurité, à réapprivoiser son corps dans un moment de détente. L'apprentissage de techniques de relaxation, comme la respiration, où le lieu de sécurité permet au patient de les réutiliser en cours de séances de fasciathérapie.
Chaque intervenant s'appuie et rebondit sur le travail de son collègue, en partant de ce que le patient a retenu de son passage. Je vais utiliser la position antalgique travaillée par le kinésithérapeute pour débuter la séance de sophro-hypnose.
Le kinésithérapeute demande au patient de mettre en pratique les exercices de respiration et le lieu sûr afin de faciliter le travail corporel. L'accent est mis sur l'autonomie et les ressources du patient. Il est acteur dans sa thérapie et devient un membre de l'équipe à part entière. Souvent toute la complexité du travail avec le patient est dans l'établissement d'un objectif réaliste et si possible relationnel.
L'objectif doit être un comportement observable et si possible évaluable (par des échelles de confiance, de confort, de plaisir, sur le sentiment d'être utile...). Et c'est souvent quand cet objectif n'est pas clair ni pour l'équipe ni pour le patient à son entrée en hospitalisation, que le travail pluridisciplinaire prend toute sa place. Il s'agit d'avoir accès à l'individu douloureux et pas seulement à la douleur de l'individu. »