Toutefois, le chemin qui attend l’athlète décidé à atteindre le plus haut niveau de sa discipline est long et exigeant. Le sport de haut niveau se caractérise en effet par des exigences élevées et souvent paradoxales. Il est demandé à l’athlète de gagner, tout en prenant du plaisir, d’être rigoureux et de savoir se détendre, de faire le maximum et de savoir se mettre en pilote automatique, de savourer un succès et de ne pas s’en contenter, de se donner à fond et de s’économiser.
Nous avons ainsi défini 8 défis majeurs auxquels les athlètes de haut sont confrontés en permanence dans leur quête de l’Excellence (voir modèle ci-dessous).
Ce modèle comprend 4 axes de développement, chaque axe se caractérisant par deux défis complémentaires.
Axe 1 Accomplissement.
o Le défi de la résonance consiste à rechercher l’accomplissement de soi dans sa vie d’athlète de haut niveau. Le défi de la résonance consiste pour l’athlète à rester en contact avec ce qu’il aime faire (ses motivations), ce qu’il veut faire (ses aspirations et valeurs personnelles) et ce qu’il sait faire (ses talents).
o Le défi de l’équilibre consiste à accorder une place centrale à son projet sportif tout en maintenant un équilibre face aux autres projets, responsabilités et contraintes.
Axe 2 Préparation
o Le défi de la progression consiste à s’investir dans un travail continu de développement et d’entraînement des aptitudes physiques, techniques, tactiques et mentales.
o Le défi de la résilience consiste à maintenir ce processus de progression malgré les difficultés et échecs que l’athlète va inévitablement rencontrer.
Axe 3 Compétition
o Le défi de l’action consiste à maintenir sa détermination à rechercher des solutions et à utiliser ce que l’athlète sait et peut faire « ici et maintenant » pour obtenir une bonne performance.
o Le défi de l’acceptation consiste à permettre à son expérience de la compétition (pensées, émotions, sensations corporelles), d’être ce qu’elle est sans chercher à la modifier.
Axe 4 Relations
o Le défi de la collaboration consiste à construire des relations de collaboration avec son entraîneur, ses coéquipiers, son entourage dans un but de progression et de développement mutuel.
o Le défi de la compétition consiste à élaborer, à vivre sereinement et à tirer profit des relations de compétition avec des adversaires, proches ou éloignés, voire même avec des coéquipiers.
Dans le cadre de cette contribution, nous nous intéresserons plus particulièrement aux défis de la compétition. Le temps de la compétition est celui de l’intensité : intensité mentale, émotionnelle et bien entendu physique. C’est aussi le moment où les athlètes disent vivre le plus intensément l’influence tant positive que négative du mental et des émotions sur la performance. Les athlètes font parfois l’expérience de l’automaticité qui se caractérise par une immersion totale dans l’action et par une performance quasi sans effort. Il s’agit d’une sorte de synchronisation entre le corps et l’esprit. Mais les athlètes font aussi l’expérience de la « désynchronisation ». Ils la décrivent généralement de deux façon différentes : soit ils ne parviennent pas à reproduire en compétition les gestes qu’ils parviennent à accomplir à l’entraînement, soit leur expérience de la compétition (pensées, émotions, sensations physiques) est vécue comme antagoniste à la performance. Pour la majorité des athlètes cette désynchronisation corporelle et/ou mentale est considérée comme un obstacle majeur à la performance. Pour remédier à cette situation, ils essaient le plus souvent d’agir de façon directe sur cet obstacle en cherchant à reprendre le contrôle de leurs gestes ou de leur expérience.
Approche traditionnelle de la préparation à la performance sportive.
Les solutions généralement utilisées par les sportifs font partie de ce que Gardner et Moore (Gardner & Moore, 2006) appellent l’approche traditionnelle de la préparation psychologique à la performance sportive. Selon ces auteurs, le rôle du préparateur est de lever les obstacles psychologiques (pensées, émotions, comportements) qui empêchent l’athlète d’être dans un état psychologique idéal.
Comme le rappellent Gardner et Moore, l’approche dominante en matière de préparation psychologique est directement issue des thérapies cognitivo-comportementales de la seconde vague. Les manuels, principalement nord-américains, sont largement consacrés au modèle appelé « Psychological Skills Training » (PST) et dont le postulat est que tout athlète doit apprendre et utiliser différentes habiletés mentales (telles que la relaxation ou encore l’imagerie mentale) supposées permettre un meilleur contrôle de soi. L’objectif est en effet d’avoir une maîtrise plus grande de son état interne : les pensées, émotions et sensations physiques jugées désagréables doivent être contrôlées, éliminées ou remplacées pour permettre la performance.
De façon schématique, cette approche de la préparation mentale se fonde sur deux « croyances ». D’une part, il existe un état psychologique idéal (flow) associé à un haut niveau de performance qui se caractérise par des pensées, émotions et sensations physiques majoritairement positives et favorables à la performance. D’autre part, les pensées, émotions et sensations négatives et conçues comme antagonistes à la performance (stress, peur, manque de confiance,…) peuvent et doivent être contrôlées (modifiées ou éliminées).
Ces croyances sont bien ancrées dans l’esprit des athlètes et de leur entourage. Pourtant de nombreux athlètes témoignent du décalage qu’ils vivent régulièrement entre ce qu’ils imaginent devoir vivre (cet état psychologique idéal) et ce qu’ils vivent « réellement » : l’expérience du sport de haut niveau est loin d’être une expérience idéale ! Et, plus les athlètes font l’expérience d’un décalage entre ce qu’ils vivent et ce qu’ils devraient vivre, plus ils veulent réduire cet écart en cherchant à modifier leur expérience interne.
« La meilleure façon de se débarrasser d’un ennemi est de prendre conscience qu’il ne s’agit pas d’un ennemi » (Gandhi)
De nombreux exemples montrent que les stratégies basées sur le contrôle sont loin d’être efficaces. Au contraire, il semble plutôt que les solutions mises en œuvre tendent à créer les problèmes qu’elles sont supposées résoudre. Plusieurs éléments confortent ces observations.