C’est un argument qui peut faire penser que la nomination de notre activité comme psychothérapie n’est pas adéquate, puisqu’elle définit le chemin et non la finalité. Il aurait été aussi logique de choisir le lieu ou tout autre critère pour définir la nomination.
Faute d’autre mot , gardons celui-ci tout en ayant à l’esprit qu’il n’est pas adéquat et qu’il est peut-être plus sage de rester humble et de ne pas trop rêver de changer quelque chose d’aussi complexe qu’un esprit humain dont, après tout, nous ne connaissons rien d’autre que des métaphores. S De Shazer propose de nommer cette activité humaine : jeu de langage nommé thérapie.
Au fait, qu’est que c’est que changer ? est ce que c’est changer de personnalité, changer son esprit ou bien est que c’est quitter un chemin apparemment sans issue pour en prendre un autre apparemment ouvert ?
Pour reprendre la métaphore de Dante, ce n’est jamais que quitter une prison d’invention pour une autre.
Il m’arrive d’expliquer à mes clients que , quand ils viennent me voir, ils sont comme accrochés à un mur d’escalade, le nez contre la paroi, sans grand risque de tomber, mais incapables de savoir quoi faire pour quitter cette position, à moins de se laisser tomber.
Chez moi, ils viennent chercher un entraîneur qui va leur dire : « à ta main droite ou à ta main gauche ou à ton pied droit ou gauche, il y a tout près une prise, tu peux la prendre sans trop de difficulté, elle ne va pas te permettre nécessairement d’avancer, mais elle va te permettre de changer la perspective du mur, et peut-être verras tu alors le nouveau chemin que tu pourras suivre ». Je me garde bien de les orienter vers le fait de se poser la question de ce qu’ils feront une fois en haut du mur…
Même s’ils viennent « pour essayer » ou bien parce que quelqu’un les y pousse, c’est cet espoir qui les fait venir.
Notez que bien souvent, ils interprètent la sensation d’un espoir comme étant déjà un premier changement. Bien sûr, il sera beaucoup plus fort dès qu’il s’étayera sur la conviction d’un changement possible.
Nous ne sommes pas des jardiniers qui peuvent mettre de l’engrais pour amender le sol. Nous ne pouvons qu’utiliser les ressources du lieu, ce qui suppose que notre client , de passif , devienne actif.
S De Shazer a formulé cela en proposant de rendre les clients responsables ou bien en rendant le changement plausible pour eux.
Ce sera cela mon propos de ce soir .
Comment rendre responsable notre client ?
Sans cette conviction que vous aurez aidé à faire naître chez lui, vous aurez beau vous escrimer, mouiller votre chemise, vous plaindre d’être fatigué le soir, il ne saura pas faire la premier pas pour changer et restera désespérément accroché à son mur.
A l’expérience, il me semble que c’est la partie la plus délicate de ce type de travail. Trop souvent, le narcissisme thérapeutique, l’optimisme lié au « succès » rencontré avec un client « semblable », nous font penser que l’affaire sera facile. C’est particulièrement vrai si le client s’est déjà amélioré avant le premier entretien : ceci ne signifie pas toujours qu’il sait répondre à la question : « comment avez vous fait, ». Ce n’est pas une question de pure forme, il faut soigneusement en écouter la réponse.