Ainsi, le praticien aura tout à la fois besoin :
- de comprendre et répondre aux demandes du patient et de sa famille mais aussi à celles des autres acteurs des secours,
- d'assurer une prise en charge médicale optimale dans un environnement parfois hostile que ce soit sur le plan physique et/ou psychologique,
- de faire accepter ses décisions et d'accepter celles des autres,
- d'éviter l'émergence de conflits ou participer à les désamorcer s'ils se sont produits,
- de faire émerger chez le patient ses ressources de guérison.
Pour tout cela le praticien qui maîtrise certaines techniques de communication voit son efficacité augmenter parallèlement à sa sérénité. Nous voudrions apporter notre expérience de terrain dans ce domaine.
L’URGENCE EXTRA-HOSPITALIERE
L'alerte téléphonique
En France, les appels à caractère médical transitent par le Service d'Aide Médicale Urgente - SAMU (glossaire) départemental. Le décroché téléphonique revient au Permanencier Auxiliaire de Régulation Médicale – PARM (glossaire) qui note le motif de l’appel, l’identité et les coordonnées géographiques de l'appelant. L'appel est ensuite transmis au médecin régulateur (glossaire) qui fait le choix du moyen de secours le plus adapté sur la foi des données d'interrogatoire.
Les décisions prises dans ce contexte sont parfois à l'origine de divergences d’appréciations entre les interlocuteurs et, à la prise en compte de l’élément spécifiquement médical, peut se rajouter les difficultés de la relation humaine.
Sur les lieux d'une urgence extra-hospitalière
Le médecin régulateur prend donc parfois la décision d'envoyer sur les lieux de l'appel une équipe médicalisée, l'équipe du Service Mobile d'Urgence et de Réanimation - SMUR (glossaire). Cette équipe dite d'intervention primaire (glossaire) est alors intégrée au sein d'un réseau comprenant des intervenants multiples et aux intérêts variés et parfois divergents :
- le patient et sa famille,
- les confrères : médecin généraliste, médecin sapeur pompier,
- les transporteurs : sapeurs pompiers, ambulanciers privés,
- les représentants d’autres institutions : les forces de l'ordre, un élu,
- les médias : journaliste, photographe, caméraman de télévision.
La logique propre à chaque intervenant rend possible des désaccords le plus souvent d'ailleurs sur la forme que sur le fond.
Le patient et le stress
Le patient et/ou son entourage restent des observateurs attentifs du déroulement des secours et il convient de veiller au mieux à leur confort moral dans des conditions parfois dramatiques où le stress est majeur. L'évènement traumatisant peut laisser des séquelles importantes que ce soit pour le patient mais aussi pour sa famille ou les témoins : c'est le Syndrome de Stress Post Traumatique .
Il est possible d'envisager que, par des techniques de communication adaptée, nous puissions limiter les troubles psychologiques post agressifs.
Gardons également à l'esprit que le patient est notre plus fidèle partenaire, qu'il possède ses ressources, souvent insoupçonnées, pour aller vers l'amélioration et qu'il faut faire confiance à son désir de guérir.
ON NE PEUT PAS NE PAS COMMUNIQUER
Langage verbal, langage non verbal
Le XXème siècle a vu l'émergence de l'école de Palo Alto (Californie) et il est maintenant classique d'indiquer que la communication s'articule autour de 2 axes :
- le langage verbal qui constitue le fond du discours : il concerne le choix des mots et véhicule les données d’information. On parle parfois de langage digital.
- le langage non verbal qui constitue la forme du discours : il est basé sur les modulations de la voix, son intensité, le débit des paroles et sur la façon de positionner le corps, de de déplacer et véhicule d'avantage la relation. On parle de langage analogique.
La congruence, l'harmonie entre ces différents éléments structure, crédibilise la communication et augmente sa pertinence.La congruence représente une manifestation d'authenticité qui peut favoriser le même type de comportement chez l'interlocuteur.
L’interaction
Chaque participant progresse selon sa logique interne et celle du médecin n’est pas forcément celle du pompier ou du gendarme alors que le but final est le même. A la notion d'interaction se rattache les concepts suivants :
* Circularité, rétro-action
Ce concept nous invite à s'assurer que le message émis a été bien compris par l‘interlocuteur. En effet, ce qui est important dans la communication ce n'est pas seulement ce qui est dit par l'émetteur, mais ce qui est reçu par le récepteur : cela implique, si nécessaire de reformuler le message.
* Position haute - position basse
Dans l’interaction, celui qui prend la position haute indique autorité, savoir, montre qu’il a raison, qu’il connaît et maîtrise : c’est potentiellement une position fragile, consommatrice d’énergie car il faut régulièrement prouver sa supériorité. En position basse cette nécessité n'existe plus : il s'agit plutôt d’accepter de se placer en retrait avec une certaine modestie, voire de l’humilité. Cette position est stable. Ainsi le médecin est d'emblée placé en position haute de part son statut et le patient en position basse. Les autres intervenants (pompiers, force de l'ordre, élus) peuvent, à certains moments, revendiquer la position haute.
* Position symétrique - position complémentaire
Dans la relation, chacun est amené à promouvoir, à défendre son point de vue vers l’objectif commun et l’accord peut se faire soit dans la rivalité ce qui correspond à la symétrisation de la relation ou dans l’harmonie ce qui correspond à la complémentarité. La position complémentaire possède l’intérêt de s’accommoder de points de désaccord, nécessite maturité et effacement de l’individu au service du bénéfice ultérieur des protagonistes. Plus le nombre d'intervenants augmente et plus les risques de symétrisation augmentent, rendant le conflit d'autant plus possible.