Il y a bien longtemps, tout au début du monde, vivaient le premier homme et la première femme. Ils partageaient chaque instant de la vie, passant leurs journées à découvrir les merveilles de la terre et leurs nuits à découvrir le plaisir d'être ensemble.
Un jour, cet homme et cette femme se disputèrent violemment. Pourtant aucun des deux ne pouvait se rappeler quel avait été le sujet de leur dispute. Ils se dirent des mots durs, se mirent en colère, se lançant des mots de plus en plus violents. Finalement, pleine d'amertume et de reproches, la femme tourna le dos, quitta la maison, et s'en alla vers l'Est, vers le soleil levant. L'homme s'assit seul dans sa maison. Comme le temps passait, sa solitude devint lourde et sa colère le quitta pour faire place à un terrible désespoir et à un grand chagrin. Il commença à pleurer.
Un esprit entendit cet homme pleurer et eut pitié de lui. Il se transforma alors de manière à ce que l'homme puisse le voir et lui parla ainsi: « Homme, pourquoi pleures-tu ? » L'homme répondit: « Ma femme m'a quitté. » L'esprit dit alors: « Pourquoi est-ce que ta femme t'a quitté ? » L'homme leva les bras dans un soupir : « Je me suis disputé avec elle, mais aujourd’hui ma colère est tombée et je suis désespéré…»
L'esprit lui annonça alors: « J'ai vu ta femme. Elle marche vers le soleil levant. » Alors l'homme se leva et se mit en chemin pour rejoindre sa femme, mais il ne pouvait la rattraper. Tout le monde sait qu'une femme en colère marche vite. Finalement, l’esprit vint à son aide et lui dit: « Je vais aller au-devant d'elle et je vais voir si je peux un peu ralentir sa course ».
L'esprit regarda autour de lui. Le long du chemin poussaient des broussailles. D'un geste de la main sur les buissons, il fait éclore des fleurs, puis les fait s'épanouir et mûrir des fruits. Mais la femme ne pouvait toujours rien voir d'autre que sa colère, elle avait le regard fixé droit devant elle. Alors, une par une, de toutes les baies que portaient la montagne, même les délicieuses framboises, sortirent des fleurs en se parant de leurs belles couleurs. Mais la femme ne pouvait rien voir d'autre que sa colère, tandis que son pas rapide frappait le sol.
L'esprit fit alors appel aux arbres. Des pêches, des poires, des pommes et des cerises sauvages surgissaient tout autour de la femme. La forêt tout entière éclatait en fleurs et mûrissait en fruits. Mais la colère de la femme formait un écran opaque qui occultait tous ses regards. Elle avait les yeux fixés droit devant elle.