Marion, 13 ans, est scolarisée en classe de 5ème. Elle présente 7 critères d’inattention au DSM IV. Ses difficultés attentionnelles entraînent des répercussions scolaires et relationnelles (amicales, familiales). Il lui arrive de partir dans ses pensées, se perdre en rêves éveillés, donnant souvent l’impression à ses enseignants ou son entourage familial d’avoir l’esprit ailleurs. En consultation, il lui arrive d’avoir le regard dans le vide, semblant absente, et « de revenir sur terre » si on la sollicite verbalement (« Allo la lune, ici la terre ») ou visuellement. Il lui arrive de se plaindre de ces difficultés et semble souffrir d’oublier ou de ne pas pouvoir se concentrer ou ne pas pouvoir fournir des « efforts payants ».
En revanche, les difficultés d’attention et de concentration peuvent diminuer ou disparaître, lorsqu’elle est dans un environnement nouveau, ou absorbée par des tâches particulièrement intéressantes, dans les situations de tête-à-tête ou lorsqu’on lui donne une responsabilité comme la surveillance de sa petite sœur âgée de quelques mois. Lors de la première consultation, Marion définit elle-même son problème comme un problème de concentration et le cote 9 sur une échelle de gêne et 3 sur une échelle de capacité à se concentrer.
Dominique FARGES-QUERAUX (neuropsychologue)
Hervé FISCHER (pédopsychiatre)
Association A.C.T.I.I.F (Association Corrézienne pour des Thérapies Innovantes et des Interventions Familiales)
19100 BRIVE France
Lors de la première séance, nous avons utilisé la métaphore du rapace qui fait des cercles concentriques pour visualiser sa proie et cibler son attention. Lors de la deuxième séance nous avons toujours travaillé la focalisation de l’attention avec une évocation de tir à l’arc qu’elle avait au préalable choisie puisqu’elle connaissait cet apprentissage. Lors de cette séance un pigeon s’est introduit dans le scénario. Après de nombreux cercles concentriques, mais aussi de nombreuses facéties (ce qui avait déclenché une crise de fou rire en plein milieu de la transe) il est venu « se planter au milieu de la cible en plein dans le mille ». Marion a essayé, lors d’un travail à la maison, de retrouver cette image et elle a pu le faire juste avant une série d’exercices de mathématiques.
Les séances suivantes ont consisté à affiner les ancrages et la possibilité de les utiliser à l’école en plus de la maison. Elle a choisi une compétition d’aviron au cours de laquelle elle pouvait percevoir le bercement rassurant de l’eau juste avant le positionnement sur la ligne de départ ; le mouvement de synchronisation avec les co-équipiers (cf. l’attention partagée) et la focalisation de l’attention sur sa respiration. La sensation du plaisir de la réussite a été explorée lors de ces transes. Je lui ai demandé d’expérimenter ces ancrages lors de son travail à la maison en faisant au départ des séquences de travail courtes (20 à 30 minutes puis en augmentant progressivement le temps) puis durant les cours ou pendant ses heures d’étude surveillée où il lui était impossible de travailler. Et pour finir elle les a utilisés lors des contrôles. Lors des rendez-vous de suivi nous faisions le point sur ses réussites que j’aidais à amplifier.
Lors de la séance bilan, Marion et sa mère font part d’améliorations scolaires. Aucune note au dessous de la moyenne sur les deux mois écoulés, et la mère ajoute le plus important à ses yeux : « nous n’avons plus de conflits au sujet des devoirs, Marion arrive à travailler seule dans sa chambre et de façon continue, sans se lever ou regarder les mouches voler ». Pour Marion, le plus important est qu’elle arrive à se mettre très rapidement en attention, de façon efficace et soutenue en utilisant les mécanismes de l’autohypnose. En cours, les enseignants notent une légère amélioration de son attention et un meilleur niveau de participation. La confiance en soi a été également améliorée.
DISCUSSION
Toutes les définitions de la transe hypnotique font allusion à l’attention. C’est en général la première étape de l’induction, appelée classiquement fixation de l’attention. Pour G. Salem il s’agit du maintien de l’attention focalisée : « la transe se manifeste par un état de concentration accrue, avec diminution de la réceptivité aux stimuli extérieurs et réorientation de l’attention focale vers les phénomènes internes ». Pour F. Roustang dans « Qu’est-ce que l’hypnose ? », au chapitre « la fixation » : « L’hypnotiseur, qu’il faudrait nommer ‘éveilleur’ […] va d’abord chercher à diminuer le nombre des stimuli afférents […] Nous sommes donc en présence d’un phénomène d’attention, plus exactement de la concentration de l’attention, sur un seul stimulus ». L’attention concerne aussi la phase dite thérapeutique de la transe : Erickson, cité par Salem, définit la transe en 1958: « état d’attention et de réceptivité intenses avec une augmentation de la réactivité (réponse) à une idée ou à un groupe d’idées ».