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Revue Hypnose & Thérapies Breves, Hors Série 6 : Milton de A à Z

Alphabet des postures ericksoniennes



Revue Hypnose & Thérapies Breves, Hors Série 6 : Milton de A à Z
Posture A : la thérapie comme un appel

Lorsque le patient se présente avec une posture rigide, le clinicien peut adopter la posture de celui qui crée un appel. Et je veux entendre ce mot dans deux sens. Quand nous créons notre thérapie, nous pouvons à la fois en appeler à la bonne humeur intrinsèque du patient et nous pouvons créer une thérapie qui crée un appel. La thérapie a la réputation d’être une entreprise sinistre, mais cela n’est pas nécessaire.

Davantage qu’aucun thérapeute que j’ai étudié, Erickson faisait de la thérapie un appel. Il la concevait comme un drame théâtral sur le changement. L’impératif de sa thérapie était qu’en vivant cette pièce de théâtre, en vivant cette thérapie, vous deviendrez différent. Erickson lui-même vivait une thérapie qui était à la fois en elle-même un appel et qui faisait appel aux parties saines de ses patients.


Posture B : le banquier

Les meilleurs banquiers prennent ce que le client leur donne et lui rendent avec des intérêts. Les cliniciens peuvent adopter une posture similaire. Parmi les thérapeutes les plus intéressants et les plus dévoués à leur métier que j’ai pu étudier, ont été des banquiers : Milton Erickson, mais aussi Victor Frankl, Carl Whitaker et Virginia Satir.

D’une certaine façon, ma posture du banquier vient de ma pratique de l’hypnose. Par exemple, en faisant une induction éricksonienne, si je demande au patient « Qu’êtes-vous en train de vivre là, maintenant ? », et que le patient répond : « Je suis confortable », je peux enchaîner par : « Vous êtes réellement confortable ». Chaque réponse positive peut être reprise avec une force supplémentaire. L’essence du banquier est de renforcer le positif et de réduire le négatif.


Posture C : le supporter

Etre un supporter consiste à augmenter la motivation. Une des plus importantes leçons que j’ai apprises en étudiant l’hypnose avec Erickson était le principe, lorsqu’il s’agissait de donner des directives au patient, de clouer sur un « parce que » ouvert ou implicite, une raison pour faire les choses demandées. Quand vous suggérez une lévitation du bras à un patient hypnotisé, il est mieux de donner une raison : « Votre main peut s’élever vers votre visage parce que quand elle touche votre visage, vous pouvez prendre une respiration profonde et devenir vraiment confortable. » Ou : « Vous pouvez juste respirer… et vous relaxer vraiment. » Même un simple mot d’encouragement après une suggestion peut être motivant.

Par exemple : « Reposez-vous et soyez confortable. C’est cela ! » Dès qu’une raison pour faire une action est donnée, une motivation est présentée. L’idée d’accéder à la motivation, de développer la motivation et d’utiliser la motivation est centrale dans la thérapie éricksonienne. Une expérience de psychologie sociale qui mesurait la réponse aux rumeurs sociales a montré l’importance du mot parce que . Il avait été demandé à un étudiant complice d’attendre près de la photocopieuse d’une bibliothèque jusqu’à ce qu’un nombre convenu d’étudiants fasse la queue pour utiliser la machine. Dès que la queue s’était formée, il devait se tourner vers les étudiants et dire : « Je dois faire des photocopies immédiatement. » Le pourcentage de compliance était élevé de façon surprenante : dans à peu près 60 % des cas, l’étudiant était autorisé à passer en premier. On prit ces données comme référence (situation1).

Dans la situation 2, le comparse devait faire la queue comme tout le monde et dire ensuite : « Puis-je faire des photocopies, car mon professeur en a besoin immédiatement ? » La compliance augmenta à plus de 90 %, simplement en ajoutant les mots « parce que mon professeur en a besoin immédiatement ».

Dans la condition3, l’étudiant faisait la queue, puis la dépassait en disant : « Est-ce que je peux passer en premier, parce que j’en ai vraiment besoin ? » On l’autorisait à le faire dans 90 % des cas. Les chercheurs en déduirent que le mot parce que était opérant. Tant qu’il y avait un parce que, il y avait une motivation justifiée ; même si elle était spécieuse, elle augmentait la compliance.
Nous, cliniciens, pouvons appliquer ce principe à la thérapie. Lorsque nous donnons des tâches, nous pouvons rajouter une raison qui affecte et renforce la motivation.

Mais l’utilisation de la motivation en thérapie peut être plus complexe que le simple fait de rajouter parce que. Je me rappelle une petite péripétie qui était arrivée à Erickson alors qu’il m’expliquait en détail l’importance centrale de la motivation dans son travail. Une fois, alors que je lui rendais visite chez lui, il répondit à un appel téléphonique d’une femme qui demandait à venir en thérapie. D’une manière autoritaire, Erickson lui dit : « Montez le Squaw Peak et rappelez-moi après que vous l’ayez fait », et il raccrocha. Je le regardais l’air interrogateur, et il me dit : « Elle m’a appelé parce qu’elle veut arrêter de fumer. J’ai entendu une ambivalence dans sa voix, je ne veux pas qu’elle amène son ambivalence dans mon bureau, aussi je lui ai donné une tâche pour tester sa motivation. »

Je vécus un exemple plus personnel de renforcement de la motivation lors de la première interaction que j’eus avec Erickson. Je lui écrivis pour la première fois en 1973, lui demandant si je pouvais venir à Phoenix pour étudier avec lui. Il répondit qu’il était trop vieux et trop malade pour accueillir des étudiants.
Mais à la fin de se lettre, il avait rajouté : « Quand vous lirez mon travail (présupposant que je le ferai), n’étudiez pas le boniment, ni la technique, ni la rhétorique des suggestions. La chose vraiment importante, c’est la motivation pour changer, et le fait qu’aucun être humain ne connaît pleinement ses propres capacités. »

J’étais stupéfié que ce génie que j’admirais tant écrive des choses si personnelles dans une lettre à quelqu’un qu’il ne connaissait pas. Mais ce fut seulement quand je montrai de la motivation, lui réécrivant pour lui demander si je pouvais juste le rencontrer une fois, qu’il m’accepta finalement comme stagiaire.


Posture D : le moniteur d’auto-école

La posture du moniteur d’auto-école est particulièrement susceptible d’intéresser les praticiens de l’hypnose. Les moniteurs d’auto-école comprennent que si vous êtes en marche arrière vous devez, pour passer en première, passer par l’intermédiaire du point mort. Le point mort est le point de départ pour qui veut passer la première vitesse.

En hypnose, nous construisons et créons un processus de dissociation. Lors du programme de training intensif de la Fondation Erickson, Brent B., Geary Ph. D. et moi-même, enseignons le modèle ARE pour l’induction : A-absorber ; R-ratifier ; E-obtenir (Elicit) une réponse. Par exemple, le clinicien peut absorber le patient dans une image visuelle, ratifier le changement qui survient lorsque le patient s’absorbe de plus en plus, et ensuite obtenir une dissociation.

A partir de cette dissociation, nous pouvons obtenir des réponses hypnotiques, dont des phénomènes hypnotiques, et des ressources pour le changement. La composante dissociation peut être un simple point de départ. Dans le style d’Erickson, je dirais au patient : « Vous pouvez être un esprit sans corps, un intellect, juste flottant dans l’espace… dans l’harmonie, juste dérivant dans le temps », créant ainsi un processus de dissociation qui peut ensuite être utilisé pour construire des réponses hypnotiques et des ressources thérapeutiques.

La description de méthodes hypnotiques subtiles dépasse le cadre de cet article. Il suffit de dire ici que ces techniques font partie inhérente de l’hypnothérapie éricksonienne. Les bonnes techniques nécessitent que nous établissions une période de dissociation avant de parvenir aux réponses et aux ressources.

La dissociation a des répercussions sur le timing employé par le clinicien. En empruntant les paroles d’une chanson populaire : « Tu peux parfois y arriver rapidement tout en prenant ton temps » . Amener le patient au point mort avant de passer la première vitesse est une bonne technique. Elle peut être utilisée en psychothérapie, tout comme en hypnose. Un bref répit avant de donner une directive peut énergiser l’instant.


Posture E : l’évocateur

Lorsqu’elle fonctionne bien, la thérapie est un événement évocatif. Les thérapeutes peuvent être des dramaturges évocatifs.
J’ai suivi 18 mois de cours pour étudier l’improvisation théâtrale car je considérais que la psychothérapie était plus proche de l’improvisation que de la science. J’étais curieux de savoir comment un expert enseignerait l’improvisation. En tant qu’élève, j’eus à réciter un monologue. Le professeur m’arrêta en plein milieu : « Jeff, m’admonesta-t-elle, utilise ton corps. » « Mon corps ? », répondais-je sur un ton niais.

En tant que thérapeute, j’étais habitué à être une « tête parlante », et je ne concevais pas d’utiliser une gestuelle dans une intention évocative.
Les thérapeutes classiques n’utilisent pas leur corps pour communiquer. Ils n’utilisent pas la gestuelle pour amplifier certains points. Ils ne parviennent pas à être évocatifs dans la communication thérapeutique. Le but des dramaturges est d’évoquer : évoquer un sentiment, évoquer des perspectives, et ainsi de suite ; et ils le font par l’intermédiaire des acteurs qui utilisent leurs corps autant que le texte de leurs rôles pour donner de la force à leurs messages. Les thérapeutes peuvent utiliser leurs corps en tant que partie de leur art évocatif de la communication – afin d’évoquer intentionnellement émotion, réalisation, perspective.

Le théâtre a influencé bien plus de gens que la psychothérapie ne l’a jamais fait. Etudier le théâtre a changé ma façon de faire de l’hypnose. Dans mon cabinet, en faisant une transe pendant que le patient avait ses yeux fermés, je peux dire : « Et vous pouvez être ouvert (faisant le geste d’être “ouvert”) à l’expérience tandis que vous descendez à l’intérieur de vous (je fais le geste de la descente) pendant que je parle » (je me désigne par un geste). J’utilise mon corps pour renforcer les suggestions, même si le patient a les yeux fermés, car les gestes ajoutent des impacts subtils à la réponse voulue.

De la même manière, si vous aviez à téléphoner à la Fondation Erickson, vous seriez accueilli par l’entraînant « Fondation Erickson » de la réceptionniste, et même sans la voir, vous sauriez qu’à l’autre bout de la ligne il y a quelqu’un de souriant et de content de vous parler. Vous sauriez que la lumière est allumée et qu’il y a quelqu’un à la maison.

Je me souviens, penaud, d’avoir téléphoné à Erickson au début de notre relation. Je vivais en Californie et je voulais venir le voir à Phoenix pour apprendre sur la thérapie, apprendre sur la vie, mais je ne faisais pas partie de son groupe d’étudiants. Quand il répondit à l’appareil, je dis en hésitant : « Bonjour Dr Erickson, c’est Jeffrey Zeig. » Son ton était accueillant. « Jeff ! », dit-il, comme si j’étais un ami perdu de vue depuis longtemps. Je peux encore ressentir de l’émotion en entendant sa voix chaleureuse, et je peux clairement me rappeler ce que son enthousiasme signifiait pour moi à cet instant.

Nous, cliniciens, pouvons utiliser la communication paraverbale pour renforcer nos messages. Nous pouvons utiliser notre corps pour communiquer. Après avoir pris des cours de théâtre, mon enseignement s’est modifié. J’ai commencé à ajouter des « graphiques », des gestes stylisés, pour mieux faire passer les idées saillantes. Je souhaite ainsi créer des associations visuelles qui aident les étudiants à pouvoir utiliser certains points que j’enseigne.



Rédigé le 03/05/2012 modifié le 23/07/2020
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