Magritte cherche à détourner le symbole, crée d’autres symboles identifiables par notre inconscient seulement.
La peinture doit être poésie, la poésie appelle le mystère comme quelque chose de caché, de secret. Parfois le mystère est inaccessible à la raison et il faut l’accepter comme tel. Selon Heidegger, le mystère est inhérent à l’essence de la vérité .On ne peut expliquer le mystère, on peut le pressentir.
Pour Magritte un tableau doit être fulgurant ; il doit susciter chez le spectateur l’intuition du caché. Magritte propose au regard une devinette ambigüe que résout l’intellect. Comme en hypnose, Magritte perturbe le rationnel.
Ainsi donc il crée avec des choses connues, l’inconnu .Le propos de Magritte est de poser des questions sans y apporter de réponses. A la liberté du peintre correspond celle du spectateur. Le discours délivré par le tableau, semblable à une induction de transe, en appelle à l’inconscient du spectateur et à ses réactions secrètes, à la fois par le biais de ce qu’il montre et de ce qu’il ne montre pas, mais qu’il suggère. Il y a des « Souvenirs de voyage » de Pise trop insistants qu’on ne peut ignorer et l’on se retrouve en quête d’un merveilleux fil de conduite jusqu’à notre dernier jour : être cette plume souple et douce et soutenir cette tour !
Définir l’endroit où chercher nos ressources, on pense à Erickson et son arrière boutique pleine de stocks. Savoir faire la part de ce que le patient ose dire du non dit qui le rend douloureux, malade, inquiet.
Définir l’apparent, le caché. Qu’y a t-il derrière le réel, derrière la réalité qui cache toujours autre chose ? D’abord examiner les choses et les objets en leur objectivité même, Objectivité qui passe au second plan dès lors que surviennent les lumières du mystère caché là.
Des éléments dans la peinture de Magritte, en s’opposant provoquent un choc tout à fait apte à mettre « l’esprit en éveil », à le conduire sur le chemin de la pensée et des interrogations. Peindre la pensée qui peut être peinte, c’est assurément prendre la peinture comme un révélateur, un catalyseur c’est aussi un exercice d’intelligence.
Magritte nous change. C’est le mystère Magritte. Il nous fait prendre conscience que ressembler est un acte qui n’appartient qu’à la pensée, c’est devenir la chose que l’on prend avec soi. C’est ce que l’on pense qui est, parce que l’on pense, les choses deviennent compréhensibles. L’acte essentiel de la pensée est de devenir connaissance. La beauté de ses œuvres nous laisse cette joie; « un bienheureux étonnement intérieur »,une jubilation. Les patients ne s’y trompent pas.
Magritte est lui aussi un thérapeute hors du commun, un thérapeute moderne.
Magritte fait resurgir des souvenirs de traumatismes gravés dans la mémoire, occultés par des censures qui préfèrent se manifester par des pathologies. Le fusil de chasse ensanglanté appuyé négligemment sur le mur tapissé de papier fleuri du couloir reste évocateur avec son titre « Le survivant ». Cette femme des « Jours gigantesques » se démène pour éviter deux mains monstrueuses palpant le haut de sa cuisse, son visage est terrorisé et refuse de regarder cette partie d’un homme découpé que le peintre a représenté de dos.
Ce corps qui repousse l’agresseur en dit plus long que des années d’analyse. Avec « L’assassin menacé » s’agirait-il de rappeler à certain une macabre découverte ? Enfin la tentative de suicide dans « Echec et mat » laisse peu d’ambigüité face à ce revolver. Toutes ces œuvres deviennent support pour révéler une violence enfouie trop difficile à exprimer, au milieu d’autres œuvres le souvenir est perçu tout à coup comme plus banal, exprimable puisque ces œuvres sont vues par des milliers de gens qui visitent les musées ou regardent des livres d’art.