Monsieur B. a une trentaine d’années et est papa d’une petite fille. Il a pris rendez-vous car « ça ne va plus avec sa compagne » qui lui reproche de ne pas « être suffisamment là ».
Il précise qu’il est venu, mais "qu’il n’est « vraiment pas sûr que [je vais] pouvoir l’aider.
D’autant plus qu [’il] ne voudrai[t] pas que ça dure trop longtemps. »
Mr B explique qu’il a repris des études depuis un an et demi, et trouvé un poste qui lui correspond mieux (poste à responsabilités), mais à près d’1 heure de train de son domicile.
Ce qui fait qu’il part à 7 h le matin et ne rentre pas avant 19h le soir. Ce poste est une « opportunité » à saisir parce qu’il ne « trouverait rien » dans la petite ville où il habite.
Sa question est : « comment sortir de ce dilemme sans en arriver à une rupture avec sa compagne ?».
Je lui propose un petit « exercice ».
Le dessin en 3 étapes.
1. dans la partie haute de la feuille (ce qui lui pose problème), il représente :
• sa femme et sa fille
• une pendule (le temps )
• une flèche avec une pointe à chaque bout (la distance)
• un éclair (les conflits)
2. dans la partie basse (comment il aimerait que ce soit) :
• sa femme, sa fille et lui
• dans une pendule
• un soleil
→ ce serait être en famille,
en ayant le temps
et sans la question de la distance
3.Comment passer de la partie haute à la partie basse ?
Il ne sait pas. Puis il propose : « déménager ? Ou alors que l’un des deux arrête de travailler ? »
Mais ça ne serait « que de fausses solutions » dit-il, alors il ne sait vraiment pas.
Monsieur B. semble assez angoissé par le fait de ne pas savoir ou pire s’il n’y avait pas de solution à son dilemme… Aussi, après quelques minutes, plutôt que de laisser cette angoisse s’insinuer, je lui demande si je peux, moi, dessiner quelque chose. Et je reprends, aussi fidèlement que possible, le personnage masculin qu’il avait représenté en bas de la feuille.
Dans un 1er temps, il ne voit pas de qui il s’agit : « C’est qui celui-là ? » demande t-il.
Puis quand il « se reconnaît », je lui demande s’il sait pourquoi je l’ai dessiné là :
« C’est moi qui viens, donc c’est moi le responsable ? »
« ou c’est moi qui doit trouver la solution ? »
Il n’est pas satisfait de ces hypothèses. Moi non plus. Je « sens » qu’il y a « autre chose » et lui demande alors :
« Où êtes-vous dans la partie haute du dessin ? »
« Moi aussi, je me suis posé la question … » répond-il « Est-ce que ça veut dire que je ne me sens pas concerné par le problème ? »
J’ajoute seulement (allez savoir pourquoi ?) que « la distance n’est pas seulement une question de kilomètres ».
Il fait alors un lien avec la question de sa place dans son couple à partir de laquelle il accepte les décisions que prend sa compagne, sans être d’accord, mais sans oser s’y opposer, car il n’a, dit-il, « pas d’arguments ». Et comme en plus, il n’est pas beaucoup là… Et il commence à parler de son histoire, de sa difficulté à s’affirmer et à dire « non ».
2ème rencontre
Ça va « beaucoup mieux » dit-il : il s’est autorisé à ne pas être d’accord avec sa compagne, à donner son avis, même si ça a entraîné des conflits et présente ceux-ci comme un indice de sa présence : « C’est bien parce que j’étais là, qu’il y a eu ces conflits ». Le fait d’assumer ceux-ci est quelque chose de nouveau et d’important pour lui.
3ème rencontre, très brève
Sa compagne ne lui reproche plus de ne pas être suffisamment là, même si elle ne voit pas en quoi il a changé ! Ils envisagent de faire un autre enfant.
D’un commun accord, nous convenons d’espacer la rencontre suivante qui sera par ailleurs la dernière. Il s’agit là d’une utilisation peu conventionnelle du « dessin en 3 étapes », mais l’angoisse que suscitait l’absence de réponse pour Monsieur B. ne me semblait pas constructive à ce moment-là. Bien au contraire, elle venait alimenter sa crainte qu’il n’y ait pas de solution à son dilemme et une représentation imagée lui a facilité la compréhension dynamique de sa situation.
Les outils que je découvre au fil des rencontres, lectures ou formations restent… des outils. Je les détourne assez régulièrement de leur application initiale (mea culpa !), afin d’en faire quelque chose qui me ressemble. Je ne peux travailler qu’avec ce que je me suis approprié.
Peut-être, là encore par peur de m’enfermer dans un carcan de technicité, au détriment de ma posture d’écoute. Il m’est ainsi possible de jouer avec, et en fonction de, ce qui se passe pendant la séance.
En lire plus