( on peut comprendre : « Bon, la peur : c’est terrible, mais on a presque déjà un peu ‘’joué’’ avec. » En tous cas, elle a été prise en compte, et même ça peut bouger, et plutôt dans le bon sens. Y aurait-il une échelle ? et peut-être un rhéostat ? )
Je donne le déroulement, les séquences : « Pour vous, il y a plusieurs étapes. D’abord, mettre la perfusion, puis faire l’anesthésie locale, encore attendre un peu que tout soit prêt, et enfin dans la salle d’opération mettre le médicament dans le tuyau de la perfusion, pour faire l’anesthésie générale. »
Une phrase utile simple pour induire un état d’hypnose : « Vous êtes droitier ou gaucher ? » Les gens hésitent toujours. Surprise. Ils réfléchissent. Confusion.
« Droitier ? Je placerai la perfusion au bras gauche, comme ça vous pourrez vous gratter le nez avec le bras droit si vous le voulez. D’accord ? »
Autre phrase utile : « Quelle est votre activité professionnelle ? » Puis peu de temps après , l’autre phrase très utile : « Qu’est-ce que vous aimez faire quand vous voulez vous détendre ? » ( suggestion de détente, sans injonction ! )
Utiliser la réponse ou la reformuler, si besoin. Ratifier : « Oui, vous aimez le jardinage. Super ! qu’est-ce que vous aimez faire dans le jardinage ? »
« Les roses ! Alors je suis sûr que vous pourriez les voir, vos rosiers, si vous vouliez fermer les yeux… » « Mais vous pouvez à tout moment garder complètement le contrôle de la situation. » Paradoxe !
« En particulier vous pouvez respirer tranquillement, calmement, régulièrement, pendant que je prépare les médicaments. » Si besoin : « Et maintenant, vous voulez m’aider ? »
« Oui…. Alors vous savez ce qu’il faut faire pour m’aider ? »
« Non ? Et bien… c’est simple,…. je vais vous le dire… Pour m’aider,…. il faut … ne rien faire. Juste respirer. Respirer, … régulièrement… »
Et là, c’est parti : « Vous respirez un peu plus profondément, calmement, là…
Vous êtes toujours dans le jardin ? »
« Je vais placer la perfusion. ( Je ne prononce jamais le mot piqûre, et très peu souvent aiguille. Utiliser le mot placer, mettre.)
Fermez le poing. Voilà, serrez fort les muscles de l’avant-bras pour fermer le poing. Voilà… C’est bien. »
Je me suis entraîné à faire la ponction veineuse au milieu de l’avant-bras, et non pas au pli du coude, ceci sans mettre de garrot sur le bras. Pourquoi ? Parce que ça me détend d’être concentré et ça ne m’ennuie pas d’être avec le patient, en hypnose moi-même, et comme je suis un peu paresseux, ça m’évite de chercher un garrot ! Ça évite aussi au patient de ressentir la contrainte du garrot qui serre le bras, ça évite (je pense) de faire revenir par conditionnement des images de piqûres précédentes. Ainsi la situation est vraiment différente. (Cf TCC)
Pour provoquer une vasodilatation au point de ponction, il suffit de taper légèrement, plusieurs fois, du bout de l’index, sans forcer, sur le segment de veine choisi. Un réflexe vasomoteur localisé produit une vasodilatation évidente et la plupart du temps bien suffisante.
« Parfois dans votre jardin lorsque vous taillez vos rosiers, ça peut vous arriver de vous piquer avec une branche. » Attendre … « Oui ! bon, ce n’est pas agréable, mais ce n’est pas si terrible, alors, ici, ça peut être pareil. »
« Voilà. J’y vais »
« Voilà, c’est fait… »
Attention : troisième phrase utile : « Lâchez tout ! » c’est la seule injonction que je me permette lors de toute la séance. Et là, le patient desserre le poing, mais lâche aussi tout le tonus qu’il avait fait venir dans le reste du corps. Il lâche aussi tout ce que son inconscient veut bien lâcher en même temps…
C’est aussi l’utilisation du principe de la relaxation différentielle de Jacobson.
« Voilà la première étape est terminée. C’est fixé avec l’adhésif ici, c’est solide, vous pouvez bouger le bras si vous voulez… ! » ( autonomie !)
Accompagner chaque geste d’une parole. Je prépare « les ingrédients », je prépare le médicament pour l’anesthésie locale.
Pour l’anesthésie locale, je dépose le médicament dans l’espace où passent les nerfs. « Le médicament est un isolant qui va isoler votre bras ( votre pied ou telle zone corporelle ) du reste du corps. »
Suggestion : votre bras ( votre pied etc… ) va être isolé du reste du corps.
« Quand le médicament se résorbera, tard dans l’après-midi, la soirée, votre bras va se rattacher, ( suggestion de réunification du corps ) vous retrouverez toutes vos sensations, et la douleur va essayer de s’installer… » Pour la douleur j’utilise le mot essayer et fait un petit topo sur la douleur pour expliquer au patient la gestion quasi préventive de la douleur. Et notamment l’anticipation de la douleur de ponction : « Est-ce que ça pique ? Est-ce que ça fait mal ? »
Une réponse possible : « Vous allez sentir quelque chose. Ce n’est pas agréable, mais vous me direz ce que vous avez vraiment ressenti. »
Alors ce que je ne m’entends plus dire : « Ça va bien se passer. Tout le monde supporte. Ça ne rate jamais. Détendez-vous ? Restez calme ! Calmez vous ! »
Je ne dis jamais « Je vais essayer », « Je vais tenter »… encore moins, « On va essayer de… » « On ». « On va faire… ». Mais: « Je vais faire, je vais placer… » C’est fou le nombre de choses que je place : la perfusion, les électrodes, l’oxymètre de pouls, le masque sur le visage parfois. Et même le patient sur le chariot ou la table d’opération, en disant : « Prenez place, ou prenez votre place, là… »
Quelle réflexion pourrait sous-tendre cette pratique ? Permettre au patient de vivre cet épisode d’intervention chirurgicale, portant sur son corps, qui mobilise des peurs archaïques, comme faisant partie de sa vie, ayant sa juste place dans son histoire personnelle, lui permettant de mobiliser le moins possible ses mécanismes de défense.