Mais pour répondre à cette nécessité naturelle, il suffit de boire et de manger suffisamment. Ainsi, manger plus que nécessaire, par gourmandise, n’est pas préconisé. En effet, Epicure défend un savant calcul entre les plaisirs, dont le but est de conduire au bonheur comme repos de l’âme et du corps, absence de souffrance.
Il n’y a pas de plaisir du corps, car le plaisir est un sentiment ressenti par l’âme. En revanche, le plaisir au niveau de l’âme peut être produit par l’équilibre trouvé au niveau du corps. Ainsi en est-il de manger à sa faim.
Trop manger peut procurer du plaisir, mais en créant un déséquilibre, un excès au niveau du corps. Le plaisir peut donc avoir des effets néfastes et être source de douleurs à venir. Le but de la vie bienheureuse étant la santé du corps et la sérénité de l’âme, le calcul des plaisirs doit se rapporter à ses buts.
On peut penser ici aux cas d’obésité dus à un excès régulier de nourriture. Le plaisir ressenti à manger peut être grand, et répété aussi souvent que désiré. Mais au bout du compte, les effets sur la santé sont néfastes : problèmes articulaires et de dos à cause d’un poids trop important, risques cardio-vasculaires, diabète, hypertension artérielle, complications respiratoires…
On peut pousser plus loin et parler également des bénéfices psychologiques que peut procurer la nourriture. Epicure en parle à sa façon, en introduisant la notion de dépendance. Lorsque le manque se fait sentir, on cherche à le combler, et l’on est ainsi dépendant du plaisir, dont l’absence nous torture. Il y a alors un besoin de plaisir.
Pouvoir être autosuffisant, au sens où l’on est capable de se contenter du minimum, est, selon le philosophe grec, le remède à cette dépendance. Et c’est parce que l’on sait se contenter du minimum, par exemple du strict nécessaire à la vie concernant la nourriture et la boisson, que l’on peut d’autant plus apprécier l’abondance lorsqu’elle est là.
Mais si l’on est dépendant, et que manger devient un besoin au-delà de ce que le corps nécessite, alors c’est que le plaisir procuré de la sorte répond à autre chose qu’une nécessité naturelle, et vient combler un manque psychologique. On sait d’ailleurs aujourd’hui combien la nourriture, comme l’alcool (mais aussi la cigarette), par ailleurs rapportés à la pulsion orale dans la perspective psychanalytique, peuvent jouer un rôle antidépresseur par rapport à un sentiment de vide, face à un manque qui fait angoisse.
Cette dernière se trouve calmée par le fait de manger, de boire ou de fumer, mais sans vraiment répondre au fond du problème, et en générant des souffrances à court, moyen ou long terme (problèmes de santé). Mauvais calcul, donc, dans l’optique épicurienne.