Dans un cadre épistémologique humaniste et systémique, notre travail vise à explorer de nouvelles modalités d’intervention liées à l’émergence des cultures numériques. En référence directe et assumée au « mesmérisme », nous cherchons à appréhender les conditions d’émergence d’un flux thérapeutique lié aux pratiques multimédia.
Comment mobiliser ce « flux culturel » en thérapie ? Comment l’utiliser pour amorcer, amplifier et ancrer les ressources des personnes ?
Le flux transmédia
Aujourd’hui, notre histoire de vie s’écrit en partie via des supports multiples (SMS, tweets, mails, réseaux sociaux, etc.). Nous constatons que les petits objets multimédia (POM ) participent à la mise en scène de notre identité globale.
Le flux multimédia ne se contente plus de faire « scintiller » les pixels de nos écrans, il s’invite entre, au travers et par-delà les objets courants (écran sur réfrigérateur, domotique, puces sous-cutanées, etc.). Il participe à la création d’une réalité dite « augmentée » , de ce que l’on nomme depuis peu « l’Internet des objets ».
Précisons que le terme « transmédia» a été inventé dans le contexte culturel du divertissement numérique. Il désigne la narration qui se vit par-delà la question du support. Le récit peut se vivre à la fois sur le Web, au cinéma, à la TV, et se poursuivre dans un jeu vidéo où sous forme de jeu de rôle in vivo. La mythologie « Star Wars » est un exemple. Les frontières entre réalité et virtualité disparaissent. L’enfant peut vivre le récit via le recours aux jeux réels (figurine, costume) et virtuels (console, DVD, avatars, etc.).
L’enjeu anthropologique nous semble incontournable pour la thérapie. La multiplication des formats peut conduire à une dissolution du sujet. Le rapport consumériste ne permet pas de nous approprier créativement cette ressource culturelle. La fascination du geek est un exemple d’hypnose « fétichiste ». Il peut se couper du monde à mesure qu’il consomme de la culture numérique.
A l’opposé, la communauté linux est un exemple d’assimilation créative de la technologie. Elle facilite notamment l’émergence d’outils innovants et gratuits au service de la création artistique contemporaine (exemple de puredata ou processing).
3A : amorcer, amplifier et ancrer la ressource
En dépassant la dichotomie classique entre technophobie (peur) et technophilie (fascination), nous découvrons que le multimédia est une forme culturelle parmi d’autres. Certes, ces outils possèdent de nombreux atouts (souplesse, possibilité de mixer, partager, transposer) mais ils ont également des limites (hypertrophie de l’audiovisuel sur le kinesthésique).
Il s’agit d’explorer les conditions de traduction entre objet et sujet (Bruno Latour) et de transduction entre culture, esprit et corps (Ernest Rossi). L’enjeu est d’utiliser la création transmédia pour aider la personne à amorcer, amplifier et ancrer les processus hypnotiques.
La posture du thérapeute est celle d’un accordeur au service de la construction d’un réseau relationnel (entre humain et non-humain, dirait Bruno Latour). Il s’agit d’aider le réseau à se densifier (approfondir le vécu sensoriel) et à se centraliser (créer de la relation aux autres), ceci au travers du flux transmédia.
Ainsi, notre démarche n’est pas centrée sur la dimension cognitive et symbolique. Nous centrons notre travail sur l’action (l’énaction, pourrait préciser Francisco Varela). Pour ce faire, nous appréhendons les phénomènes via la métaphore du fluide énergétique. Nous pensons que la culture numérique possède une énergie latente (Jean-Pierre Courtial ). Nous explorons les conditions de son actualisation en thérapie.