Pour le psychiatre argentin J. Bucay, l’impact d’une fable, d’un conte ou d’une anecdote reste beaucoup plus longtemps imprégné chez les gens que des explications intellectuelles. Le modèle éricksonnien l’envisage comme « une arme didactique » (Laisse-moi te raconter….les chemins de la vie. p 9). M. Dufour, pour construire cet impact, mixe et /ou s’appuie et/ou s’inspire des récits ou contes en y ajoutant ses écrits, tandis que Jean Touati, sur la base d’un conte, réécrit l’histoire selon la situation du patient, les mots de celle-ci étant alors mis en relief et en couleur dans le texte écrit, puis appuyés intentionnellement lors de sa lecture. Ces mots s’adressent à l’inconscient du patient. Cette métaphore aura une connotation isomorphique, insérée dans une technique de traitement thérapeutique dite « de reconstruction hypnotique ».
D’autres hypnothérapeutes composent au fur et à mesure de la séance. Des ateliers de contes thérapeutiques apprennent à adapter le conte à chaque personne selon ses symptômes et sa personnalité. Des hypnothérapeutes comme E Josse procèdent par une mise en état hypnotique du patient, puis insufflent l’histoire métaphorique en proposant un voyage qui est une allégorie. Cette auteure y insère des suggestions grâce aux canaux sensoriels, en repérant pour chacun de ses patients son canal privilégié. Celui-ci servira de passerelle (dans une conception proche de celle utilisée en PNL) qui fédère une alliance thérapeutique amenant le patient à se sentir compris.
Action des histoires métaphoriques
Suivant M. Dufour, et en accord avec l’approche d’Erickson, la métaphore thérapeutique dépotentialise, lors du premier temps de la transe hypnotique, le cerveau gauche, c'est-à-dire le conscient : « Le conteur rejoindrait davantage le côté intuitif, la spontanéité, la créativité par le biais du cerveau droit pour atteindre l’inconscient » (Allégories pour guérir et grandir, p 32). Le cerveau gauche peut alors secondairement synthétiser le travail préalablement effectué :
« La métaphore et l’allégorie sont probablement les plus efficaces des techniques qui font intervenir l’hémisphère droit parce qu’elles font appel au processus même d’acquisition. » (Ibid., p 29). L’inconscient, « riche de possibilités et de solutions » (p 24), continue à alimenter le conscient par un travail de renforcement. Et les suggestions (ou métaphores) contribueront à graduellement modifier les comportements problématiques. L’ancrage d’un changement insufflé pendant l’état hypnotique deviendra un outil qu’il sera possible de réactiver lorsque cela s’avérera nécessaire. A son insu, le patient en état de conscience modifié pourra visualiser, se laisser aller à ses émotions, à ses projections, à ses rêves. Dans l’histoire métaphorique, le patient fait une découverte à partir de l’intérieur !f
En résumé, il existe dans une histoire métaphorique trois niveaux d’action :
1) Celui du message apparent, qui est le déroulement de l’histoire adressée au conscient.
2) Celui du message caché, latent, qui chemine alors souterrainement et qui s’adresse à l’inconscient par suggestion inter contextuelle . Ce message fait écho aux problèmes du patient, et favorise des prises de conscience qui engendrent des réaménagements psychiques.
3) Enfin des niveaux psychiques également atteints par le message caché, mais qui sont inaccessibles au conscient.
Vignette clinique
Issue d’une fratrie de trois, Melle P, est une jeune femme dans la quarantaine, célibataire, sans enfants. Après une psychothérapie d’inspiration psychanalytique de deux ans effectuée avec moi, puis une interruption d’une durée similaire, elle sollicite de nouveau une consultation. Lors de celle-ci, Melle P. est tendue, quasiment figée, et montre un visage crispé. Elle commence par exprimer des angoisses diffuses, disant qu’elle n’aurait pas fini le deuil de sa mère décédée cinq ans auparavant. La patiente me parle ensuite des derniers mois de l’année 2009 et du début de 2010. Devant subir une ablation de la thyroïde (suspicion de cancer) en avril 2009 - l’opération aura finalement lieu en novembre 2009- elle s’engage en juillet dans une relation amoureuse avec un homme divorcé ayant trois enfants, puis entame en septembre une nouvelle formation professionnelle au sein de son entreprise. En janvier 2010, la rencontre amoureuse se solde par une rupture. Depuis février, elle s’est mise à mi-temps thérapeutique, à la fois parce qu’elle s’est « effondrée », mais aussi pour pouvoir mener à bien sa formation. Elle dit vivre ce mi-temps de manière culpabilisée. Ne demandant rien à personne, elle a peu reçu de soutien spontané en retour. Les personnes qui constituent son entourage ont été étonnées de son effondrement.
Notre choix thérapeutique se fixe sur une reprise du lien à soi, quand tout le monde la laisse à son triste sort. Apaiser ses tensions internes par une reconnexion avec elle-même, et retrouver le chemin de ses ressources oubliées.
La psychothérapie préalable nous a allégé des entretiens préparatoires en ciblant assez directement les afflictions. Des séances d’hypnose lui sont proposées.