Quand les souvenirs traumatiques s’expriment dans ces symptômes non verbaux et ne sont pas encodés dans la mémoire autobiographique, le trauma-thérapeute ne peut pas dépendre du récit de son client pour guider le processus thérapeutique vers sa résolution. De plus, la capacité à verbaliser des expériences somatiques internes nécessite que le patient soit attentif à son corps, alors qu’en fait bien souvent il l’a justement effacé ou évité, dans le but de minimiser les sensations déplaisantes ou douloureuses.
Le sens récurrent d’un danger imminent, appelé « terreur sans voix » (Siegel, 1999 ; Van der Kolk, Van der Hart & Marmar, 1996), contribue à rendre le langage indisponible. Les individus traumatisés sont mis au défi par un système nerveux qui est incapable de réguler les manifestations de façon adaptative. La plupart ressentent trop (« hyperarousal ») ou pas assez de stimulation (« hypoarousal »), et souvent oscillent entre ces deux extrêmes (Ogden, Minton & Pain, 2006 ; Post, Weiss, Smith, Li & McCann, 1997 ; Van der Hart, Nijenhuis & Steele, 2006 ; Van der Kolk, Van der Hart & Marmar, 1996). Il y a un siècle, Janet (1909) écrivait que les émotions véhémentes, les manifestations intenses évoquées dans le trauma altèrent la capacité à formuler l’événement traumatique en récit explicite et cohérent. Les patients accablés trouvent peu de mots pour décrire leur passé parce qu’ils subissent une pénurie d’émotions et de sensations – un engourdissement, l’impression d’être mort, ou vide, de la passivité et de l’immobilisation (Bremner & Brett, 1997 ; Ogden, Minton & Pain 2006 ; Spiegel, 1997 ; Van der Hart, Nijenhuis, Steele & Brown, 2004).