Qui pouvait voyager plus vite que la lumière
Distribuant son courrier relativement vite
Les lettres étaient reçues avant qu’elles ne soient écrites… »
Précoce, prématurée, hâtive, rapide ? Quatre termes formulés par les patients qui consultent pour trouver une solution à ce qu’ils vivent la plupart du temps comme un manque de « maîtrise » de leur fonctionnalité sexuelle. Ils sont en conflit voire en colère contre eux-mêmes. En fait, le rapport à la pulsion sexuelle (« je suis pulsif » déclarait un de mes patients !) est au centre de cette problématique mettant en évidence les rapports au corps conscient/inconscient, volonté et « in » volonté le centre même de la question étant « ma tête voudrait que cela dure (quoi d’ailleurs ?!) et mon corps m’échappe… »
Si l’on se place sur le plan hypnodiagnostique, nous sommes en pleine dissociation. S’il est reconnu que l’éjaculation rapide est le trouble sexuel masculin le plus fréquent, et concernerait 30 % des hommes (1), le lien entre le corps et le temps inscrit dans une histoire singulière est aussi à l’œuvre. C’est ce qui va nous intéresser ici.
L’expérience clinique montre que l’hypnose est une alternative particulièrement intéressante car elle présente l’avantage d’envisager le patient dans sa globalité somato-psychique et de permettre la prise en charge sur des plans très différents suivant le vécu du patient, la nature du symptôme et ses conséquences sur l’individu et le couple. Après un bref rappel des travaux et des processus en marche dans l’éjaculation, en particulier sur le plan physiologique mais surtout psychologique, nous explorerons les 7 voies d’accès pour traiter l’éjaculation rapide grâce à l’hypnose.
1 – Les bases
Il existe un certain nombre de définitions théoriques de l’éjaculation rapide. Elles vont de la pathologie personnelle à la déficience relationnelle voire serait le reflet d’une supériorité biologique ! Ces définitions sont en fonction du nombre de poussées pelviennes, de la durée de pénétration, de la fréquence orgasmique de la partenaire, du contrôle sur le réflexe éjaculatoire de la capacité d’éjaculer au moment désiré, des critères subjectifs du couple, de critères évolutionnistes et enfin, la définition de l’Association américaine de psychiatrie, DSM-IV, qui va proposer dans son futur DSM-V une définition plus précise encore et qui reste à discuter. Le livre de François de Carufel (2) détaille très précisément ces définitions.
Robert Porto, dans son article « Aspect psychologiques de l’éjaculation prématurée » (3), reprend les grands axes nécessaires et suffisants pour une connaissance de cette difficulté masculine. Les formes cliniques primaires (l’homme a toujours eu cette difficulté) ou secondaires (il a connu un délai éjaculatoire satisfaisant) conditionnent la prise en charge en particulier par l’hypnose.
En effet, « la mémoire corporelle positive » liée à la satisfaction et surtout dénuée d’aspects anxiogènes qui s’est inscrite dans le trouble secondaire sera une base de travail exploitable qui n’existe pas dans les troubles primaires et permanents. Bien entendu, et Robert Porto le souligne, la subjectivité de l’homme face à son vécu de l’éjaculation est essentielle dans le devenir de la thérapie. Nous voyons souvent des hommes inquiets, pour lesquels le recadrage sexologique est nécessaire, qui ne sont pas éjaculateurs précoces mais plutôt dans un doute face à leur « performance », une exigence excessive vis-à-vis d’eux-mêmes ou des fausses croyances traduisant un problème plus profond.
Trois points sont à souligner et à prendre en compte : il existe une variabilité naturelle selon le contexte plus ou moins stimulant, l’éjaculation précoce peut être émotionnellement induite, et enfin ce trouble peut être révélé par une plainte pour dysfonction érectile, souvent liée à la tentative désespérée de l’homme d’annuler toute sensation de plaisir par peur d’éjaculer « trop vite ».
Se repérer…
Notre approche en hypnose étant avant tout clinique, c’est l’histoire du patient et la relation thérapeutique qui va étayer les orientations et les pistes à explorer.
Notre premier travail dans les premiers entretiens et les éléments apparaissants au fil de la thérapie, vont permettre d’une part de démêler les causes, des effets et des conséquences de l’éjaculation rapide sur le symptôme lui-même et sur la qualité de vie personnelle et relationnelle du patient. Ce travail de clarification est nécessaire afin d’accompagner le patient sur la mise en sens corporel et psychique qui va accompagner l’hypnose.
Ceci dit, les différentes conceptions peuvent éclairer et servir de repérage, en particulier celles relatives à l’éjaculation rapide primaire. Elles vont du plus psychogène au plus biologique.
- Théories de la psychologie des profondeurs et de la psychanalyse : elles tournent autour de la haine de la femme, des conflits inconscients non résolus avec la mère voire de l’érotisation de la fonction urinaire construite dans les phases précoces de l’évolution de la sexualité de l’enfant. (4)
On peut y ajouter l’intervention du Surmoi comme instance interdictrice ou culpabilisante et là le lien à la relation parentale qui est fondamentale.
Enfin, on peut aussi repérer une problématique œdipienne.
- Théories de l’apprentissage cognitivo-comportementale proposées par Masters et Johnson (5). L’importance de la première expérience sexuelle et des émotions associées, l’empreinte laissée par les premiers
apprentissages, le défaut de perception des sensations d’alerte éjaculatoire par culpabilité en relation avec des expériences traumatisantes ou négatives (6), ou tout simplement un déficit d’attention au corps sont autant de pistes à repérer, explorer et à utiliser.
- Théories neurobiologiques (7) basées exclusivement sur des différences génétiques et sur l’efficacité des antidépresseurs spécifiques de la recapture de la sérotonine. L’homme-machine est en marche !
Certains facteurs étiologiques habituellement admis semblent se remettre en question par les études (8) : l’anxiété comme facteur causal, l’hypersensibilité pénienne, l’influence de la fréquence coïtale…
Nous conclurons cette partie par l’évocation de la conception psychophysiologique : « Certes dans l’éjaculation précoce, tout semble se passer comme si la boucle réflexe périphérique était coupée de toute modération supérieure… en réalité, le système cérébral impliqué dans l’éjaculation (le software) est influencé par l’histoire du sujet et réagit au contexte et aux stimuli actuels en modulant, par inhibition ou facilitation, le réflexe éjaculatoire médullaire préprogrammée (le hardware). (Rowland et Motofei, 2007) (9). Jolie métaphore informatique, autre façon de décrire la dissociation ou le clivage entre la tête et le sexe évoqué plus haut et qui sera une base de travail sûre en hypnose pour des patients sensibles à ces évocations « professionnelles » !
Au niveau des conséquences, elles sont renforçatrices du trouble et de fait, il est parfois difficile de démêler les causes de leurs effets secondaires : si les études montrent un accroissement de l’anxiété et une détresse personnelle qui peut aller jusqu’à l’effondrement narcissique, l’expression clinique est souvent la mise à distance de l’intimité sexuelle et l’évitement des relations.
Sur cette base, une des premières approches hypnotiques sera de demander au patient « d’éviter d’éviter », en privilégiant la reprise de la sexualité sur un plan sensuel vis-à-vis de lui-même, de redécouverte de soi. Les approches centrées sur la connaissance de la phase d’excitation peuvent être intéressantes (voir le travail récent de François de Carufel sur la thérapie sexofonctionnelle) (10). Petit à petit, il s’agira de réintroduire la sexualité dans toutes ses composantes personnelles puis relationnelles toujours en gardant à l’esprit que le patient ne se réduit pas à son symptôme et qu’il est à prendre en charge dans sa globalité d’humain.
Le choix de la voie d’accès sera donc primordial et très lié aux éléments recueillis dans le ou les entretiens intégrant l’anamnèse. L’observation et l’évaluation cliniques seront aussi primordiales.