Dans une image saisissante de justesse et de concision, il livre le tableau, aisé à reprendre à notre compte aujourd’hui en tant que cliniciens et observateurs, du couple en crise, en panne : les sens s’arrêtent, le vide s’installe, les corps naufragent.
Essentialisé dans sa forme spécifiquement orientale, le décor est posé de ces couples qui arrivent et partagent d’emblée avec quasiment les mêmes mots, actualisés certes, la situation d’impasse qui les amènent à consulter. Il (elle) est bloquée (nous sommes bloqués) « mon corps est fermé (mort), je n’ai plus de désir, plus d’envie, nous voulons (je veux) sauver mon couple ».
Mort, élan vital et désir stoppés, arrêt, vide, tout un vocabulaire mortifère qui appelle l’attention sur un temps du couple (parfois très antérieur à la rencontre thérapeutique) arrêté, vidé d’énergie et de sens, subsistant sur des routines fatiguées et des scénarios de reproches mutuels figés.
Pourtant, la quasi-totalité de ces histoires de couple a vu le jour (parfois pas si lointain de celui où nous les rencontrons) sous les auspices de « l’amour romantique ». Ces images, ces croyances et ces attentes qui lui sont reliés et qui, depuis le premier « je t’aime », initient encore aujourd’hui en Occident la majeure partie des destins de couple.
« Etre Deux et faire Un », c'était et c’est encore souvent l'idéal, la norme historique occidentale qui a émergé à petits pas, de l’égalisation des droits entre hommes et femmes et du remaniement social, familial et conjugal, mis en mouvement par l’accès des femmes à l’éducation et au maniement du langage.
Progressivement va s’instituer et se formaliser le « couple-unité », dont chacun est la moitié. Moitié clairement définie dans ses rôles complémentaires par le sexe et comme cellule à projet familial dans un premier temps.
Puis l’émancipation des femmes poursuivie tout au long du XXe siècle va peu à peu dessiner les contours du couple qui reste le repère pour la majorité aujourd’hui, en portant la priorité sur des prémices égalitaires entre l’homme et la femme et l’importance donnée au dialogue conjugal, comme base intangible de la construction conjugale.