Selon la jolie expression de Paul Watzlawick : « Le paradoxe constitue le talon d’Achille de notre image logique, analytique et rationnelle du monde. »
Que le paradoxe imprègne l’ensemble d’une philosophie, comme dans le taoïsme ou le bouddhisme zen, ou qu’il soit utilisé de façon pragmatique comme outil thérapeutique dans la logothérapie de Viktor Frankl, dans les interventions spectaculaires de Milton Erickson ou dans l’ensemble de la stratégie de l’école de Palo Alto, il est toujours, par le trouble qu’il provoque, un puissant moteur de changement. Cependant, aborder les problèmes sous l’angle du paradoxe demande déjà au thérapeute une sérieuse remise en question.
Notre formation, voire notre vocation, nous programme à agir pour que les patients cessent de souffrir. Aller à l’encontre du premier mouvement qui nous pousse à soulager, consoler,réconforter, rassurer, encourager, est presque anti-naturel. Et au-delà, convaincre le patient de cesser de vouloir aller mieux, et même d’aller plus mal... ne frise-t-on pas l’hérésie ?
Pourtant, comme le dit si élégamment François Roustang dans son Petit guide du changement : « Règle I : le changement de la relation à soi, aux autres et à l’environnement est en proportion inverse de la volonté de changement. »
Mais le non-agir des taoïstes n’est pas à la portée du premier venu et aider un patient en lui disant, ex abrupto, « si vous voulez aller mieux, cessez de vouloir aller mieux » n’est pas non plus à la portée du premier thérapeute venu.
Alors, comment sortir de ce paradoxe ?
Vouloir ne plus vouloir, c’est encore vouloir.
Plus de dix années de pratique de la thérapie brève de Palo Alto, approche paradoxale par excellence, m’ont conduite à penser, de façon peut-être un peu prétentieuse, que nous avons à notre disposition des outils simples et efficaces pour contrer ce paradoxe du « vouloir ne plus vouloir » et aider les patients à changer.
Lorsque je dis « simples », c’est par opposition à ce que j’imagine être le long et douloureux chemin qui conduit à l’illumination à coup de méditation et de koans. Parce que ce n’est, bien sûr, pas si simple que cela.
Mais pour commencer, voici un petit exemple du résultat que peut donner l’incitation à ne pas changer : Marie est une jeune femme de 25 ans qui vient demander un traitement par hypnose pour se débarrasser d’une boulimie dans laquelle elle ingurgite, jusqu’à six fois par jour, d’énormes...
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