Comme nous le constatons dans cet accompagnement, nul besoin de « cérémonie sensorielle », nul besoin de fixer l’attention sur un point, un son ou une perception cénesthésique. Le thérapeute, par l’intermédiaire de l’hypnose conversationnelle, semble se contenter tranquillement, de raconter une histoire au patient. Mais attention, ne tombons pas du côté des images d’Epinal qui s’attachent parfois aux soins palliatifs, de la Mort comme un moment ou l’Amour règne, un temps sans douleur où les sujets sont d’accord pour mourir et où il suffit à l’accompagnant de raconter une belle histoire.
LA FIN DE VIE
Cette période confronte patients, familles et soignants à une multitude de sentiments plus ou moins ambivalents : détresse de voir l’Autre partir, hâte que cela se termine, culpabilité de ressentir ces sentiments. De fait, la rencontre est angoissante, car ce que vit l’autre, cela me concerne et c’est quelque chose qui va m’arriver. Selon Philippe ARIES, sociologue et historien (son ouvrage « L’homme devant la mort »), il y a trois façon de vivre la mort de l’autre :
- « nous mourrons tous » : la mort de l’autre vient chaque fois me ramener à l’idée que je suis mortel et qu’il faudra un jour que j’affronte cette épreuve.
- « La mort de moi » : qu’est ce que ça me fait de voir la déchéance de l’autre, de voir la souffrance de l’autre et tout ce que cela me renvoie comme peur ou comme angoisse pour moi-même.
- « La mort de toi » : c’est ce que la mort réveille au niveau de la séparation, de l’absence de l’autre, de la perte d’une relation en tant que besoin.
L’hypnose conversationnelle se caractérise par la spontanéité et l’improvisation, comme l’accompagnement de patient en fin de vie. Il y a une absence totale de mode d’emploi, car accompagner un sujet vers sa mort, c’est se mettre face à un point de non savoir, non savoir-faire avec l’Autre, non savoir-faire avec la situation qui s’impose.
La souffrance psychologique du sujet face à la mort est liée à tout ce qu’il a été depuis sa naissance, à tout ce qu’il a vécu ; alors, sans cesse, il va falloir réinventer, afin de s’accorder à la singularité du sujet rencontré. L’utilisation de l’hypnose va permettre de continuer à inscrire, celui qui ne parle plus, et à qui on ne parle plus, comme un Sujet désirant. Les échanges peuvent se construire sur des souvenirs du patient, permettant de restituer l’identité globale du sujet, quand cela est possible. Car souvent dans la relation soignant/soigné nous ne disposons pas toujours d’autant d’éléments de souvenirs, comme dans le cas présenté, par contre nous avons la possibilité d’utiliser des contes et des métaphores et d’avoir recours au saupoudrage
(ex : du long voyage, la boîte pour déposer les angoisses, la métaphore des nuages que vous regardez passer et jamais vous auriez comme idée de les arrêter, c’est plutôt un joli spectacle de les regarder passer, d’observer leur forme, leur couleur et puis de changer de nuage à notre guise, la vie c’est un peu comme les nuages, il y a des choses qu’on ne peu pas retenir, poursuivre avec la métaphore de la mer et de la tempête).
Le sujet en fin de vie connaît sa condition, certains ne peuvent pas la dire, d’autres ne veulent pas l’entendre. C’est en cela que les métaphores, les comtes, les souvenirs, permettent de parler de la Mort, de ce quelque chose qui va se terminer, sans avoir besoin d’utiliser ce mot là.
La menace de la mort physique ou psychique est une expérience traumatique qui favorise la dissociation, état dans lequel le sujet est parfois depuis plusieurs années, cette visée protectrice, est renforcée par l’immobilité corporelle du sujet, quelque soit son environnement (qu’il soit hospitalier ou familier), cette dissociation peut faciliter la réceptivité aux inductions hypnotiques.
LA MORT
Elle est un événement dont les changements interviennent au niveau biologiques mais aussi dans l’appareil psychique c’est ce que Michel DE M’UZAN nomme « le travail de trépas ». Dans son monde, les notions de temps et d’espace sont abolis, il semble qu’en fin de vie, le sujet soit progressivement affecté par la loi de l’intemporalité, la même qui règne dans l’inconscient. La seule quête essentielle est l’appétence relationnelle, alors que paradoxalement les liens qui l’attachent aux autres sont sur le point de se défaire et que certains liens font déjà défaut (travail de pré-deuil pour la famille et/ou les soignants)….
Le sujet va chercher à les remplacer. Il va trouver un élu, une personne choisie, une rencontre mutuelle, et cette personne désignée peut être un proche ou un soignant, qui va séduire, par sa réelle disponibilité, et qui va être capable d’entrer dans la sphère/la bulle du patient. Là où règne, une ambiance mortifère.
Quelque chose qui s’apparenterait à ce que Winnicott nomme la préoccupation maternelle primaire, c’est être d’accord à se laisser absorber/phagocyter, comme l’est une mère pour et par son enfant, sans crainte, sans angoisse à la différence prés que l’élu à la mort du sujet, aura un travail réel de deuil à réaliser.
Dans cette relation l’infra verbal et le corporel prévalent comme dans les premières relations de la mère et de son enfant, c’est une caresse, un sourire partagé, une intimité qui se crée.
Le mourant forme avec son objet « sa dernière dyade ».
La fonction de cette personne désignée, est d’être dans la rencontre réelle de l’être vivant, de soutenir la capacité à penser et à désirer, de créer un continuum (après l’équipe s’occupera de vous, après si votre famille à besoin je pourrais continuer à les rencontrer). L’élu doit pour cela, s’accorder de la réalité du corps qui est déformé par la maladie, ce sont en cancérologie, ces patients sans cheveux, amaigris, remplis d’ascite, au teint jaune parfois et souvent à la respiration saccadée…. Signe d’une étape, du passage d’un état à un autre.