C’est ainsi que se présenta à moi ma nouvelle patiente pour notre première rencontre. Sa parole était d’une certaine lenteur avec quelques difficultés à trouver ses mots – comme une appréhension à s’exprimer.
Fille unique, ayant donc vécu seule avec son père, à la mort de sa mère. Elle venait d’avoir 10 ans. Durant la grave maladie de sa mère, elle apprit « ce qu’une femme doit savoir faire pour tenir une maison », disait son père, fils et petit-fils d’ouvrier.
Déjà à cet âge-là Aurélie – nous allons la nommer ainsi – sentait qu’à la mort de sa mère, elle aurait à reprendre ce rôle. En effet, sa mère ne cachait pas ce qu’elle attendait de sa fille, son père ne sachant pas s’occuper d’une maison. Quelques jours avant de mourir, elle lui confia « son mari » !
Aurélie avait bien noté qu’elle ne lui avait pas confié « son père » mais « son mari » ! Elle fut étonnée de cette manière de parler, mais malgré tout, elle ne pouvait pas comprendre le poids psychologique qui allait peser sur elle et l’handicaper.
A partir de ce moment-là, le père chercha en sa fille ce que sa femme pouvait lui donner, d’autant qu’Aurélie était le portrait de sa mère. C’est ainsi que ma patiente commença le récit de sa vie au premier rendez-vous.
Elle avait 32 ans, mariée sans enfant, et venait pour comprendre tous les blocages sexuels qui entravaient sa relation conjugale. En effet, elle était prise entre l’engagement fait à sa mère de s’occuper « du mari-père » et sa propre fidélité à son père qui la traitait comme sa femme, créant ainsi un inceste symbolique.
A la mort de sa mère, Aurélie dormait dans la chambre de ses parents, donc dans la chambre de son père. D’abord lits jumeaux séparés, puis ces mêmes lits rapprochés l’un contre l’autre avec de grands draps et couvertures ! Ainsi ils dormirent dans « le même grand lit… » de ses 12 ans jusqu’à son mariage à 22 ans.
Elle sentait bien qu’il était nécessaire qu’il accepte en elle de partir, donc de se marier. A son départ, son père tomba gravement malade. Que s’était-il passé ? Ma patiente venait pour entendre sa réponse.