Au moment du forum de Liège, je suis interne à Nancy. J’ai à peine 27 ans et je vais découvrir l’hypnose en m’inscrivant au D.U. d’hypnose médicale de Paris VI. Je me prends virtuellement une baffe en écoutant Roustang parler de l’hypnose et je « tombe dans la marmite». J’achète les premiers numéros de la revue HYPNOSE & Thérapies Brèves, et le premier article que je lis est le premier du numéro 1 : « Les thérapies brèves » par D. Megglé. Le style est percutant et attractif, les idées me passionnent. J’entame une autre formation l’année suivante à l’hypnose et aux thérapies brèves à Nantes et je me mets à pratiquer autant que possible.
2009 :
Forum de Nantes. Je suis en pleine formation. Sans trop y croire j’ai envoyé un résumé au comité scientifique. J’avais réfléchi sur une idée « hypnothéophilosophique », et j’ai eu la chance de pouvoir la faire partager. J’arrive dans la salle quelques minutes avant l’heure de la communication, un peu stressé. Un homme entre, s’approche de moi, son visage me dit quelque chose :
-C’est vous qui communiquez ?
-Euh...Oui...
Vigoureuse poignée de main : « Megglé, enchanté ! ».
Je comprends que c’est lui qui modère la conférence. J’ai lu une partie de ses livres et articles ; je suis encore plus intimidé de savoir qu’il va écouter et « discuter » mes propos. Mais tout se passe bien, mon intervention lui a même apparemment beaucoup plu, j’ai été honoré. Vraiment.
Quelques mois plus tard, je commence à animer un séminaire d’introduction à l’hypnose et aux thérapies brèves à l’intention des internes en psychiatrie. La première lecture que je leur conseille est Erickson, hypnose et psychothérapie de...Dominique Megglé.
2011 :
Forum de Biarritz. J’attends la conférence de Dominique Megglé avec impatience et je ne suis pas déçu. C’est drôle, c’est intelligent, pertinent et provocateur. Il parle de thérapie, de psychiatrie, et même de médicaments, dans un forum de thérapeutes. Je vais lui serrer la main à la fin, il se rappelle de moi. J’ai lu ses livres entretemps et je viens d’acheter ses 12 conférences que j’oublie de me faire dédicacer.
2012 :
Animé depuis quelques temps par l’idée qu’il faudrait faire quelque chose pour les personnes qui veulent se former à l’hypnose en Lorraine sans avoir à parcourir la France, je mets en place l’Institut U.T.Hy.L (Institut pour l’Utilisation des Thérapies brèves et de l’Hypnose en Lorraine) et je commence à former et faire venir des formateurs à Nancy. Je donne toujours le même conseil de lecture initiale, et nous nous disons avec le premier groupe de formation : « Ah ce serait bien si Megglé venait sur Nancy pour nous faire une petite formation complémentaire».
2013 :
Forum de Strasbourg. Une belle délégation d’« Uthyliens » se déplace en Alsace. On parle des conférences, en particulier celle du samedi matin, dont j’attends avec impatience la retranscription dans la revue et que je viens de lire.
Le texte, comme toujours, est drôle, percutant, remuant, provocateur. Mais quelque chose me chiffonne. Je ne mets pas encore bien la main dessus. Thierry Servillat encourage aux réactions dans son édito, mais je n’ose pas trop, l’audace me manque car le bon Dr Megglé reste une référence pour moi et ceux qui m’ont entendu en parler. Thierry m’y encourage, alors je laisse le questionnement émerger.
C’est vrai, je n’ai pas à ce point insisté sur l’hypnose profonde dans les cours de l’institut UTHyL, je n’ai pas à ce point mis en avant la directivité. Oui, bien sûr, c’est parce que j’ai été formé par des éricksoniens modernes. Oui bien sûr j’ai parlé du confort du patient et du thérapeute, de la position basse stratégique et des suggestions « couvrantes », de l’efficacité « même » des transes légères-moyennes. J’ai essayé (grâce à l’aide précieuse de J. Betbèze) de faire un peu découvrir l’apport des idées développées par Rossi, etc.
Mais pour autant je n’ai pas eu l’impression d’enseigner et de pratiquer une hypnose bisounours. Non pas que je ne l’ai pas croisée çà et là, cette hypnose où tout le monde est beau et gentil et ou l’inconscient va bien évidemment merveilleusement trouver la solution la plus douce et adéquate, tout seul. Mais comme disait à peu de chose près Megglé (encore lui), si on y a rien mis dans l’inconscient, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il fasse quelque chose d’intéressant.
J’ai essayé d’enseigner des choses que je dois parfois à Erickson et qui, même sans trop de directivité, n’ont rien de candide.
Par exemple que la thérapie est un processus qui coûte humainement, qui n’est pas forcément « facile » et nécessite de l’investissement de la part du patient (Dan Short est explicite à ce sujet quand il parle d’Erickson dans son fameux Espoir et Résilience). Il faut en somme « grimper la Squaw Peak », pas seulement parce qu’elle est une métaphore du recadrage, mais aussi de l’engagement dans la thérapie et de la difficulté à changer.
Par exemple que l’hypnose, pour étonnant et efficace qu’elle puisse être, ne marche pas à tous les coups (ça, c’est Roustang qui nous le disait).
Par exemple qu’il faut être « aussi direct que possible, aussi indirect que nécessaire» (MHE), phrase qui dit déjà en soi que la principale utilité de l’indirectivité est bien le contournement des résistances.
Même sans avoir la connaissance encyclopédique de Dominique Megglé sur Erickson, je me rends bien compte cependant, en lisant livres et articles, que ce cher Milton n’était pas un éricksonien moderne.
Alors nous faut-il revenir aux « vieilles cartes » comme on nous le suggère? Était-ce totalement irresponsable et contreproductif d’accepter ce que nous amenait Rossi ? N’y a-t-il d’ailleurs que Rossi et son parcours intellectuel pour expliquer ce changement ? On se serait tous fait avoir par celui qui prétendait un peu théoriser « l’éricksonnisme » ? Nous pourrions aussi parler de ce que Bateson, Waztlawick et leurs suiveurs ont amené sur les positions relationnelles et la position du client, sans même parler des solutionnistes, qui malgré cet héritage éricksonien ont mis au cœur de leur pratique la position basse du thérapeute, le « libre choix du patient» et la suggestion très indirecte dans une hypnose « sans transe » (du moins sans transe ratifiée...). Fausse route pour tous ?
Ou bien au contraire avons-nous de bonnes raisons de nous prétendre éricksoniens, avec et malgré notre pratique actuelle qui ne ressemble pas toujours à celle du maître ? Je n’ai pas de réponse définitive et, comme je l’ai dit plus haut, j’attends (et nous attendons) avec impatience si elle se présente, l’opportunité de faire venir Dominique Megglé à Nancy pour discuter avec lui de ce que les vieilles cartes ont « d’UTHyL »...
QUELQUES ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION CEPENDANT
1. La transe profonde.
Transe profonde, régressions en âge, phénomènes hallucinatoires, somnambulismes ne sont pas des innovations éricksoniennes, même s’il les a explorées et « utilisées » comme personne. Mais ces phénomènes existent avant lui et après lui, et même dans l’hypnose des charlatans et des fascinateurs. En revanche, il me semble que le respect de l’individualité, la remise en cause de la notion d’hypnotisabilité en montrant que tout le monde peut être hypnotisé si on individualise sa démarche et si on contourne ses résistances6, la brièveté de la thérapie, la stratégie dans la prescription de tâches, l’orientation vers les ressources et évidemment l’utilisation de l’indirectivité et de toutes les sortes de transes, y compris conversationnelles, ne seraient-elles pas des choses plus spécifiques à l’héritage éricksonien ? Évidemment, il nous faut entendre D. Megglé et ne pas négliger dans nos enseignements et nos pratiques les phénomènes de transe profonde, une partie non négligeable de l’hypnothérapie. Mais devons-nous rougir pour autant de nos transes légères et de notre indirectivité ? Devons-nous nous fourvoyer si on dit qu’elles sont une part fondamentale de l’héritage théorique et pratique d’Erickson ?
PHILIPPE AÏM
Psychiatre et psychothérapeute à Nancy, ancien chef de clinique à la Faculté de Médecine, praticien hospitalier, enseignant universitaire, formateur et conférencier international. A créé et dirige l'institut U.T.HY.L. (Institut pour l'Utilisation des Thérapies brèves et de l'Hypnose en Lorraine) pour que les habitants de la contrée de Bernheim et Liébault rencontrent Erickson et ses suiveurs. En plus de la thérapie, se passionne très modestement pour le talmud et la musique.
Retrouvez Philippe Aïm sur
http://therapies-complementaires.com/
http://hypnose-ericksonienne.fr/
Dr Philippe AÏM
Ex-Directeur pédagogique au CHTIP, Collège d'Hypnose et Thérapies Intégratives de Paris.
Créateur et Président de l'institut UTHyL, Institut pour l'Utilisation des Thérapies brèves et de l'Hypnose en Lorraine.
Auteur de "Écouter, parler : soigner. Guide de communication et de psychothérapie à l’usage des soignants."
Auteur de "L'hypnose, ça marche vraiment ?"
Animateur de la chaîne YouTube CommPsy
Publications: - A la manière de... Revue Hypnose et Thérapies Brèves N°31
- Le lien sans la demande. Rejoindre le patient là ou il est... Hors-Série n°13 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves
Ancien Praticien Hospitalier au C.H.U de Nancy. Ancien Chef de Clinique à la faculté de médecine de Nancy.
Jeune adolescent, Milton Erickson se levait la nuit pour s’occuper du journal de son lycée. Puis se recouchait après avoir écrit des articles qu’il découvrait le matin suivant à son réveil. Il est 22h26. Je ne suis pas trop en transe. Je vais essayer sa méthode pour écrire cet éditorial. Sur quoi pourrais-je le faire ? Qu’est-ce qui m’amusé aujourd’hui ? J’ai bien ri avec ma dernière patiente tout à l’heure, adolescente en proie à des crises de boulimie (sans vomissements). Elle m’a demandé si elle pouvait aller dans du « fantastique », je lui ai donné l’autorisation, puis lui ai simplement proposé, une fois entrée en transe, de monter en montgolfière, verticalement et lentement, pour atteindre les nuages « roses et gris ».
POUR VOIR UN PEU PLUS LOIN ? Premier à répondre à Dominique Megglé, c’est avec respect que Philippe Aïm triture la parole du maître. Avec audace aussi, il conjugue humilité et fierté pour contribuer à penser la question de la transmission entre générations. 2007 : Au moment du forum de Liège, je suis interne à Nancy. J’ai à peine 27 ans et je vais découvrir l’hypnose en m’inscrivant au D.U. d’hypnose médicale de Paris VI. Je me prends virtuellement une baffe en écoutant Roustang parler de l’hypnose et je « tombe dans la marmite». J’achète les premiers numéros de la revue HYPNOSE & Thérapies Brèves, et le premier article que je lis est le premier du numéro 1 : « Les thérapies brèves » par D. Megglé. Le style est percutant et attractif, les idées me passionnent. J’entame une autre formation l’année suivante à l’hypnose et aux thérapies brèves à Nantes et je me mets à pratiquer autant que possible.
ECLAIRAGE NARRATIF. Un deuxième et dernier (pour ce numéro en tout cas !) apport eu débat, envoyé spontanément (comme le précédent) par une praticienne de la thérapie narrative. Et qui le nourrit ! Un triple merci à D. Megglé : Pour avoir instillé dans son article la vivacité nécessaire pour réveiller la torpeur des premières chaleurs estivales et saluer ainsi la sortie de la « période sèche » de l’hypnose, celle des unanimismes illusoires qui durent ce que durent les temps de crise. Pour offrir à nos synapses une bonne controverse, et donc l’occasion de pratiquer quelques étirements qui nous réchaufferont jusqu’aux premiers frimas. Rien de tel en effet qu’une querelle des Anciens et des Modernes pour enflammer derechef le débat à coups de surenchères, et offrir un boulevard aux professions de foi adverses ou autres revendications en intégrisme supérieur.
S’AFFRANCHIR DES IDÉES RESTRICTIVES. Un exercice à appliquer en supervision de groupe ou avec des professionnels de l’aide en proie à des difficultés. Pour élargir nos possibilités d’être utiles. La critique postmoderne a tenté de nous rendre sensibles à l’influence des idées sur nos pratiques. Jacques Derrida, en parlant de « pratiques déconstructives », nous engage constamment à prendre une position réflexive pour observer l’effet de certaines idées sur nos pratiques. Depuis 1994, j’ai utilisé la notion d’idées restrictives dans ma pratique et mes enseignements, sans la formaliser, pour décrire comment et en quoi certaines idées pourraient influencer nos pratiques. C’est aujourd’hui chose faite et voilà baptisées les nouvelles idées restrictives et leur ribambelle d’influence. Nous appelons « idées restrictives » des idées que nous avons tous reçues, parfois malgré nous, et qui limitent notre relation au monde.
HYPNOSE ET PROBLEMES DE POIDS. L’hypnose peut avoir une place de choix dans la thérapeutique des problèmes de surpoids et d’obésité. A condition qu’elle prenne délicatement en compte la pluralité des besoins du patient. Cynthia Drici nous montre comment cela peut être entrepris dans le contexte habituel ainsi que celui après une chirurgie bariatrique. S’il est vrai que chaque patient est différent, il y a des problématiques qui sont, elles, très récurrentes et similaires. En effet, tout comme il est fréquent de se voir adresser un patient pour un sevrage tabagique, il est également tout à fait courant de recevoir en consultation un patient (qui la plupart du temps sera d’ailleurs une patiente) qui souhaite « faire de l’hypnose pour perdre du poids ».
LA FACILITÉ D’ÊTRE BIEN. Beau travail d’écrivain thérapeute, autour de l’apport quantique au sein des thérapies brèves. A tout moment, l’individu a le choix d’être bien (ou le mieux possible). Rien ne l’en empêche. C’est à partir de cette proposition, vraisemblable ou non, qu’une part de ma pratique a vu le jour. Elle s’est imposée à moi naturellement, comme un jour la transe pénètre celui qui l’a longtemps cherchée. Quand mes confrères multiplient les séances, une à trois séances suffisent pour que la vie s’allège. Le patient ne comprend plus comment il a pu en être autrement. Lecteur, ne crois pas là à une forfanterie; je témoigne comme il m’intéresse énormément de te voir témoigner.
Le titre du dernier livre de Charles Pépin, jeune (40 ans) professeur de philosophie, ne pouvait que m’interpeler. Surtout avec le Jaune et or de Mark Rothko en couverture. Si comme moi vous n’avez pas encore de culture dans ce champ difficile qu’est l’Esthétique, ce livre est pour vous. La première phrase : « Commencez par imaginer une femme…» démarre fort pour nous hypnothérapeutes. L’auteur nous propose d’avoir affaire à quelques humains qu’il met en situations afin d’illustrer, mais aussi manifestement de penser son propos qui explore la question : que peut-on attendre de la beauté ?
-Allô, docteur Reçoit ?
-Bonjour, je regrette mais, actuellement, je ne reçois pas.
-Non, je veux dire : êtes-vous bien le Dr Reçoit ?
- Ah, oui ! Bien sûr : Reçoit en personne.
- J’espère ! Vous n’allez quand même pas consulter par courriel ou Skype.
- Je voulais dire que c’est bien le Dr Reçoit en personne qui vous répond.
- Permettez-moi une question : comment peut-on être médecin et avoir un tel nom?
- Aucune idée.
- Comment aucune idée ?
- Vrai ! Vous avez raison : comment peut-on avoir « aucune idée « si on n’en a pas.
- On n’en a pas de quoi ?
- D’idée justement !
Commençons par une étude épidémiologique d’envergure (Purohit et al, 2013), qui montre que l’hypnose, avec d’autres thérapies « corps esprit » (selon la classification OMS), est un recours spontané pour les patients ayant des troubles neuropsychiatriques (anxiété, dépression, insomnie, maux de tête, troubles de la mémoire, déficits attentionnels, troubles du sommeil journalier). Ainsi, sur plus de 23000 patients, un quart ont recours à ces thérapies complémentaires contre 15% dans la population générale. Les chercheurs montrent également que plus les patients ont de symptômes, et plus ce recours est important. La raison la plus souvent invoquée par les patients est un manque d’efficacité des thérapeutiques médicales traditionnelles. Pour autant, 70% des patients ne parlent pas de ce recours aux thérapies « corpsesprit » à leur médecin.
Bon anniversaire ! 10 ans déjà ! A cheval sur les années 2002 et 2003, l’effectif au grand complet du service des urgences de la Clinique La Sagesse à Rennes (soit une trentaine de professionnels de santé – infirmières, surveillante, aides soignantes, médecins – et les secrétaires pour la première partie) a suivi la formation « hypnose et douleur aigüe ». Ce fut, est-il besoin de le dire aux lectrices et lecteurs avertis de cette revue, une expérience des plus riches et particulièrement stimulante sur un plan créatif. Chaque session a été l’occasion de découvertes, de déséquilibres et d’apprentissages, en route vers un changement dont nous ne mesurions pas l’ampleur. Un questionnaire distribué un an plus tard soulignait ce changement des pratiques professionnelles à l’unanimité.
Avez-vous déjà caressé une belle mélongène? Avez-vous déjà laissé lentement glisser la pulpe de votre doigt pour en sentir la finesse et le velouté ? Sa peau brillante et lisse est étonnante de douceur et de fermeté, sa robe améthyste profond protège une chair légère et absorbante qui ne demande qu’à se gorger de la meilleure huile d’olive pour en favoriser la cuisson lente et goûteuse, préparant une fête des sens…
« al-bâdinjân » ( ) en arabe puis mélongène en latin, melanzana en italien, elle répond également aux doux noms de brindelle à la Réunion et de bélangère aux Antilles, et patlican en turc où elle trône en reine dans la cuisine ottomane. Qui est-elle ?
Le mot « hypnose » est noble », mais il y a des manières « inacceptables » d’utiliser l’hypnose. Voici quelques réflexions sur la survenue médiatique de l’hypnose de rue, de l’hypnose « flash » et de l’utilisation malencontreuse de ces pratiques par des individus sûrement ignorant de la dangerosité de ces méthodes sur les personnes. A propos de l’utilisation inappropriée et choquante de l’hypnose par les hypnotiseurs de rue et de music-hall, et avec parfois la complicité naïve des sujets victimes de cette manipulation, nous pouvons dire qu’il se crée une relation perverse, qui pourrait être préjudiciable à la personne qui se prête au jeu du manipulateur.