Fuyant le froid parisien, je décidais de passer l’hiver au chaud au sud de l’Asie. Pendant ces trois mois, je rejoignais des bénévoles dans une école pour enfants handicapés. Je montais un « atelier d’autohypnose » avec un groupe de mères d’enfants autistes, bientôt rejointes par les mères d’autres enfants aux handicaps divers. Elles étaient douées, enthousiastes, assidues et inventives. Au cours d’un atelier de peinture, je rencontrais Amik...
LA CLINIQUE
Amik est un garçon de 16 ans qui a compris et parlé l’anglais en plus du dialecte local jusqu’à l’âge de 4 ans. A 4 ans, il a brusquement arrêté toute communication verbale, d’où son admission dans cette d’autohypécole. Depuis, il n’émet plus aucun son, sauf très exceptionnellement : lorsqu’il est très en colère, il jure de manière très grossière…
Il a rencontré le psychologue, le psychiatre qui, sans succès, ont cherché une cause, un traumatisme… un quelconque facteur déclenchant. J. N., l’orthophoniste français bénévole dans cette école depuis cinq ans, a essayé la langue des signes, associée aux pictogrammes, la musicothérapie, la tablette avec stylet ou clavier… et a suggéré que « je tente quelque chose ». J’adore raconter les histoires, il n’était pas question de provoquer une transe hypnotique chez ce jeune déjà bien dissocié. Avec J. N., nous avons pensé que cet adolescent devait vivre son mutisme comme un enfermement ; il se présentait d’ailleurs comme « renfermé ». L’idée était donc de favoriser une ouverture, une communication verbale ou non, sonore… ou non.
Ses parents nous ont dit quels étaient ses animaux préférés. Je rencontrais Amik dans le jardin de l’école, toujours accompagnée de J. N. qu’il connaissait bien. Je racontais un petit morceau de l’histoire chaque semaine, en m’arrêtant toujours à un moment où un personnage était en difficulté pour favoriser le désir de la suite. J. N., lui, était attentif aux réactions d’Amik dont les expressions étaient les témoins de son attention. Au début, il communiquait en répondant à des questions fermées en montrant « yes » ou « no » sur un papier ; un jour où je n’avais pas de papier, je lui ai montré mes mains : la droite pour oui, la gauche pour non, et nous avons continué ainsi.
Quand je suis partie, il faisait signe de la main pour nous accueillir, participait joyeusement aux activités ; j’ai une photo où il a le pouce en l’air… hasard ? Rentrant en France, j’ai eu envie de partager cette expérience, et j’ai écrit en français ce conte que j’inventais au fur et à mesure en anglais : Petit conte métaphorique à l’usage d’un adolescent mutique Il était une fois un papillon pourpre et bleu. Il s’appelait Butterfly parce que, dans ce pays, on parlait volontiers anglais.
Lorsque nous avons fait sa connaissance, Butterfly se trouvait malencontreusement enfermé dans une boîte en carton, au milieu d’une salle de classe, dans une école de garçons. « Qu’y faisait-il donc ? », me demanderez- vous. Il se délectait de quelques grains de sucre restant du goûter des enfants. Lorsqu’un violent coup de vent, annonciateur de la mousson proche, s’était engouffré dans la classe par la porte ouverte et avait refermé le couvercle de la boîte. Malheureux, il était, au milieu de cette boîte ; triste, misérable, il se sentait impuissant et avait envie de pleurer. Les papillons pleurent-ils ? Après quelques instants de profond désespoir, il décida de prendre sa vie en main (en patte ?).
Mais comment se faire entendre, lui qui ne savait ni parler ni crier ? Il réfléchit très fort, pendant un temps qui lui parut fort long, et lui vint l’idée que pour se faire entendre, il n’était pas indispensable de savoir crier, il fallait juste... faire du bruit ! Alors Butterfly se cala dans un coin de la boîte, là où il pouvait être près des deux bords à la fois, et se mit à battre des ailes très vite et très fort. C’était fatigant, bien sûr, mais l’espoir décuplait ses forces. Un petit garçon, qui rentrait dans la classe pour y prendre son cartable, entendit ce bruit bizarre qui provenait… de la boîte ! Il ouvrit le couvercle et Butterfly, tout ébloui, s’envola bien vite par la fenêtre, passa au-dessus de la cour de récréation, tourna à gauche pour survoler la pagode bleue, et se posa, essoufflé, sur un manguier. Il était libre, heureux, mais épuisé. Il s’accorda donc une petite sieste bien méritée.
A son réveil, le soleil était encore haut dans le ciel – j’ai oublié de vous dire, Butterfly est un papillon de jour –, et puisqu’il était libre et en pleine forme, il décida de voir du pays. Il vit de l’herbe, des fleurs, des arbres, une rivière, un volcan et bien d’autres choses encore. Le soir venu, il trouva une feuille accueillante pour y passer la nuit. Au petit matin, Butterfly fut réveillé par un son étrange : « Léon ! léon ! » Il s’était endormi près d’une ferme, et un paon criait dans… une cage. Pas si petite, mais pas très grande non plus. Butterfly n’eut pas de difficulté à imaginer la tristesse du paon captif ; il était d’ailleurs tellement triste, ce paon, que ses belles couleurs commençaient à se faner.
Mais comment l’aider ? Il n’était, après tout, qu’un simple papillon. Butterfly ne pouvait bien sûr pas ouvrir la cage, mais qui le pourrait ? Un autre animal ? Un humain ? Le Petit Garçon ! A tire-d’aile, Butterfly fit le chemin inverse, retrouva l’école, la classe, et entra par la fenêtre restée ouverte. Vite, comment se faire comprendre ? Ses ailes, bien sûr ! Délicatement, il se posa sur l’épaule du Petit Garçon et de ses ailes lui chatouilla la joue. Intrigué, le Petit Garçon reconnut le papillon pourpre et bleu, comprit qu’il se passait quelque chose d’important, et suivit Butterfly jusqu’à la ferme. Il fallut peu de temps au Petit Garçon pour trouver la clef, ouvrir la cage, et libérer un paon radieux qui poussa en remerciement, trois « léon ! » fort joyeux. Le jour n’était pas encore très avancé, nos deux compères décidèrent de partir ensemble à l’aventure, le papillon en l’air, et le paon sur la terre….
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N°57 Mai/Juin/Juillet 2020
- ÉDITORIAL : « Trouver une certaine sacralité de l’autre, humain et non-humain. » Aurélien Barrau. S. COHEN
- LA « BROSSOSPHÈRE ». G. BROSSEAU et A. FORTIN
- THÉRAPIES BRÈVES. W. MARTINEAU
- QI GONG ET HYPNOSE M. SÉJOURNÉ
- MÉDITATION ET HYPNOSE O. DE PALÉZIEUX
ESPACE : DOULEUR DOUCEUR
- Éditorial. H. BENSOUSSAN
- Adolescent mutique. S. COPEAU
- La lévitation en douleur chronique. A. BOUZINAC
DOSSIER : SE SENTIR VIDE
- Éditorial. D. VERGRIETE
- Vide, phobie et transe ordinaire J. BETBÈZE
- Creuser le vide S. LE PELLETIER-BEAUFOND
- Les vides. D. MEGGLÉ
- Vide et addictions. D. VERGRIETE
- QUI PROQUO, MALENTENDU ET. . .« Tout a une fin ! » S. COLOMBO, MUHUC
- Couvade en pays Dendi. C. LELOUTRE-GUIBERT
- Les Grands Entretiens: Elvira Lang. G. FITOUSSI
Livres en Bouche: H. BENSOUSSAN, C. GUILLOUX, L. BILLY, S. COHEN