Dans le monde occidental, la sexualité, longtemps contrainte par une morale rigoriste, s’est progressivement libérée depuis les années ’60 du siècle dernier. Cette révolution sexuelle a été favorisée par la découverte des antibiotiques dans les années ’40 permettant de guérir des maladies vénériennes autrefois mortelles, la large diffusion du préservatif dans le décours de la Seconde Guerre mondiale, la commercialisation de la pilule contraceptive dans les années ’60 ainsi que la médicalisation de l’avortement et l’assouplissement de son cadre légal dans les années ’70.
Quelques dates importantes
Inventé en 1855, le préservatif est produit en masse depuis les années ’30 du vingtième siècle. Son usage s’est répandu après la deuxième guerre mondiale, les soldats américains les ayant largement utilisés sur le conseil de leur hiérarchie soucieuse d’éviter la contamination des troupes par des maladies vénériennes comme ce fût le cas lors du premier conflit en 14-18.
Inventée en 1955, la première pilule est commercialisée aux Etats-Unis en 1960 et en Europe en 1961. Il faudra toutefois attendre la fin des années ’60 – le début des années ’70 pour que son usage se répande. Elle ne sera, par exemple, autorisée en France qu’en 1967. En Belgique, ce n’est qu’en 1973 qu’est levée la loi interdisant l’exposition, la publicité et l’information sur les moyens de contraception.
En Belgique, l’année 1973 marque un tournant décisif. La mobilisation s’organise après l’incarcération du gynécologue Willy Peers, inculpé pour avoir pratiqué plus de 300 avortements. Bravant la répression, des centres extrahospitaliers continuent de pratiquer des avortements et de militer en faveur de sa dépénalisation. En 1990, une loi dépénalisant partiellement l’interruption volontaire de grossesse est enfin votée. En France, la mobilisation commence en 1971 après que des personnalités du monde du spectacle, de la littérature et de la politique aient déclaré avoir avorté par le biais d’un manifeste publié par l’hebdomadaire « Le Nouvel Observateur ». Elle aboutit en 1974 au vote de la loi Weil dépénalisant l’avortement.
L’essor du porno
Concomitamment, la pornographie, jusque là réservée à un public restreint et averti, s’est développée avec l’apparition des magazines masculins tels que Playboy (1954), Penthouse (1965) et Hystler (1974). Fin des années ’80, l’avènement d’internet a déclenché un essor exceptionnel de la pornographie. Elle s’est popularisée en raison de son accès aisé (depuis son domicile, en un clic de souris), anonyme (sans avoir à s’exposer au regard d’autrui en achetant un magazine ou en entrant dans un cinéma X) et peu coûteux, voire gratuit.
Le premier numéro de Playboy sort en décembre 1953. Le succès est immédiat. 50.000 exemplaires sont vendus en moins de quelques semaines.
La pornographisation de la société occidentale
La dernière décennie du 20ième siècle a vu apparaître ce que Richard Poulin, sociologue à l’Université d’Ottawa, nomme la « pornographisation », soit la propagation de stéréotypes pornographiques dans la publicité (réduction de la femme à ses attributs sexuels avec valorisation de la bouche, des seins et des fesses), la littérature (scènes sexuelles décrites crûment dans des ouvrages sans étiquette érotique ni pornographique), la télévision (ébats
sexuels dans des films grand public, banalisation de l’usage des sex toys dans les séries télévisées, relations homme-femme teintées de violence et de soumission dans les clips vidéo de musique, etc.), la presse écrite (magazines féminins exhortant leurs lectrices à se « décomplexer » et à pimenter leur vie sexuelle en se livrant à des pratiques libertines, promotion du « porno chic »), la mode (poitrine généreuse et lèvres pulpeuses, piercing et tatouage, vêtements sexy tels que string ou cuissardes, T-shirts imprimés de slogans à connotation sexuelle, etc.), etc.
Cette pornographisation n’a cessé de gagner du terrain. Elle est tellement présente aujourd’hui qu’elle semble normale, voire ordinaire. Par exemple, l’épilation totale du pubis, en vogue depuis la fin des années quatre-vingt, est inspirée par le sexe glabre des actrices de films X. Cette mode s’est diffusée grâce au boom de la pornographie provoqué par l’avènement d’internet et est aujourd’hui largement adoptée tant par les jeunes filles que par les femmes matures. Or, les partisans de l’épilation pubienne ignorent souvent cette origine et l’argumentent par des raisons esthétiques, hygiéniques, etc.
Les effets sur la sexualité
L’exposition permanente à la culture pornographique n’est pas sans effet sur les comportements sexuels. La pornographisation promeut l’érotisation des filles et des femmes les poussant à séduire par la mise en valeur sexuelle de leur personne (vêtements sexy, augmentation du volume des seins et des lèvres, tatouage, piercings, etc.). La pornographie, essentiellement axée sur le plaisir masculin et la soumission de la femme, met en scène des pulsions exhibitionnistes, sadiques et masochistes. En aiguisant et en banalisant de telles tendances, en sous-entendant que le corps des filles et des femmes peut être utilisé, exploité, vendu et agressé, elle influence et modélise les comportements sexuels. Les limites entre vécue, fantasmes, perversion et prostitution deviennent floues, voire disparaissent. Sexualité vécue, fantasmes, perversion et prostitution deviennent floues, voire disparaissent.
Manon a 18 ans. Elle a déjà eu des relations sexuelles avec plus de 15 partenaires. Elle explique : « Moi, j’aime bien quand les hommes sont un peu salaud. Un garçon trop gentil, un garçon qui est à mes pieds, ça m’ennuie. Un garçon trop gentil, ce n’est pas un vrai mec.
Si je lui envoie un message et qu’il répond tout de suite, je n’aime pas, ça me donne l’impression que c’est un mou et que je peux faire ce que je veux avec lui. S’il ne répond pas tout de suite, je me demande pourquoi, je me demande s’il est avec une autre, s’il est en train de me tromper, je me demande s’il va me laisser tomber, je stresse et alors, je me sens amoureuse et je cours derrière lui. Quand je suis avec lui et qu’il drague un peu les filles, j’aime bien. Je suis jalouse mais je sens que c’est un vrai mec, et ça, j’aime bien. J’ai besoin qu’un mec me recadre.
Si je joue avec ses pieds et qu’il ne dit rien, ça m’énerve. J’ai besoin qu’il me dise : « Bon, maintenant, ça suffit, tu te calmes ou je fous le camp ». J’ai été avec Quentin pendant un an. Il me trompait avec mes copines. J’étais folle amoureuse de lui et avec Maxime qui fait tout pour moi, je m’ennuie... Je pense que je vais le quitter. Au lit aussi, j’aime bien les trucs un peu forts.
Un garçon trop gentil qui veut me faire plaisir, je trouve que ce n’est pas viril ! Je fais parfois des trucs que je n’ai pas envie de faire parce que le mec qui est un peu salaud, tu as toujours peur qu’il te quitte, surtout s’il te dit : « Ta copine, elle est pas mal. J’ai bien vu que je lui plaisais » et des trucs du genre. Quentin, un jour que je ne voulais pas qu’il me sodomise, il m’a balancé : « Je suis sûr que ta copine, elle, elle aime ça. Toi, tu es un peu coincée du cul ». Alors, j’ai accepté. »