« Comme thérapeutes, nous en faisons toujours trop »
Parce que la transe, définie comme « ouverture du champ sensoriel et réduction à celui-ci », contient en elle la modification attendue, le thérapeute n’a pour fonction que de faciliter cette ouverture. François Roustang détaille, insiste, revient dans nombre de ses écrits sur la posture hypnotique du thérapeute, condition sine qua non selon lui pour que le patient expérimente cette dynamique salvatrice.
L’hypnothérapeute dans cette posture doit en tout premier lieu précéder le patient dans la transe. Plongé dans la sensorialité élargie, il se contente d’y inviter ce dernier en le faisant passer de la veille restreinte vers la perceptude. Le thérapeute est « préposé à ne rien faire d’autre d’abord et avant tout ».
Le clinicien s’attache alors à « mettre ses particularités entre parenthèses, y compris les particularités de sa formation et de son savoir ». Cette mise entre parenthèses, commente François Roustang, peut être assimilée à une série de « soustractions » qu’il détaille. Il s’agit tout d’abord de « ne rien savoir », car savoir est encore du registre du premier mode de perception. Ne rien savoir signifie renoncer à établir un diagnostic car, si celui-ci est une manière pour le thérapeute de se protéger, de se donner l’illusion de comprendre le patient, il n’a pour conséquence que d’effacer la singularité de ce dernier. Ne rien savoir est aussi renoncer à toute technique ou stratégie.
Certes l’apprentissage de ces dernières est nécessaire et ce dans le plus grand nombre, mais le thérapeute doit les assimiler au point de les oublier « à la manière de l’artisan qui ne s’interroge plus sur ses gestes ou sur l’utilisation de ses instruments ». Dans cette mise entre parenthèses, il est nécessaire, deuxième soustraction, de « se rendre indifférent au résultat », indifférent au succès, indifférent même à la guérison. Il y va, insiste notre auteur, de la liberté du patient. Cette indifférence, précise-t- il encore, est tout l’inverse d’une absence. La troisième soustraction selon François Roustang consiste à s’installer dans « l’im- puissance », dans une incapacité radicale : plus l’aide tend vers zéro, explique-t-il, plus elle est efficiente. Enfin, dernière opération, il s’agit de s’exercer à une certaine « impersonnalité ». A la fois présent et à l’écart, le thérapeute pour cela laisse dans l’oubli ses expériences et ses compétences, sans s’attarder aux émotions, ressentis ou affects.Dans cette posture essentielle, le clinicien est donc vide de préalable, vide de pro- jet et a fortiori de moyen pour l’obtenir, afin de laisser place aux particularités et ressources de la personne présente. Se crée alors « un espace de risque dans lequel le patient n’aura nul besoin du thérapeute », énonce François Roustang. Il rappelle en cela que lorsque ce dernier ne peut plus rien faire,qu’il ne sait plus que faire et qu’il abandonne en quelque sorte la partie, souvent à ce moment-là le patient trouve le chemin des possibles. Quand le thérapeute en fait trop, développe-t-il, « il décourage le patient à se mettre à son compte », mais en « laissant se faire », il permet que celui-ci, accueilli au préalable dans toute sa singularité, dé- couvre une énergie jusque-là ignorée.
Jusqu’à notre prochaine rencontre, je vais vous demander de prendre le temps de réfléchir chaque jour à la question suivante : « Si vous étiez certain que, quoi que vous fassiez, quoi que vous tentiez, quoi que vous essayiez pour atteindre votre objectif, il ne se réaliserait jamais, que feriez-vous alors ? » Pour avancer dans la vie, nous nous donnons, plus ou moins consciemment, des buts, des objectifs, qui orientent notre attention, notre communication et notre action.
Quand mes mains de chirurgien ORL ont compris qu’elles pouvaient saisir le courant hypnotique du bloc opératoire, elles ont osé utiliser de nouveaux outils pour les emporter au-delà de la salle d’opération ou du réveil et permettre de soulager et d’accompagner mes patients jusqu’aux portes de leur convalescence et au terme de leur cicatrisation.
Comment j’ai échangé une boîte verte en métal vide contre 450 euros de cocaïne. La notion de temps. Ma pratique professionnelle de psychologue s’ancre dans le temps. Le temps d’intégrer, d’assouplir, d’automatiser, de digérer les théories et les pratiques. Peu à peu, imperceptiblement, ce qui demandait beaucoup d’effort, de réflexion, de concentration, finit par être limpide et s’écoule comme le ruisseau ayant trouvé son lit, naturel et fluide…
« Comme thérapeutes, nous en faisons toujours trop ». Ainsi François Roustang conclut-il le chapitre « Ouverture » d’un de ses ouvrages. Il poursuit : « Nous nous escrimons à chercher des solutions et à les proposer inlassablement comme s’il était certain que la technique adéquate existe pour cet individu et dans cette circonstance.
Dans le numéro 14 de la revue Sciences Psy, Boris Cyrulnik nous fait réfléchir, dans un article intitulé « Nécessité et abus de la notion de progrès », aux relations entre évolution, progrès, imagination et effets secondaires. Nous sommes habitués à associer progrès médical et allongement de la durée de vie. De rassurantes statistiques régulièrement nous apaisent à propos de notre avenir individuel et en inquiètent d’autres à l’échelon de la société, car comme le dit Boris Cyrulnik : « Le progrès se construit au fur et mesure de la réalisation de certains possibles et prend ainsi des chemins auxquels nous ne pensions pas nécessairement. »
La maladie de Parkinson (MP) est une maladie neurologique chronique dégénérative associant un tremblement de repos, une akinésie et une dyskinésie extrapyramidale. Secondaire à une dégénérescence du locus niger (ou substance noire) qui altère la voie dopaminergique nigrostriée, la MP s’accompagne de l’atteinte d’autres systèmes neurotransmetteurs. Ainsi, des troubles du sommeil, de la mémoire et de l’humeur sont fréquents.
Du VAKOG au VAPKOG. Ces quelques lignes se veulent une porte de réflexion sur la place que nous pourrions accorder à la sensibilité proprioceptive dans les phénomènes hypnotiques. C’est mon métier d’anesthésiste-réanimateur en maternité et mon expérience de danseuse, de plongeuse et du yoga qui m’autorisent à partager cette réflexion.
L’anesthésie fait peur. Parfois plus que la chirurgie elle-même. Peurs de confier son corps, de sombrer dans l’inconscient, de se réveiller inopinément, de souffrir, de mourir... Des peurs toutes légitimes que les explications rationnelles peinent à ré- conforter. Que faire des informations médicales sur l’anesthésie, techniques sur la sécurisation des procédures, statistiques sur les risques de plus en plus rares d’accidents quand on a peur ?
Madame A. se présente à la consultation d’anesthésie. Son dossier m’apprend qu’elle va être opérée d’un cancer du sein. Dehors, il pleut. Je me présente et l’invite à entrer dans le bureau. Elle s’assied sans rien dire, les yeux dans le vague. Elle a gardé son manteau et ses mains sont crispées sur un parapluie orange, posé sur ses genoux. « Vous savez, lui dis-je, je n’ai encore jamais volé de parapluie. Même aussi beau que celui-ci. » Elle me regarde, semble réfléchir et sourit. La consultation d’anesthésie peut commencer.
En hypnose médicale, nos pratiques soignantes s’effectuent en service hospitalier, en pré-hospitalier (SAMU-SMUR/Sapeurs- pompiers), au bloc opératoire ou en salle de réveil. Parfois, amener le patient dans un refuge hypnotique pour les soins impose au praticien une vraie recherche scénaristique. Le patient n’a pas toujours de « safe place » à proposer, ou le besoin d’une séance est parfois si rapide qu’on n’a pas le temps de recueillir les éléments ressources.
Le chirurgien-dentiste écoute avec ses yeux et parle avec ses mains. Il prend soin d’un espace qui permet de s’alimenter, de communiquer, et parfois de respirer. Et il s’interroge souvent sur sa capacité à rester concentré, des fois plusieurs heures, sur les quelques millimètres carrés à soigner, tout en restant attentif à leur propriétaire.
Nous voici en automne. Fin des vacances et donc reprise des activités économiques, scolaires, sociales, politiques. Tout le monde ne fait que souhaiter une « bonne rentrée ». Soit. Mais regardons cela de plus près. « Rentrée » est un mot composé. Oui, oui: composé de«entrée»et de«re». « Re » comme regret, remord, repentance, retard, reblochon ?
Cher lecteur, Vendredi, 8 h 30. Première consultation d’une journée assez longue. J’accueille une femme. L’ayant accompagnée depuis la salle d’attente, je la laisse prendre place. Elégante, elle se glisse dans le bureau et s’installe dans le fauteuil de travail. Quoi de plus classique pour commencer une journée ? Habituellement je me laisse porter et emporter par la mélodie du récit que le patient me fait à la question que je leur adresse : « Racontez-moi. » L’hypnose étant d’abord celle du thérapeute en écoutant le patient.
Bonjour Marc, peux-tu indiquer ce qui t’a conduit aux études de médecine et à l’anesthésie ? Marc Galy : Dès ma plus jeune enfance j’ai souhaité faire médecine : le déclencheur, le médecin de famille. Pour l’anesthésie c’est la même chose, la rencontre. J’ai passé un internat des hôpitaux.
Les visages de l’invisible, Patrick de Wilde, Chaman. Fou en deçà des Pyrénées, guérisseur au-delà. Ou sorcier, curandero, jhankri, mudang, santero ou chaman. Les pratiques chamaniques, depuis l’âge de pierre, nous fascinent, nous enchantent, nous effrayent, nous questionnent. Des phénomènes de transe qui nous sont cependant familiers et dont nous nous sommes inspirés dans nos approches psychothérapeutiques.