La notion de relation interne (ou relation des sens) est l’outil, le scalpel, grâce auquel l’étude de l’organisation d’un système prend un sens nouveau, elle ouvre l’accès au principe d’agencement des collectifs humains.
J’emprunte la définition de la relation interne à Vincent Descombes :
« Une relation interne est une relation entre deux descriptions entre deux concepts. Soit l’exemple de l’acte de commander. Il y a en effet une relation interne entre le concept du commandement et celui de l’obéissance (…) Ce qui est impossible n’est donc pas que Pierre, le maître, existe sans que Paul, le serviteur, existe, mais plutôt que Pierre ait le statut de maître sans que quelqu’un ait le statut de serviteur (Paul ou un autre). »
Les relations interpersonnelles sont des relations internes qui par leur existence affectent le statut des termes reliés. L’identité d’un individu résulte d’un parcours à travers les linéaments, les failles et les fentes de la totalité à laquelle il appartient. Le sujet n’est plus une origine stable et immuable mais une réalité fluide et fluctuante, il est constitué au sein d’une totalité. Sa nature profonde est celle d’un être relié. Pourtant nos intuitions et notre sens commun se fondent sur la perception des éléments pris isolément. Aussi percevoir les relations de sens nécessite un apprentissage. C’est une initiation, telle qu’elle nous est décrite par le cuisinier, au cours de laquelle l’esprit se libère du filtre des sensations et sans médiation agit comme il l’entend, accède au fonctionnement des choses.
Tout un programme qui ressemble fort à ce que l’expérience hypnotique nous invite à découvrir !
Depuis une controverse célèbre portant sur le mystère de la Trinité, les praticiens ont appris à se méfier des querelles Byzantine où l’enjeu du débat se réduit à un iota. Pourtant si cette tentative de clarification des concepts de créativité et d’interaction ne se résume pas à de stériles arguties, alors deux résultats méritent d’être retenus.
D’une part délivrer les hypnothérapeutes de la trop pesante image d’un thérapeute hors du commun. Pétrifié dans le statut de l’innovateur d’ascendance divine Erickson risque de nous condamner à n’être que de serviles imitateurs.
La créativité n’est pourtant pas l’apanage exclusif des génies et de simples artisans peuvent la revendiquer dans leur pratique.
D’autre part convertir les systémiciens à l’exercice difficile mais heuristique de la relation de sens. C’est à ce prix que les crampes mentales liées à l’auto référentialité du sujet peuvent être dénouées. Ce n’est pas un mince avantage pour un thérapeute que d’écarter de son vocabulaire le trop fameux « travail sur soi » ainsi que la sacro sainte « confiance en soi » devenue viatique indispensable de tout individu performant.
Bibliographie :
Jean François Billeter « Leçons sur Tchouang-Tseu » Editions Allia 2002
Vincent Descombes « philosophie des représentations collectives »
Revue scientifique, History of the Human sciences vol 13 n° 1 2000 pp 37- 49