Hypnose aux États-Unis
À la fin du XVIIIe siècle, le mesmérisme traverse l’Atlantique et fait son chemin aux États-Unis. Charlatans, spirites, hypnotistes de spectacle ne donnent guère une belle renommée à l’hypnose. Les écrits d’Edgar Allan Poe (La Vérité sur le cas de M. Valdemar ; Souvenirs de M. Auguste Bedloe) et de Nathaniel Hawthorne (La maison aux sept pignons) induisent une certaine méfiance envers le mesmérisme et l’hypnose.
John Bovee Dods (1795-1872) popularise le mesmérisme ainsi que La Roy Sunderland (1804-1885), en s’appropriant une terminologie scientifique pour l’expliquer. Le magnétisme commence à céder le pas à l’électrique. Les mesméristes américains s’intéressent davantage à traiter la personne globalement plutôt que de guérir la maladie.Les aspects religieux semblent l’emporter sur les aspects cliniques. La Roy Sunderland met en évidence une « sympathie mentale » pour décrire sa version du magnétisme, qu’il finira par nommer «pathétisme».
Phineas Parkhurst Quimby (1802-1866), enfant, est atteint de tuberculose. Le chlorure de mercure qu’on lui administre accentue ses symptômes. Il remarque que lorsqu’il galope à cheval, sa douleur s’atténue. Il va s’intéresser à l’impact de l’esprit sur le corps, assiste en 1838 à la conférence du mesmériste français Charles Poyen, de passage à Belfast, dans le Maine, se met à étudier le mesmérisme jusqu’à l’enseigner. Il croit que la foi en la guérison est capable de soigner les maladies et qu’il y a lieu de dissiper les fausses croyances. Il traite avec un succès temporaire Mary Baker Eddy, auteur, guérisseur, fondatrice du mouvement de la Science Chrétienne, alors atteinte de paralysie hystérique.
Ce n’est qu’au début du XXe siècle que l’hypnose se développe après avoir été « publicisée » par les spectacles. Dave Elman (1900-1967), comédien, puis hypnotiste de spectacle, homme de radio, connu pour ses inductions rapides, retranscrit ses cours qu’il destine alors aux médecins et aux dentistes : Hypnotherapy est devenu aujourd’hui un manuel de référence en hypnose médicale.
Le psychologue Clark Hull (1884-1952) entreprend, à grande échelle, l’étude de l’hypnose à l’Université du Wisconsin. En 1933, il publie les premiers résultats de ses travaux, rigoureux et basés sur des analyses statistiques et expérimentales, dans Hypnosis and suggestibility. L’hypnose « n’est pas du sommeil et n’a aucune relation avec le sommeil. » En état d’hypnose, des réponses d’alerte plus que de léthargie sont apportées. Pour lui, hypnose et veille ne diffèrent essentiellement que par la sensibilité aux suggestions et par la capacité accrue à mémoriser. L’hypnose prend ses lettres de noblesse bien qu’il ait à en abandonner l’étude suite aux résistances du corps médical. Sa contribution est majeure et est encore utilisée aujourd’hui.
Milton H. Erickson naît en 1901 à Aurum au Nevada. En 1919, il contracte la polio. Le pronostic du médecin parvient à ses oreilles ce qui le rend furieux. Impensable de dire à une mère que son fils va mourir dans les heures qui viennent ! Trois jours de coma s’ensuivent. Paralysé, installé dans un fauteuil à bascule, il s’aperçoit qu’il peut se balancer et se met progressivement à mobiliser son potentiel musculaire. Nous connaissons la suite... Milton H. Erickson s’intéresse très vite aux travaux de Clark Hull, il devient son élève. Son approche thérapeutique se fait connaître dans les années 1950. Co-fondateur de l’American Society of Clinical Hypnosis, il continue à oeuvrer jusqu’à sa mort en 1980. Et c’est essentiellement l’approche d’Erickson qui domine aux États-Unis aujourd’hui.
Dans cet « esprit de la guérison » ericksonien, Joyce C. Mills a développé depuis plus de vingt ans un modèle de thérapie par le jeu, le « StoryPlay® », un modèle qui met en valeur la diversité culturelle, les capacités naturelles de guérison et les solutions créatives.
Hypnose en Russie
Vasily Danielevsky (1852-1939), professeur de l’Université de Kharkov, en Ukraine, est le premier à étudier la physiologie de l’hypnose chez l’homme et les animaux. Il présente à Moscou, en 1891 au 4ème Congrès de médecins russes, les effets de la suggestion hypnotique pour accélérer la guérison des brûlures.
Ardalion Tokarsky (1859-1901), psychiatre, s’oppose à la vision de Charcot : l’hypnose n’est pas de nature pathologique. Il se bat pour faire accepter l’hypnose comme mode de traitement parmi et avec d’autres. Il fonde l’École de Psychothérapie et d’Hypnothérapie de Moscou. Il inaugure le premier « Cours d’Hypnose et de Psychologie Physiologique » auprès d’étudiants en médecine à l’Université de Moscou.
Les autres articles de la Revue ce mois-ci...
Congrès Mondial d'Hypnose à Paris: Venez aussi !
A tous les praticiens de l’hypnose thérapeutique cet appel s’adresse.
Appel à communiquer au prochain congrès mondial d’hypnose à Paris, du 26 au 29 août 2015.
Jusqu’au 15 septembre prochain, vous êtes cordialement invités à proposer qui une conférence, qui un atelier, qui une participation à une table ronde.
Transe générative. Le grand voyage de conscience. Stephen GILLIGAN
Auteur majeur du courant éricksonien, Stephen Gilligan présente ici les fondements de son propre apport à la pratique et la théorisation de l’hypnose : la notion de transe générative. La transe générative est un espace expérientiel à partir duquel de nouvelles dimensions de la réalité peuvent être créées. Elle est ainsi un moyen efficace pour le voyage de conscience qui est au coeur d’une vie pleine de sens.
L'auto-hypnose pour l'autonomie. Elise LELARGE, Edith HAMEON-BEZARD
articulièrement remarqué et apprécié lors du récent congrès de La Rochelle, l’atelier d’autohypnose d’Elise Lelarge et Edith Haméon-Bézard a donné lieu à ce texte qui en exprime l’essence. Grâce aux nombreuses études scientifiques, le bénéfice de la pratique quotidienne de l’autohypnose en douleur chronique n’est plus à démontrer. Comment apprendre aux patients à s’approprier suffisamment l’« outil » hypnotique pour une pratique aussi sécure qu’autonome à la maison ?
Mieux vivre avec un cancer. Le rôle de l'hypnose. David OGEZ
Lentement, l’hypnose trouve sa place en cancérologie. David Ogez en présente une application originale : la prise en charge de l’après-annonce. Si le développement des approches chirurgicale, oncologique et radiothérapeutique permet aux traitements des maladies cancéreuses d’évoluer significativement, que la souffrance psychologique soit reconnue, et de ce fait, que la qualité de vie des patients soit prise en compte par l’essor de la psycho-oncologie, il n’en reste pas moins que le terme « cancer » génère autant d’incertitude que par le passé. En effet, il apparaît que, dans l’inconscient collectif, l’association automatique entre les notions de mortalité et de cancer représente une suggestion anxiogène complexe qui altère le bien-être du patient.
Concordanse. Thérapie conjugale ondulatoire. Frédéric BERBEN
Considérer l’individu qui constitue, avec son partenaire, le couple, est un fondement original pour envisager la thérapie conjugale comme une danse où l’hypnose suscite un accordage créatif. « Je me lève et je te bouscule, tu n’te réveilles pas, comme d’habitude, sur toi je remonte le drap, j’ai peur que tu aies froid, comme d’habitude, ma main caresse tes cheveux, presque malgré moi, comme d’habitude, mais toi tu me tournes le dos, comme d’habitude… ».
Face à un déficit en hormone de croissance. Marie Clotilde WURZ DE BAETS
La pratique de l’hypnose s’aventure dans de nouveaux chemins pour activer les ressources nécessaires pour faire face à la période de crise que représente, après une naissance, la découverte d’une maladie grave. Pour aider l’enfant comme les parents.Il était une fois dans mon histoire personnelle. Ou plutôt il était plusieurs fois dans mon histoire personnelle et professionnelle : des temps, des lieux, des moments où les contes se sont invités.
Hypno-philo: Ethiques de la coopération. Dr Thierry Servillat
Ce livre n’est pas à proprement parler de la philosophie. Richard Sennett est professeur de sociologie à New York et à la London School of Economics. Retraité, il prend le temps de compléter et terminer son oeuvre. Influencé par Michel Foucault, il a travaillé sur de nombreux sujets, dont, dernièrement, la question des compétences dont les gens ont besoin dans leur vie quotidienne. En commençant par celles requises dans l’artisanat, inspirant l’opus traité lors de notre dernier Hypnophilo.
“Vous pouvez compter sur moi ”. Dr Stefano COLOMBO Quiprocquo, Malentendu et Incommunicabilité 34
“ Vous pouvez compter sur moi ”.Voilà une phrase que le thérapeute est souvent tenté de prononcer. Elle est rassurante, presqu’une garantie. Elle a le parfum de la signature d’un contrat.Un contrat ? Un contrat prévoit la signature des deux parties. Alors ? Est-ce que le patient est aussitôt prêt à déclarer que le thérapeute peut compter sur lui ? Pas si sûr.
Suggestif, magnétique, sportif, et surtout réparateur...Antoine Bioy
Pour commencer cette rubrique, posons- nous la question de savoir si le fameux « Dormez, je le veux ! » n’était pas si absurde ? Cordi et coll. (2014) montrent en effet que des suggestions pré-repos reçues en état hypnotique améliorent de façon significative la durée du sommeil. Très exactement, il s’agit du sommeil lent profond, impliqué dans l’amélioration de la plasticité cérébrale, et des capacités de restauration du corps (stimulation des défenses immunitaires…)
Ici et ailleurs. Transes et mots d'est et d'ouest. Christine GUILLOUX
Troisième édition, du 6 au 8 février 2014, à Paris, pour ce colloque «Hypnose d’ici, Hypnose d’ailleurs» de l’Association Thérapies d’ici et d’ailleurs. Spécialistes internationaux en provenance des Amériques comme de la Russie, des Indes comme de la Suisse, et de diverses régions de France, médecins, psychologues, neuroscientifiques, sont intervenus autant comme conférenciers que comme animateurs d’ateliers tant dans le traitement de la douleur, du stress post-traumatique, de la gestion des émotions, de l’apport des neurosciences…
Jeunesse et hypnose médicale. Stéphane RADOYKOV
Les ferments d'Hypnocrate. Être médecin, ça veut dire quoi ? Tu verras quand tu seras grand. D’accord, mais c’est quoi alors être un bon médecin ? Tu verras cela en temps voulu. Et un mauvais médecin, qu’est-ce que c’est ? En serai-je un ? Et puis qu’est-ce que je fais là autour de toute cette souffrance ?