« La douleur est infinie, la joie a des limites », Balzac
En effet, il y a mille façons d’éprouver le lecteur, de le faire frémir d’empathie, de l’entraîner dans un sidérant dépassement de soi, un courage inouï, un détachement surprenant, un remodelage du ressenti.
Souffrir mille morts, le dépeindre et s’en évader...
Ravagé par la syphilis et ses douleurs incoercibles, l’aimable Alphonse Daudet, qui charma des générations d’écoliers, a décrit sa torture dans cet atroce petit livre : La Doulou. En voici quelques extraits. « Il Crociato. Oui, c’était cela cette nuit. Le supplice de la Croix, torsion des mains, des pieds, des genoux, les nerfs tendus à éclater. Et la corde rude sanglant le torse, et les coups de lance dans les côtes… Quelquefois, sous le pied, une coupure fine, fine, un cheveu. Ou bien des coups de canif sous l’ongle de l’orteil. Le supplice des brodequins de bois aux chevilles. Des dents de rats très aiguës grignotent les doigts de pied… Dans ma pauvre carcasse creusée, vidée par l’anémie, la douleur retentit comme la voix dans un logis sans meubles ou tentures. Des jours, de longs jours où il n’y a plus rien de vivant en moi que le souffrir. Je suis crevé, crevé. La nuit, je suis obligé de marcher sur mon cul. L’homme orchestre de la douleur, c’est moi. »
« Il reste silencieux quand il souffre trop, écrit son ami Edmond de Goncourt, qui poursuit, décrivant l’une de ses visites. Au bout de quelques minutes, il se penche vers moi et les yeux brillants, il sort de lui et répand au-dehors, dans une sorte d’exaltation enthousiaste, toute son absorption concentrée de lecteur, depuis des semaines qu’il ne travaille plus, son absorption dans les voyages de l’Afrique. Et le fiévreux imaginateur qu’il est me détaille, comme dans la confidence d’une hallucination, cette lutte de tous les instants avec les flèches empoisonnées, avec les fièvres qui tuent en quarante-huit heures, avec l’horrible faim… Et il chante sur un ton épique l’énergie, la vaillance de Stanley, qu’il nomme le conquérant nouveau, le Napoléon touriste… »
Comme praticiens, nous percevons comment Daudet, grâce à la lecture, à l’exaltation qu’elle lui procure et à cette capacité de voyager par l’esprit, arrive à se décentrer et à échapper, fût-ce momentanément, à l’atroce douleur qui le tourmente.
Frida Kahlo est l’archétype de la femme suppliciée depuis l’enfance. A 6 ans, la poliomyélite la laisse infirme de la jambe gauche, jambe atrophiée, source de douleur durant toute sa vie. Se moquant d’elle, les enfants lui crient : « Frida, jambe de bois ! » La souffrance d’être différente et repoussée est la véritable formation de Frida, écrit Le Clézio dans son livre Diego et Frida. Elle vit dans un monde de fantaisie et de rêves, où elle trouve une compensation, en faisant apparaître à volonté, sur la fenêtre de sa chambre, une autre Frida, son double, sa sœur. « Sur la buée des vitres, avec un doigt, je dessinais une porte, écrit-elle dans son journal, et par cette porte, je m’échappais par l’imagination avec une grande joie et un sentiment de hâte. J’allais jusqu’à une laiterie appelée Pinzon. Je traversais le O de Pinzon et de là, je descendais vers le centre de la terre où mon amie imaginaire m’attendait toujours. Je ne me souviens plus de son visage, ni de la couleur de ses cheveux. Mais je sais qu’elle était gaie, qu’elle riait beaucoup. Sans bruit. Elle était agile et elle dansait comme si elle ne pesait rien. Je l’accompagnais dans sa danse et en même temps, je lui racontais tous mes secrets. »
A 18 ans, nouvelle tragédie. Frida subit un effroyable accident dans une collision de bus, dont une rampe la traverse, brisant sa colonne, le col du fémur, les côtes, la jambe gauche, le pied droit. Le ventre et le vagin sont transpercés.
Bien que brisée, elle survivra. Clouée au lit, elle décide de peindre. A sa mère, elle écrit : « Je ne suis pas morte et de plus, j’ai une raison de vivre. Cette raison, c’est la peinture. » Aujourd’hui dure toujours, écrit-elle cependant à sa sœur. Malgré le corset, les béquilles ou la canne et la douleur, elle se bat pour vivre, lit, écrit, pratique l’autodérision, se passionne pour la révolution russe et le communisme et débute une vie amoureuse tourmentée avec un ogre, le peintre Diego Rivera.
Frida n’arrêtera jamais de souffrir et c’est la peinture qui transcendera tous les désastres de sa vie et qui exprimera son supplice perpétuel.
De Frida Kahlo, dont l’œuvre magistrale nous émeut toujours, le thérapeute se doit de souligner l’extraordinaire acharnement à s’arracher, par l’imaginaire, l’art, l’écriture et l’engagement, à la condition de victime et même de martyre de la féroce douleur et du handicap définitif.
Mépriser ou ignorer la douleur
Au Ier siècle de notre ère, le stoïcien Epictète, esclave d’Epaphrodite, un ancien affranchi de Néron dont il avait la cruauté, fut la victime de ce maître sadique. Celui-ci lui avait emprisonné le pied dans un brodequin de torture, probablement pour le faire crier et l’amener ainsi à se départir de son impassibilité.
« Tu vas me casser la jambe », l’avertit Epictète. Epaphrodite continua néanmoins jusqu’à ce que le drame se produisit. « Je t’avais prévenu, se contenta de constater Epictète, tu viens de me casser la jambe. » Il résuma sa sagesse par ces mots : « Abstiens-toi et supporte », écrit Jean Brun dans son ouvrage sur le stoïcisme.
Supporter, sans ne se plaindre ni céder, les aléas de la vie, l’ignoble injustice, la douleur et la souffrance, envers et contre tout. Comme cette position ferme et inébranlable nous est étrangère, comme elle nous questionne si l’on prend la peine de s’y pencher.
C’est l’automne et nous nous retrouvons avec les joies de cette saison. Déguster des champignons, s’installer à côté d’un feu de cheminée, être avec un(e) ami(e), apprécier les journées de l’été indien, flâner dans les bois, regarder un film, aller voir une exposition, écouter ici et là un conférencier… lire la Revue, celle-ci, une autre, tout est possible !
Un jour, un professionnel demande à Erickson : « D’accord, ce que vous faites, ça marche, mais tous ces trucs invraisemblables que vous demandez à vos patients de faire, est-ce que c’est encore de la psychothérapie, est-ce que c’est une authentique activité de soins ? » Erickson lui répond : « Oui, mais personne n’est absolument obligé de le savoir, ni le patient ni le thérapeute. »
Avec l’HTSMA, j’ai trouvé une manière vivante de travailler qui intègre chacun des courants de la Thérapie brève. Ce qui m’a amenée à m’inscrire dans cette pratique, c’est la construction d’un « être ensemble » dans la perspective d’une approche interactionnelle du vivant. A partir de cette base, le thérapeute va mettre en scène ce qui apparaît dans la thérapie, par la triangulation : en externalisant grâce à l’imaginaire partagé (souvenirs, sensations, images sensorielles) la problématique de la relation (à soi, au monde, à l’autre).
La reconquête de la liberté du corps et de la pensée face aux toxiques. A propos d’hypnose et de réduction des risques... Il n’y a ni lieu ni moments privilégiés pour arrêter de fumer du tabac, du cannabis, pour arrêter de consommer de la cocaïne, de l’héroïne, pour arrêter de boire de l’alcool, pour s’éloigner des amphétamines, du LSD, des champignons hallucinogènes, pour cesser le mésusage médicamenteux.
Ainsi fait suite à notre Première Note évoquant l’Harmonie comme socle de la pensée de François Roustang, la notion essentielle de Correspondances. L’être humain n’existe pas, insiste notre auteur, sans son contexte. Plongé dans un tissu constitué d’une multitude de relations entre tous les éléments qui composent son existence, chaque être fait exister ces éléments qui l’entourent tout comme ces derniers le font exister.
Lorsque Sophie Cohen m’a proposé de diriger ce dossier thématique, j’ai tout de suite été très intéressée. Montrer la diversité des situations où l’hypnose intervient de façon directe ou indirecte au travers de séances et de la communication thérapeutique est un enjeu majeur pour une professionnelle que je suis qui utilise cette approche depuis plus de dix ans.
« La douleur est infinie, la joie a des limites », Balzac. On dit que les grandes douleurs sont muettes. Rien de plus faux. A l’instar d’autres artistes, les écrivains s’avèrent de fins observateurs et des virtuoses de la transformation. Traité avec une incroyable diversité, le thème de la douleur n’est jamais éculé. En effet, il y a mille façons d’éprouver le lecteur, de le faire frémir d’empathie, de l’entraîner dans un sidérant dépassement de soi, un courage inouï, un détachement surprenant, un remodelage du ressenti.
Les « TAC » comme aide technique à la marche. La chute de la personne âgée représente une thématique majeure de santé publique. C’est la première cause de mortalité accidentelle. Tous les ans, environ 450 000 personnes âgées de plus de 65 ans font une chute (INVS) de gravité immédiate variable : hospitalisation, décompensation des pathologies chroniques, fractures, douleurs, dépression, perte d’autonomie, entrée en institution et décès.
Les techniques hypnotiques peuvent apporter une aide précieuse en situation d’urgence, que ce soit lors d’une immobilisation, à l’occasion d’une désincarcération ou d’une mise en condition, mais aussi dans certaines situations obstétricales ou lors de soins dentaires. L’induction furtive de l’hypnose peut s’avérer d’une grande utilité chez ces patients douloureux aigus, dont l’anxiété légitime peut intensifier notablement les souffrances.
L’ancrage des pieds. Pour passer le pas, le pied doit ressentir le sol. Le sol répond par une force réactionnelle. Ainsi, le pied peut propulser le corps vers l’avant. Dans de nombreuses techniques énergétiques, on parle de l’importance d’un ancrage corporel pour permettre à l’énergie présente dans le corps de circuler aisément et ainsi laisser le corps en bonne santé.
La douleur chronique est toujours multifactorielle, associant une atteinte réelle ou virtuelle des voies de la nociception à des éléments de fragilité qui font le lit de la chronicisation : traumatismes anciens ou récents, pathologies associées, concomitantes. L’importance de l’anamnèse est au premier plan, elle permet de mettre du sens et ainsi de choisir la stratégie thérapeutique où l’hypnose va trouver sa place et son efficacité dans un projet partagé avec le patient.
« Bonjour Docteur, je vous appelle pour un rendez-vous ? » « Bonjour Docteur » fait vieux jeu. Je suis jeune, « in », pas coincé. Je pourrais dire : « Salut Doc ! », non, non, cela fait trop copain-copain. « Excusez-moi, Docteur, de vous déranger » Horrible ! C’est du langage du siècle passé. Et en plus, pourquoi m’excuser ?
« Ma voix t’accompagnera », expliquait Erickson à ses patients. Mais quelle voix peut au mieux accompagner un patient en hypnose ? Comment faire en sorte qu’elle soit le plus adaptée à ce contexte ? Tant de patients expriment en fin de séance que c’est la voix du thérapeute qui a été la plus importante. Et pourtant, sauriez-vous décrire précisément en quoi elle diffère de la voix habituelle ? Nous sentons bien qu’il y a un changement mais celui-ci est le plus souvent très intuitif.
Chère Teresa, merci d’accepter de répondre à ces questions pour notre revue « Hypnose et Thérapies brèves ». J’avais envie de le mener depuis longtemps étant donné la place que tu occupes depuis les débuts dans le monde de l’hypnose notamment au Mexique et au niveau international. Peux-tu nous parler un peu de toi, ta famille et ton parcours professionnel ?
La force de la vulnérabilité : Utiliser la résilience pour surmonter l’adversité, Consuelo C. Casula, Satas, collection Le Germe. Pile ou face. Une chose et son contraire. Une chose ou l’autre. Une vulnérabilité ou une force. Une crise et une opportunité. Vent debout. Les ouragans ne se nomment pas tous Irma, José, Maria.
Neuroscience et chamanisme : Les voies de l’illumination, David Perlmutter et Alberto Villoldo. A première vue, ce titre peut prêter à l’étonnement. Dans un deuxième temps, il annonce un livre innovant. En exposant le point commun unissant ces deux disciplines, l’état d’illumination, les auteurs, David Perlmutter, neurologue, et Alberto Villoldo, médecin-anthropologue et chaman, nous révèlent la façon dont chacun peut accéder à cet état particulier, longtemps décrit comme accessible uniquement aux moines, méditants ou chamans de pays lointains.
Manuel d’hypnothérapie digestive, Philippe de Saussure. Ce petit ouvrage est un véritable outil pratique lorsque vous accompagnez des patients qui souffrent de troubles fonctionnels digestifs. Spécialiste en gastro-entérologie, en hypnose, Philippe de Saussure partage au cours de ces 100 pages tout ses savoirs et savoir-faire. Il vous propose quelques scripts d’hypnose qu’il utilise lui-même. C’est un ouvrage précieux et complet.
Chers lecteurs, pour ce numéro nous avons invité un chercheur en neurosciences passionné d’hypnose et de musique. Avant de le laisser nous inviter dans un fabuleux voyage dans le cerveau (attention, accrochez-vous !), Cédric peux-tu te présenter ?