La thérapie par les contes et les récits comment ça marche ?
Je vois beaucoup de patients avec des maladies chroniques et il n'est pas toujours évident pour eux d'aborder frontalement les choses. J'utilise alors une voie détournée, sous la forme de contes. Plutôt que de leur parler d'eux directement, on va transposer la scène dans un monde imaginaire et leur donner l'impression qu'on leur raconte une histoire. Ils baissent la garde et sont davantage réceptifs. En réalité on ne fait que transposer leur situation de souffrance actuelle dans une autre réalité. Pour cela, j'utilise des personnages que je mets en scène au sein d'un récit que je crée en fonction de chaque patient. Un conte dure environ un quart d'heure de récit.
Vous utiliser notamment les contes basques... Pourquoi ? Comment choisissez-vous les personnages ?
J'utilise effectivement les Laminak, Akerbeltz le bouc noir, ou Tartalo le géant cyclope avec les enfants. Les contes tels qu'ils existent quand ils sont vraiment basques, sont plus des anecdotes assez courtes, et sont moins construites que d'autres formes de contes. Il peut m'arriver de les utiliser en tant que tel, mais le plus souvent, je les recrée en fonction de mon patient. Beaucoup des personnages que je choisis ont un lien avec l'animal. Si j'utilise un personnage humain dans un monde onirique, le patient va rapidement comprendre que je parle de lui. Ceux hybrides comme Gizotso, l'homme-loup, me permettent de contourner ce problème. Dans mon histoire, je vais ensuite le confronter à une difficulté qu'il va devoir traverser...
Quel est le personnage qui fonctionne le mieux ?
Les Laminak ont un gros avantage puisqu'ils peuvent être homme ou femme. Je les décrits généralement comme «des créatures que l'on rencontre de temps en temps dans les histoires et qui ont pour caractéristique d'avoir les pieds palmés. Ils doivent aider les humains, mais ont aussi besoin que les humains les aident...» Dans cette introduction, je crée une relation entre les Laminak et les humains. A partir de ce moment-là, le patient à déjà accepté leur existence. «Et je me souviens qu'une fois on m'a raconté l'histoire d'un Laminak qui...»
Votre dernier conte ?
Un monsieur en soin palliatif qui avait un cancer et dont la préoccupation était de savoir comment ses derniers instants allaient se passer. J'ai transposé son histoire en reprenant le personnage du taureau rouge qui protège la caverne. Un berger amène ses moutons non loin de là. Lorsqu'il s'endort, un de ses moutons s'éloigne et se perd dans le dédale de la grotte. Le berger se retrouve alors confronté au taureau jusqu'à ce qu'il trouve le moyen de rentrer dans la grotte, sans savoir ce qu'il y avait de l'autre côté...
Mais pourquoi ces contes et ces métaphores nous parlent ?
Par principe d'analogie : on n'entend pas les paroles telles qu'elles sont mais les mots pour leur représentation. La métaphore est le langage de la souffrance. Mes patients me disent «j'ai la tête dans un étau» ou bien «j'ai le sang qui bout» : une émotion ou une expérience trop forte sera communiquée par une image pour éveiller une impression. Sous hypnose, on peut donner corps à cette métaphore dans une certaine réalité grâce au conte ou à l'histoire. En hypnose, le patient vit réellement les choses. Toutes les zones cérébrales sont activées comme s'ils faisaient chaque action, à part qu'il n'y a pas d'ordre moteur envoyé à ses muscles...