- Comment exercer la psychothérapie d’une manière créative ? Je vous donnerai quelques exemples de la créativité en psychothérapie à partir de l’oeuvre de Milton Erickson. Je vous présenterai également la psychothérapie hypnotique telle que je l’enseigne et telle que je la pratique et qui permet d’obtenir d’excellents résultats.
Or, qu’est-ce que la créativité ?
Carl Rogers définit la créativité de la manière suivante : « le mobile principal de la créativité paraît être la tendance de l’homme à l’accomplissement de soi, à l’utilisation de toutes ses potentialités, que ce soit pour résoudre des problèmes dans la vie ou en thérapie ou pour produire des oeuvres d’art symboliques » . L’importance de la créativité en psychothérapie a été mise en évidence par l’expérience suivante de Michael Yapko, formateur en hypnose éricksonienne.
Michael a mené une enquête sur les échecs en psychothérapie. Il a fait paraître l’annonce suivante dans les journaux locaux en Californie : « Si vous avez déjà suivi une psychothérapie
et si la thérapie vous a fait plus de mal que de bien, veuillez me communiquer votre
expérience ». Il a reçu quelques centaines de témoignages. Il a relevé tous les facteurs communs responsables de ces échecs de la psychothérapie. La cause principale de l’échec de la psychothérapie a été que le thérapeute n’avait qu’une approche thérapeutique. Par exemple, si le thérapeute pratiquait la psychanalyse, il ne faisait que de la psychanalyse. S’il pratiquait la thérapie comportementale et cognitive, il excluait toute autre technique de sa pratique. Pour minimiser les échecs en psychothérapie, le praticien a donc intérêt à être plus souple et plus créatif. Or, il existe plusieurs principes de créativité que vous pouvez appliquer pour développer votre créativité en tant que psychothérapeute. La synthèse ou la combinaison est probablement le principe de créativité le plus utile en psychothérapie. Ainsi, vous pouvez stimuler votre imagination créatrice en vous posant des questions du type : « Qu’est-ce qui se passerait si je mettais ensemble ceci et cela ? Quelle autre chose est-ce que je peux intégrer à ceci ? Quelles idées est-ce que je peux combiner ensemble ? » . Erickson s’est servi de ce principe de synthèse avec plusieurs de ses patients. Un de ses élèves, un jeune médecin, rapporte à Erickson que sa tante de cinquante-deux ans est très dépressive avec des tendances suicidaires. C’est une dame riche, célibataire, qui vit seule dans une grande maison à Milwaukee. Le médecin demande à Erickson de la soigner. Erickson s’engage à aller la voir quand il sera dans la région de Milwaukee. Quelques mois plus tard, quand Erickson se trouve à Milwaukee, il rend visite à cette dame. Il se présente en tant que psychiatre. Il discute avec elle et fait le tour de la maison. Ainsi, tout ce qu’il réussit à obtenir comme informations sur elle se limite à ce qui suit :
1. Elle vit isolée. Elle est dépressive, passive et obéissante.
2. Ses seules sorties se limitent à aller à l’église sans participation active.
3. Sa seule passion est de cultiver des violettes africaines.
Avant de la quitter, Erickson lui donne les conseils suivants, en insistant sur le fait qu’il s’agit bien d’une prescription médicale à suivre à la lettre : « Vous allez faire pousser beaucoup plus de ces violettes africaines. Chaque fois qu’il y aura une fête à l’église, comme un baptême, une communion, un mariage, un décès, vous irez participer à ces cérémonies même si vous n’y êtes pas invitée. Vous offrirez un bouquet de ces belles fleurs à chaque occasion ». Par la suite, la dame est trop occupée à entretenir ses violettes, à participer aux activités à l’église qu’elle n’a pas le temps de se sentir déprimée. Elle se fait remarquer par tous les habitants du village et elle est invitée systématiquement à toutes les réunions religieuses et sociales. A sa mort, dix-huit ans plus tard, tous les habitants du village sont présents à son enterrement. Ils l’ont surnommée « la Reine de la violette africaine de Milwaukee » .
Dans le cas de cette patiente, nous pouvons qualifier le travail d’Erickson d’approche utilisationnelle. En réalité, la créativité d’Erickson a consisté à utiliser en combinant tous les éléments positifs qu’il pouvait repérer chez cette personne déprimée.
En ce qui me concerne, l’hypnose est un état modifié de conscience où le patient se concentre sur la communication privilégiée avec le thérapeute. L’hypnothérapie consiste à utiliser cet état dans le cadre d’une psychothérapie brève. Avec une approche éricksonienne, le praticien peut faire des suggestions indirectes. Il peut accéder aux ressources de la personne et les utiliser. Il peut également utiliser les phénomènes hypnotiques en thérapie. Or, l’hypnothérapie telle que je l’enseigne et telle que je la pratique comprend l’approche éricksonienne, l’hypno-analyse, la thérapie des états du moi, l’hypnomodification du comportement, l’hypnorestructuration cognitive et l’auto-hypnose. Dans une telle approche, nous retrouvons ce principe de la créativité, la combinaison ou la synthèse. Ainsi, l’hypnose peut être utilisée en association avec la psychanalyse, ce qui permet au praticien de pratiquer l’hypno-analyse pour traiter la cause ou l’origine du problème. L’hypnose peut également être associée à la thérapie comportementale et cognitive. Ce sont deux approches complémentaires. Erickson lui-même s’est servi de ces approches thérapeutiques. Erickson a utilisé la technique d’hypno-analyse appelée dessin hypnotique pour aider une jeune étudiante de vingt-quatre ans à sortir de la dépression . Il a également utilisé d’autres techniques d’hypno-analyse comme l’écriture automatique et la régression en âge. Il a aussi intrégé à sa pratique certaines techniques provenant de la thérapie comportementale. Par exemple, un professeur d’astronomie vient le voir en hiver. Il laisse la porte du cabinet d’Erickson ouverte. Il ouvre la fenêtre du cabinet et demande à Erickson de le traiter pour la claustrophobie. Il devait prendre l’avion, le train et le bateau pour ses recherches à Bornéo. Après induction d’un état hypnotique, Erickson lui demande d’abord d’imaginer que la porte et la fenêtre sont fermées. Puis, il ferme la porte et la fenêtre. Il effectue un recadrage en précisant que la porte ouverte était une fissure dans le mur qu’il a simplement fermée. Le patient a pu aller à Bornéo photographier l’éclipse. Dans ce cas, Erickson a utilisé la technique de l’implosion empruntée à la thérapie comportementale . Erickson a également pratiqué la thérapie des états du moi. Il considérait que l’esprit humain était constitué de parties. Il a publié trois articles sur ce sujet. Dans un de ces articles, il explique comment il a traité avec succès un patient souffrant d’une phobie obsessionnelle en communicant avec une personnalité duelle insoupçonnée à l’intérieur du patient .