Discussion
J’aimerais alterner quelques réflexions à partir de mon expérience, et quelques passages du texte du Professeur Vénisse (2) : « Compte tenu des carences d’intériorisation, la place d’un contenant externe matérialisé est en règle une nécessité… mais son intensité a tout intérêt à être régulièrement rediscutée en vue d’un réajustement au plus près des besoins d’étayage du patient au fil de son évolution. »
L’expérience positive de soulagement des tensions rencontre l’ambivalence, et c’est la notion d’actions ponctuelles, proposées « comme des médicaments qu’on prend et qu’on laisse agir », qui peut ouvrir la porte à la réappropriation d’un corps de plaisir.
« Il s’agit donc constamment d’un travail d’entre-deux et d’articulation entre un dedans et un dehors qu’on pourrait dire paradigmatique de la difficile articulation entre réalité interne et externe. »
Le problème est le rapport de pouvoir du patient avec son corps, son arrogance. C’est dans la recherche de résolution de la tension-malaise « mille fois remise sur le tapis » évoquée plus haut, que le cerveau enregistre ces possibles et que petit à petit la mémoire s’imprime. Alors le « tout de suite » est satisfait.
« Compte tenu de la place habituelle des mécanismes de déni et de clivage, des attentes magiques et omnipotentes qui en sont une figure inversée, compte tenu également des risques que le cadre de soin s’avère aussi totalitaire que le produit de dépendance, on peut s’interroger sur le degré d’injonction thérapeutique souhaitable. »
Pour que ce travail soit valide, il faut qu’il s’intègre dans une équipe de soin pluridisciplinaire, que le patient se sente contenu, entouré. La notion de ressources à la carte permet d’éluder l’arrogance dans la phase d’opposition inhérente à toute thérapie, pour laisser le sujet maître de ses choix. Diminuer par là même la place de la souffrance et peut-être de la médication, dans la phase de convalescence avec le canevas tissé pendant les séances.
Et ne peut-on pas se poser la question de la prévention ? Quel vide l’alcoolique remplit-il, si ce n’est une carence… Le nourrir de sensations positives et apaisantes, n’est-ce pas un moyen ? Quel plaisir trouve-t-il dans sa désescalade masochiste si ce n’est un corps « désérotisé ». Avant le lien social à retisser, n’y a-t-il pas un lien fondamental et antérieur à retrouver, la relation avec le corps vivant, le corps de bien-être et de plaisir. Même si c’est un petit pas !
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Bibliographie
- « Le Moi-Peau », Didier Anzieu, Payot, Paris, 1985.
- « Alcoolisme, image du corps et sophrologie », Hubert Audra, Maîtrise de psychopathologie, septembre 2000, Lyon. (1)
- « L’Image inconsciente du corps », Françoise Dolto, Seuil, Paris.
- « Alcool », François Gonnet, dans « Dictionnaire de la sexualité humaine », L’Air du temps, Paris, 2004.
- « Le Choix de la sublimation », Sophie de Mijolla-Mellor, Le Fil rouge, PUF, Paris, 2009.
- « Le Corps en psychothérapie », Willy Pasini, Payot, Paris, 1993.
- « Addictions : quels soins ? », Jean-Luc Vénisse, Daniel Bailly, Masson, Paris, 1997. (2)
- « Jeu et réalité », Donald W. Winnicott, Gallimard, Paris, 1975.