Au de-là des bénéfices reconnus du détournement de l’attention dans la pratique de l’hypnose lors de soins à autrui, que représente l’attention détournée ? Certes ce que les neurosciences et la clinique en disent, mais aussi et surtout ce que nous rapporte une interrogation et une vigilance d’ordre éthique.
Contenu:
Nous évoquerons ce que les neurosciences nous disent de l’attention d’une personne[1] ainsi que ses rapports avec la cognition[2]. Nous rappellerons ensuite la place de l’attention dans la pratique de l’hypnose ; entre la fluctuation de la vigilance et l’accueil de suggestions notamment indirectes, plus ou moins visibles, permissives voire contraignantes.
Nous rapporterons une partie des résultats d’une recherche qualitative menée dans un cadre universitaire auprès de professionnels de santé, notamment de masseurs kinésithérapeutes, utilisant cette stratégie de détournement de l’attention[3]. Cette recherche consiste à analyser par théorisation ancrée[4] des entretiens menés pour interroger « l’intérêt de la stratégie du détournement d'attention du patient lors de techniques de rééducation potentiellement douloureuses ».
Toutefois, si nous discuterons de l’intérêt d’utiliser de telles stratégies de détournement de l’attention lors des soins, nous explorerons surtout les limites éthiques pour un professionnel d’agir de la sorte ; entre l’autonomie et la fragilité de la personne soignée mais aussi celles du professionnel. Nous nous appuierons sur l’éthique aristotélicienne[5], sagesse des limites, qui nous enseigne qu’il est des limites à atteindre et d’autres susceptibles d’être dépassées ; et que ce n’est pas tant la limite qui est à dépasser, mais ce qui empêche de l’atteindre[6]. Limites dynamiques et polémiques parce qu’elles sont humaines.
[1] Petersen S.E. and Posner M.I. « The Attention System of the Humain Brain : 20 years after », Annu. Rev. Neurosci. 2012.35:73–89.
[2]. Éric Sieroff, « L’attention » in Francis Eustache et al., Traité de neuropsychologie clinique, De Boeck, 2008 p. 263-293.
[3]. Marguerite Dontenwille, Le détournement de l’attention en kinésithérapie, mémoire de fin d’étude de masseur kinésithérapie, sous la direction de Charles Joussellin, en cours.
[4]. Pierre Paillé, « L’analyse par théorisation ancrée », Cahier de recherche en sociologie, 1994, 23, 147-181.
[5]. Aristote, Ethique à Nicomaque, Paris, Vrin, 2017.
[6]. Éric Fiat, Ode à la fatigue, Paris, l’Observatoire, 2018, p.356.
Mots clés:
Attention, détournement de l’attention, limites, éthique