L’être humain est un être de relations en interactions constantes avec son environnement intérieur et extérieur. Il se modifie en permanence de façon visible (l’enfant qui grandit, les cheveux qui blanchissent…) mais aussi de façon imperceptible.
Ces changements ne sont pas forcément continus, ils peuvent être discontinus et sont liés à notre capacité d’adaptation qui est dépendante de facteurs personnels, familiaux, sociaux, culturels.
Cette personne qui est devant le thérapeute à cet instant, est donc la résultante de toutes les expériences qu’elle a eues jusqu’à ce jour et demain elle sera différente, enrichie de toutes les expériences nouvelles qu’elle va vivre.
La pathologie survient quand il y a un blocage de ces processus de changement .
Devant une telle complexité la recherche des causes n’est pas d’une grande utilité car elles peuvent être multiples, inaccessibles. Parfois la connaissance de la cause ne sert à rien dans la thérapie; en témoignent les états de stress post-traumatiques où la cause est
parfaitement identifiée.
Comment alors aborder les phénomènes anxieux?
En écoutant les patients souffrant de troubles anxieux (quelle qu’en soit l’expression, anxiété simple, trouble anxieux généralisé, phobie, attaque de panique, état de stress post- traumatique …) certains éléments semblent se dégager selon 2 axes : un axe temporel et un axe spatial.
L’axe temporel
Le temps présent.
Les personnes qui présentent un problème d’anxiété ont des difficultés à vivre le présent.
Ils sont, soit dans l’anticipation négative de l’avenir, soit dans la remémoration des évènements noirs du passé. C’est d’ailleurs une plainte fréquente en consultation : “je ne vis pas le présent, je n’arrive pas à profiter de l’instant présent…’’.
Les anxieux sont dans un contrôle désespéré du temps : plus ils essaient de maitriser le temps, moins cela marche, bien évidemment et plus cet échec les rend anxieux : en thérapie ils viennent apprendre à renoncer à tout faire, à dire non, à se poser, à ne rien
faire, à prendre le temps de faire ce qu’ils sont en train de faire.
L’absorption totale dans une tâche pendant la séance leur en fait faire l’expérience.
La seule manière de vivre le présent, d’être au présent, passe par l’attention au corps, l’absorption complète dans la sensorialité et dans ce qu’on est en train de faire, bref tout ce qui caractérise la transe hypnotique.
Pour cette raison tout ce qui amène les personnes anxieuses à vivre le présent va être profondément anxiolytique.
Une femme vient pour des difficultés d’endormissement très anciennes (plusieurs années) aggravées par les ronflements de son mari, dit-elle. Elle est en invalidité pour des douleurs diverses et variées dont une fibromyalgie et se déplace en fauteuil roulant.
Nous faisons un exercice d’attention aux choses qui nous entourent, aux bruits qu’elle entend là tout de suite et aux sensations physiques qu’elle éprouve sur l’instant.
Je lui demande de refaire cet exercice chez elle, le jour même sans en avoir aucunement besoin ,simplement pour être à l’aise avec son exécution et elle a pour consigne de le faire ensuite dans son lit, mentalement, lumière éteinte et en fermant les yeux quand elle est prête à s’endormir (tout ceci pour éviter toutes les stimulations intempestives).
Je la revois 2 fois pour ses douleurs et des relations difficiles avec sa fille aînée. Lors de la 3ième et dernière séance elle me dit que les problèmes d’endormissement ont totalement disparu après la 1ère séance. Elle attendait pour m’en parler d’être sûre que cela durerait.
Tout ce que nous avons appris lors de notre formation peut être utilisé: simplement être là dans la perception des sensations au niveau des points de contact du corps et du fauteuil, des pieds avec le sol, des sensations internes (légèreté, chaleur…).
Une patiente m’est envoyée par une psychiatre pour une arachnophobie ancienne très invalidante puisque, habitant la campagne, elle ne peut ouvrir les fenêtres, reste cloîtrée chez elle et n’en sort que pour aller travailler. Elle ne peut même pas prononcer le mot araignée. Elle est mariée et sans enfant.
Ses relations sociales sont inexistantes tant elle appréhende de croiser une de ces bestioles. Devant ce tableau je me demande bien pourquoi ma consoeur me l’a adressée. Cette femme a peur de tout, bref elle a peur de la vie.
Passer une demi-heure dans mon cabinet en étant un peu plus tranquille m’a paru le seul objectif possible. A la fin de la séance elle est restée silencieuse un moment et m’a dit : «je ne peux nier ce qui s’est passé, c’est quelque chose que j’ai ressenti… une expérience
…«. Elle était plus calme et aussi perplexe. Nous avons convenu d’un rendez-vous 2 mois plus tard, à cause des vacances d’été.
A la rentrée de septembre elle m’a dit qu’elle était partie en vacances avec son mari, ce qui n’était pas arrivé depuis des années et que cela s’était bien passé.
Sa phobie des araignées avait complètement disparu.
Elle arrivait à sortir de chez elle un peu plus et sa professeure de chant lui avait dit que sa voix avait changé.
Les vertus de l’apprentissage.
Deux autres problèmes fréquemment rencontrés dans l’anxiété sont le manque de confiance en soi et l’obsession du résultat immédiat .Ceci est également lié au contrôle que ces personnes veulent avoir.
La confiance en soi naît et se nourrit de la multitude des expériences que nous faisons et de leur répétition. Elle croît avec les différents apprentissages et les résultats progressifs qui en découlent.
L’entourage ne peut qu’encourager les expériences, valoriser les résultats et rassurer sur les échecs et les doutes inévitables.
Tout artisan connaît la valeur de la répétition du geste jusqu’à l’obtention d’un résultat satisfaisant.
Les personnes anxieuses veulent aussi, un résultat avant d’avoir commencé les choses et oublient les étapes intermédiaires : si les enfants s’arrêtaient de marcher la première fois qu’ils tombent, personne ne marcherait.
Chacun de nous a pu mesurer à de nombreuses reprises, lors de différents apprentissages (lecture pour les écoliers, apprentissage d’une langue étrangère, d’un sport, de la cuisine, de la pratique de l’hypnose…) qu’il faut se tromper, recommencer, pratiquer pour obtenir un résultat intéressant.
Le temps peut donc être un allié. Il est possible, sous hypnose de demander aux patients de choisir une activité qu’ils ont apprise, de détailler leur degré actuel d’habileté dans cette activité et de remonter le temps jusqu’au démarrage et de mesurer ainsi toutes les ressources qu’ils ont déployées pour progresser.
Ces ressources sont là, disponibles pour d’autres apprentissages éventuels.
Cette régression en âge peut prendre un autre aspect .Cet homme de 60 ans est suivi depuis 30 ans pour un état de stress post-traumatique .Sa mère, lors d’un accès de mélancolie délirante, a pendu son fils de 5 ans et s’est ensuite pendue. C’est le patient, âgé de 14 ans, qui en rentrant de l’école, a dépendu sa mère et son petit frère. Il se sent coupable de ne pas avoir pu le protéger, le père ayant exigé ,ce matin là, qu’il aille à
l’école.
Il le revoit sans arrêt sur le lit où il l’avait déposé. Je lui demande juste de reconnaître son impuissance totale à éviter ce drame et de dire à ce petit frère ce qu’il a envie de lui dire. Il peut lui dire au revoir. Lors d’une consultation suivante il me dit qu’il est plus calme et ressent un apaisement et un peu plus tard qu’il a commencé à ranger son atelier et qu’il a de nouveau envie de chanter. L’amélioration est confirmée par son
entourage.
La projection dans le futur au moment où le problème n’existe plus permet aussi de supprimer l’anxiété d’anticipation.
Une jeune fille qui se décrit comme très timide et qui souffre de phobie sociale, vient car elle doit chanter en solo lors d’un concert et elle appréhende cette soirée. La visualisation de cette soirée sous hypnose lui permet de réussir brillamment et calmement sa
prestation.
L’axe de l’espace
On a beaucoup écrit sur l’espace thérapeutique mais très peu sur la perception de l’espace par la personne souffrant d’anxiété.
L’horreur du vide.
L’écoute attentive de ces patients montre que ces personnes ont horreur du vide et le manifestent de différentes façons : vertige, agoraphobie, hyperactivité, entassement d’objets …
Ce vide est pour eux synonyme de danger, d’inconnu ,de surprise désagréable voire pénible ,de perte ,de chute , de néantisation …
Un jeune homme vient me voir sur les conseils de la psychiatre de l’hôpital qui le suit depuis plusieurs années pour une agoraphobie sévère. Il peut à peine sortir de chez lui pour venir jusqu’à mon cabinet.
Invité à se remplir de ce qu’il souhaite, il laisse monter le niveau à l’intérieur du corps, à son rythme (un peu comme une goutte d’eau déposée sur un buvard vertical qui monte par capillarité ), sans effort ( François Roustang insiste beaucoup sur cette absence d’effort ; les anxieux voulant toujours bien faire, cela leur épargne un souci supplémentaire). Quand il a terminé, je lui demande de laisser circuler cette sensation de
plénitude à l’intérieur du corps .Cette expérience lui permet d’habiter son corps de façon
tranquille .La ressource est à l’intérieur de lui et la solution n’est plus à rechercher à
l’extérieur .Il est plus calme et peut commencer à circuler en ville.
Il est aujourd’hui autonome et se déplace même, en avion, à l’étranger pour son travail.
Une patiente est invitée à s’installer confortablement dans le fauteuil et à respirer en
prêtant attention ,une main sur le ventre ,au mouvement de la paroi abdominale qui se
gonfle à l’inspiration et se dégonfle à l’expiration; elle se détend peu à peu et prend
pleinement conscience de cette alternance vide-plein (poumons vides, poumons pleins ),
du fait qu’il serait totalement ridicule de rester tout le temps poumons pleins ou poumons
vides et que , seul, ce mouvement de va et vient entre les deux permet d’être en vie .Le
vide et le plein sont ainsi totalement contraires et indissociables .
On peut ainsi visualiser les espaces pleins et creux du corps: les cavités cardiaques
(remplissage puis expulsion rythmique ),le tube digestif (de l’estomac au rectum ), la
vessie .
Je lui propose aussi de regarder par la fenêtre de mon cabinet .Celui-ci est situé au
premier étage et on a vue sur la rue. Je lui demande de décrire ce qu’elle y voit : le vide
de la rue, les pleins représentés par les piétons, les cyclistes, les voitures, des maisons et
le mouvement des individus et des automobiles pour aller d’un plein à un plein, d’une
maison à une autre, à un bureau, une école. Le vide devient nécessaire pour aller d’un
endroit à un autre .Le vide devient l’espace où le mouvement peut s’exécuter .Il a perdu
son caractère angoissant et est devenu synonyme de vie.
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La place
Bon nombre de patients ont la sensation de n’avoir pas de place, dans leur couple, leur
famille, leur fratrie, leur environnement professionnel.
Prenant au mot une de mes patientes qui se plaint de ne pas avoir la place qu’elle
souhaiterait dans sa famille, je lui propose de sentir toute la place qu’elle occupe là dans
le fauteuil en face de moi. Elle passe en revue tous les points de contact du corps et du
fauteuil , traverse l’épaisseur du corps ,s’attarde sur les sensations sur la partie antérieure
du corps ,sur le contact de l’air avec les parties découvertes du corps .Elle peut ainsi
prendre connaissance de la place, du volume qu’elle occupe dans l’espace.
La place est celle que l’on occupe là, tout de suite, en habitant toute l’épaisseur du corps.
Elle me confie un peu étonnée à la fin de la séance que personne ne lui a jamais parlé
comme cela. Les plaintes concernant sa place dans la famille ont totalement cessé.
Ceux qui se plaignent de ne pas avoir de place n’habitent pas leur corps au moment
présent; ils veulent toujours être ailleurs, là où ils ne sont pas.
L’hypnose leur permet d’être vraiment là, habitant la totalité de leur corps à l’instant
présent. La place c’est celle qu’on occupe là, tout de suite à l’endroit où l’on est .On peut
ensuite, et seulement ensuite, décider si cette place convient ou si l’on veut en changer.
La sécurité intérieure
Les personnes souffrant d’anxiété se plaignent souvent d’un manque de sensation de
sécurité intérieure.
Une femme de 40 ans se présente. Elle est engoncée dans des vêtements noirs très
structurés, ose à peine bouger dans le fauteuil. Elle a divorcé 3 fois et a 2 jeunes enfants
avec son dernier mari. La relation qu’elle a avec son ami et pour qui elle a quitté son
mari, ne lui convient plus .Elle s’angoisse à l’idée d’une nouvelle séparation. Elle vient
d’une famille très exigeante à tout point de vue. Je lui propose deux choses :
- la première de quitter cette armure qui la gêne aux entournures et je joins le geste à
la parole en passant la main sous mes aisselles. Elle a un moment d’hésitation puis
s’y met .Cela dure longtemps.
- la deuxième de trouver un lieu où elle se sente en totale sécurité et de s’y rendre en
imagination .Cette maison de campagne lui permet d’être totalement elle-même,
détachée du jugement d’autrui. La thérapie s’est déroulée en 3 séances .Elle a repris
rendez-vous 9 mois après pour me dire qu’elle allait bien .Cela se voyait sur elle :
ses vêtements étaient colorés, gais, taillés dans une matière fluide. Elle s’était
séparée de son 4ème compagnon, avait reçu ses parents dans sa maison de campagne
durant l’été; leurs relations s’étaient améliorées et elle avait accepté de ne pas
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satisfaire toutes leurs exigences. Les relations professionnelles avec son patron (dont
elle ne m’avait jamais parlées) étaient devenues plus détendues.
Cet espace de totale sécurité (endroit réel ou imaginaire, actuel ou appartenant au passé )
constitue une ressource précieuse pour apaiser l’angoisse .
On peut enfin, comme le propose François Roustang en réunissant le temps et l’espace,
demander au patient de se placer là où le problème est résolu.
Le temps et l’espace représentent deux axes essentiels sur lesquels s’appuyer lors d’une
séance d’hypnose.
Pratiquer l’hypnose c’est prendre en compte la globalité de ce qu’est le patient, la vie
qu’il a eue jusqu’à ce jour, celle qu’il a aujourd’hui, les liens qu’il entretient avec ses
proches et tout son contexte social et professionnel.
La maladie peut être vue comme un déséquilibre se manifestant à un endroit quelconque
du corps et qui affecte le patient dans le fonctionnement de celui-ci et dans sa manière
d’être au monde et en relation avec autrui.
La maladie est un arrêt de la fluidité de la vie .L’hypnose permet au patient d’être acteur
et de restaurer cette fluidité.
C.E.S de psychiatrie université PARIS XI Kremlin-Bicêtre 1990
Formation en thérapie familiale systémique à l’APRTF (Association Parisienne de recherche et de travail avec les familles) 1989-1990-1991
Formation institut de thérapie de la famille à ROME (Maurizio ANDOLFI) 1993-1995
Formation en hypnose et thérapies brèves avec Luc ISEBAERT et Marie-Christine CABIE 2004-2005
Supervision avec François ROUSTANG de 2006 à 2010
Consultations au centre Hypnosis PARIS depuis 2011
Présidente de l’association mancelle d’hypnose HYPNOTIC’MANS crée en 2012
Membre du réseau douleur Sarthe
Installée en libérale depuis 1991