En effet, je pouvais accompagner les personnes que je recevais, jusqu’à « l’émergence de la question », mais une fois celle-ci posée, qu’en fait-on ?
Par ailleurs, travaillant notamment avec des victimes de violences sexuelles et/ou d’inceste, je me demandais s’il n’y avait pas un autre moyen de les aider, que d’aller «creuser systématiquement là où ça fait mal».
C’est avec ces deux questions que je suis arrivée par un bel après-midi d’été à Vaison-La-Romaine, pour commencer à me former à la pratique de l’hypnose éricksonienne.
Enfin, plutôt trois questions, car une autre, un peu plus « angoissante » professionnellement s’était dessinée : la psychanalyse et l’hypnose éricksonienne étaient-elles « compatibles » ?
Car, même si je sentais qu’il me manquait « quelque chose», la psychanalyse représentait une grille de lecture et un positionnement qui me convenaient bien : être à l’écoute du patient dans sa singularité.
Je voulais découvrir une autre façon de faire, du « en plus », tout en permettant le déploiement de la parole du sujet, ou, comme le dit si bien Serge Lesourd , « sans tuer la question par une réponse trop rapide ».
Aussi, (comment) la psychanalyse et l’hypnose peuvent-elles s’articuler ?
Marco et le djin
Marco, qui a 8 ans, vient à l’initiative de son père, lequel trouve son fils triste depuis quelque temps. Les parents sont séparés depuis peu.
Marco adhère à l’initiative de son père, et dès la 1ère séance, il se sent prêt à être reçu seul. Dans ce que j’observe, Marco est effectivement un petit garçon triste, avec quelque chose de très particulier dans le regard : j’ai l’impression d’avoir devant moi un « grand petit garçon ».
A tel point, qu’au cours de la séance, je lui demande s’il se «sent» un enfant.
- « oui » me répond-il
- « et un enfant heureux ? »
- « non »
Il parle de la séparation de ses parents, de ses angoisses et questionnements, et précise que ce qu’il voudrait, lui, c’est que sa « maman soit moins triste ».
2ème rencontre
Marco dessine sa famille, mais de façon très sommaire en utilisant une seule couleur de crayon et représente des personnages assez « simplistes » (du type« bonhomme-patate » des enfants de 3 ans). Il évoque sa relation avec la nouvelle compagne de son père et utilise le mot «commère » pour parler d’elle.
Comme je répète ce mot « commère » de façon interrogative, il m’explique que celui-ci vient du vieux français et signifie « seconde mère ».
Par contre, il n’en connaît pas le sens actuel. Il semble tout petit, comme perdu physiquement, installé dans le grand fauteuil choisi pour cette séance. Et il parle « comme un adulte ».
Le décalage entre son apparence physique et son discours est très surprenant. Interpellant même ! Comment susciter un peu de fantaisie, de légèreté, de rêverie, chez ce petit garçon ?
Comment lui permettre de (l’aider à… l’autoriser à…) être un petit garçon, ne serait-ce que l’espace d’un instant ?
Alors, je lui demande : « Qu’est-ce que tu aimes, toi, dans la vie ? ».
Il me donne la « liste des 10 choses qu’il aime », parmi lesquelles la chirurgie, la mécanique, l’astronomie,… Rien que des choses très scientifiques et rationnelles !
Mon regard se porte alors sur la bibliothèque, juste à côté de moi, et sur laquelle j’ai déposé divers objets. Dont une (véritable !) lampe d’Aladin, rapportée d’un voyage en Orient...
Je la saisis et lui demande :
« Est-ce que tu sais ce que c’est ? »
« Une lampe à huile ? »
« Oui… Mais regarde la bien. Ne l’aurais-tu pas déjà vue quelque part ?»
« C’est comme la lampe d’Aladin »
«Et tu sais ce qui se passe quand on la frotte ? » (je commence à frotter)
« Il y a un génie qui sort… mais ça c’est pas vrai »
« Tu en es sûr ? Veux-tu essayer ? » (je la lui tends). Il répète que « ça ne marche pas » mais il la saisit quand même et il commence à frotter « Tu vois, il ne se passe rien »
« hum hum … »
Il me regarde alors avec un grand sourire et me dit : « tu sais ce que j’aime, moi ? La pêche aux canards à la foire, mais mon papa m’a dit que j’étais trop grand, maintenant ».
Pendant tout le reste de la séance, il a raconté des souvenirs de pêche aux canards. Les yeux brillants comme s’il pêchait encore.
Le génie de la lampe était bien sorti…