Elle est responsable aussi de la naissance de la psychiatrie en France en 1968 par divorce de celle-ci de la neurologie : à la première, les symptômes psychogènes, sans base organique, dits « hystériques » ; à la seconde, les « vraies » maladies du cerveau. Elle a même fini par être expulsée des classifications modernes de la psychiatrie (DSM) depuis les années 1980 parce qu’inclassable pour des esprits rationnels formés aux tableurs informatiques et cependant toujours là, gênante. Plus on veut la nier, plus elle réapparaît ; à chaque fois qu’on veut lui couper la tête, celle-ci repousse ou d’autres têtes apparaissent.
C’est Freud, à la fin du XIXe siècle, qui a commencé à comprendre, enfin, quelque chose à l’hystérie. Il nous en a laissé d’admirables études. Cent ans plus tard ou à peu près, Lucien Israël, psychanalyste lacanien strasbourgeois, a complété ses travaux dans son extraordinaire livre L’hystérique, le sexe et le médecin.
LE COMBAT DE L’HYSTÉRIQUE
L’hystérie est une souffrance de l’affectivité. La patiente se sent tellement creuse qu’elle ne parvient à se sentir exister que dans le désir de l’Autre. Ce désir doit donc toujours rester allumé, et le plaisir de la consommation évité car il est la mort du désir : il l’éteint puisqu’il le conclut. Toutes les manœuvres sont bonnes pour maintenir éveillé l’intérêt de l’Autre, intérêt sexuel mais pas seulement. Il s’agit surtout de poser une passionnante énigme indéchiffrable à l’Autre pour qu’il soit attrapé dans ses filets. L’hystérique jouera ensuite de son prisonnier suivant ses caprices, et plus elle
en jouera, plus elle se sentira vivante.
L’hystérie est une réaction du faible au fort : la femme vide qui se croit inintéressante, s’est souvent choisi un mari qui prend toute la place, comme un père idéalisé ainsi rassurant. Elle est momentanément tranquillisée. Rapidement, elle le trouve autoritaire, sourd à ses demandes d’échanges, et se sent tellement opprimée qu’elle pense n’avoir aucune voix au chapitre. C’est le cas, mais c’est ce qu’elle voulait. Au début, mais plus maintenant. De jour en jour, elle se croit encore plus creuse. Alors, un jour, elle décide de passer sur un autre mode de communication pour qu’enfin lui et le monde entier s’intéressent à elle et tenir sa revanche contre tous. C’est le mode hystérique. Il est très efficace, mais très dangereux.
Notre hystérique apparaît, dans son combat, comme la Petite Chèvre de Monsieur Seguin. Elle va se battre contre le loup jusqu’au point du jour et finir par se faire dévorer par lui. Certaines ont la sagesse de s’arrêter en cours dans cette lutte inégale parce qu’elles finissent par constater qu’elles ne sont pas si vides qu’elles le croyaient, qu’elles sont intéressantes parce que simplement réelles, et trouvent intéressant leurs relations à des degrés divers qui varient beaucoup suivant les uns et les autres. Elles sont guéries. Avec les expériences de la vie, beaucoup d’hystériques guérissent. La thérapie peut aussi les y aider.
Comment combat l’hystérique ? Elle pose des énigmes, des symptômes somatiques, psychiques et comportementaux spectaculaires ou sourdement inquiétants, dramatiques et intrigants. L’entourage et les médecins, aux quatre cents coups, ne peuvent pas ne pas tenter de les résoudre, et ce faisant, s’y cassent les dents de plus en plus et y comprennent de moins en moins. A la fin, elle sera la perdante. Elle sera taxée de folle par les médecins et les mâles dominants de son entourage, lassés et exaspérés. S’ensuit une escalade. Pour réveiller cet intérêt perdu pour elle, elle produira encore plus de symptômes, ce qui confirmera aux proches qu’elle est vraiment folle. Et elle se retrouvera à l’asile. Mais le pire qui pourrait lui arriver n’est pas là. Le pire serait qu’en cours de route, ses proches se désintéressassent complètement et durablement de ses provocations. Elle aura beau alors agiter ses petites jambes, c’est dans le vide, cela ne marche plus. Elle ne compte plus, elle est devenue inexistante. Elle n’a plus rien à quoi se raccrocher. Elle est brutalement renvoyée à sa sensation de vide intérieur. Cette confrontation la plonge dans une dépression très sévère, une des plus graves de toute la pathologie mentale, souvent plus grave que la mélancolie des bipolaires parce que bien moins accessible thérapeutiquement. Et elle se tue, comme Madame Bovary. D’ailleurs, un certain nombre de sujets diagnostiqués comme des mélancoliques résistants au traitement sont des hystériques qui dépriment.
UNE UTILISATION PATHOLOGIQUE DE L’HYPNOSE
Et quelles sont ces énigmes, ces symptômes que l’hystérique pose, qui sollicitent si rudement l’entourage et les médecins ? Diversement, éventuellement tour à tour, elle perd connaissance à répétition, devient soudainement confuse, comateuse, aveugle, sourde, amnésique, ou paralysée.
Les examens cliniques et paracliniques ne trouvent aucune lésion d’organe, malgré les plus grands approfondissements. Pourtant, les symptômes, massifs et inquiétants, sont là. Et il ne s’agit pas de simulations volontaires : il est patent qu’elle ne fait pas semblant. Ce n’est pas de l’artifice, du mensonge, du trucage. Le mystère s’épaissit d’autant. Qu’est-ce que c’est ? Tout le monde est en échec pour répondre à la question et reste en haleine. Tout le monde en échec, sauf l’hypnotiste.
En hypnose, chez des sujets normaux, il est facile de produire tous ces symptômes comme de les supprimer. Ce sont des phénomènes hypnotiques naturels et banals. Chez l’hystérique, ce qui n’est pas banal, c’est d’en produire spontanément autant, à profusion. Véritablement, elle se « shoote » à l’hypnose. En fait, elle utilise ces phénomènes normaux à des fins affectives déréglées, pour rester dans le désir de l’Autre, pour maintenir l’intérêt de celui-ci éveillé pour elle et ainsi se sentir existante, une fois qu’elle a constaté que c’était pour lui une énigme. Alors, elle devient une frénétique des manifestations hypnotiques qu’elle donne à voir à foison. C’est ce but, commandé par sa misère affective, qu’elle vise qui est pathologique, pas l’hypnose elle-même. Là réside l’hystérie, pathologie affective qui se sert maladivement de l’hypnose normale.
1 janvier 2015. Devant mon écran, en entendant les sons de la télévision retransmettant la marche parisienne, j’essaie d’écrire un éditorial. La marche de Charlie continue. Loin et pas loin de Nantes où j’habite. Comment me projeter vers la période de parution de la revue, dans quatre semaines ? Je ne sais déjà pas comment va se finir la journée !
Se retenir ou pas. Prononcé dans une posture d’humilité, ce texte magistral d’Irène Bouaziz a illustré au mieux, lors du récent colloque de lancement de l’Institut Milton Erickson d’Ile de France, comment la maturation de l’hypnothérapie passe maintenant par une étape d’approfondissement éthique.
Plaintes croissantes en médecine générale, et en apparence bénignes, les acouphènes peuvent avoir des conséquences graves en terme de souffrance psychique. Daniel Quin nous expose sa manière de travailler dans ce domaine.De plus en plus de patients souffrant d’acouphènes se tournent vers les psychothérapeutes, et en particulier vers les praticiens de l’hypnose.
De nombreux outils dérivés de l’hypnose existent pour aider les entraîneurs et les coachs sportifs. Fin connaisseur, Guy Missoum les présente d’une manière systématisée qui facilite leur mise en oeuvre. Milton Erickson se positionnait volontiers comme supporter de ses patients !
Il n’est pas sûr qu’Erickson ait lu Henri Wallon, et encore moins qu’il ait entendu parler de la théorie du détour. C’est pour cela que la réflexion de jeunes auteurs comme Renato Saiu peut contribuer à enrichir aujourd’hui notre compréhension théorique des processus hypnotiques. L’utilisation de l’hypnose est ancienne. Pourtant sa définition reste floue.
Yves Citton est professeur de littérature à l’Université de Grenoble. Son livre est pourtant transdisciplinaire, et porte sur un sujet qui nous intéresse tous : l’attention.
Nous n’avons pas toujours beaucoup appris lors de nos études sur un sujet pourtant capital. Ce n’est pas illogique car c’est surtout depuis une dizaine d’années que les connaissances à ce propos ont été abondamment renouvelées.
Au chapitre de la validation des effets de l’hypnose, Tan et al. confirment chez des patients dorsalgiques l’intérêt de l’autohypnose (2 sessions d’apprentissage, un support audio d’entraînement chez soi). Ils dressent même une équivalence : 2 sessions d’autohypnose = 8 sessions d’hypnose. Les effets sont toujours présents à six mois. Attention cependant, en pratique clinique, que ce qui soit proposé au patient fasse l’objet d’une vraie réflexion sur les options thérapeutiques, car la clef de prises en soins restent évidemment dans cette adéquation.
A l’île de La Réunion, dans l’océan Indien, nous sommes culturellement ancrés par ce tissage structurel où la transe est un mode de communication thérapeutique. Dans la culture indo-tamoule réunionnaise certaines de ces transes sont ouvertement publiques, telle que La Marche Sur Le Feu, sacrifice de soi pour la guérison d’un autre. D’autres transes moins connues sont aussi singulièrement centrées sur la « guérison». Cet article constitue un tout petit aperçu de l’un de ses rites de soin.
Survivre à un traumatisme, de quelque nature qu’il soit, nécessite d’activer ses mécanismes de résilience interne. Parfois il n’est pas possible de dépasser ce traumatisme, soit par l’ampleur des dommages psychiques produits, soit par l’impossibilité d’activer ces mécanismes internes. Comment, en tant que thérapeute, pouvons-nous aider nos patients à réactiver leurs ressources et leur résilience interne ?
« Ce qui fait l’intérêt de l’Auvergne, c’est qu’elle est remplie d’Auvergnats », disait Alexandre Vialatte. « Auteur notoirement méconnu », comme il aimait à se qualifier. Cette Auvergne, un secret plutôt qu’une province, produit des fromages, des volcans et accessoirement des présidents de la République.» « La montagne nous donne des leçons de silence et l’horizon, au loin, des leçons d’éternité. » « L’immense espace dit la solennité, jamais l’emphase. »