Il y a d’abord la psychanalyse, qui fait appel à certains mythes pour étayer son hypothèse de l’effroi que le sexe de la femme susciterait chez l’homme. On y trouve divers contes qui mettent en scène des vagins munis de dents, s’échappant la nuit pour croquer leurs proies innocentes… On comprend dès lors que ce terrifiant organe denté soit responsable de cette fameuse angoisse de castration. Soumis au dilemme de satisfaire ses pulsions génésiques, au risque de perdre son pouvoir symbolisé par son sexe, l’homme a pour seule issue la rapidité du coït. La théorie oublie sans doute de s’intéresser à l’homme homosexuel ! Il pourrait aussi s’agir, selon le dogme freudien, de la prévalence de tendances prégénitales sur les tendances génitales.
L’approche cognitiviste, pour sa part, préfère invoquer la responsabilité d’un apprentissage défectueux. Elle traduit l’expression « éjaculation précoce » par « absence, ou défaut d’apprentissage du contrôle de l’excitation sexuelle ». D’où la survenue de l’éjaculation. Cette interprétation peut se justifier si l’on considère la rapidité comme physiologique ou, pour reprendre un autre terme, naturelle en regard des déterminismes biologiques. Dans ces conditions, l’éjaculation précoce correspond à une mauvaise adaptation à la position socioculturelle en cours en Occident.
L’interprétation médico-psychologique du symptôme fait appel à la notion de sensibilité proprioceptive et extéroceptive. Sur le plan physiologique, l’homme se caresse le pénis avec le vagin féminin ou son équivalent. Dans ces conditions, il est centré sur son plaisir. Mais s’il inverse les choses et caresse le vagin avec son pénis, il devient alors attentif aux perceptions extéroceptives, c’est-à-dire au plaisir du partenaire.
Cette analyse physiologique du symptôme sexuel a un corollaire psychologique : attitude réceptive ou passive pour la notion de proprioceptivité, et attitude active, voire « agressive », pour l’extéroceptivité. Dans cette perspective, la façon dont l’homme va utiliser son « instrument » phallique détermine ou non la précocité de son éjaculation.
Enfin, selon le point de vue médico-pharmacologique, l’éjaculation précoce résulterait d’un trouble affectant le réflexe éjaculatoire activé par le système limbique et modulé par les centres supra-corticaux. Cette activation et sa modulation font intervenir un certain nombre de neurotransmetteurs, notamment des molécules comme l’adrénaline et la sérotonine, pour ne citer qu’elles.
Quels sont les médicaments les plus utilisés ?
Si l’on ne dispose pas de médicament véritablement adapté à ce problème, il existe un certain nombre de produits qui peuvent apporter une aide non négligeable, mais très variable.
Les IRS (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine).
Ce sont, de par leur nature, des antidépresseurs. Le retard à l’éjaculation qu’ils provoquent n’est qu’un de leurs effets secondaires. Selon différentes études, la Fluoxetine (Prozac®), à la dose de 20 mg par jour, permettrait de rallonger l’IELT moyenne de 1,2 minute à 6,6 minutes. La Sertraline (Zoloft ®) ferait passer de 1 minute à 7,7 minutes à la dose quotidienne de 25 mg, 13,1 minutes avec 50 mg/jour et 16, 4 minutes avec 100 mg/jour. La Paroxetine (Deroxat®),à la dose de 50 mg prise 3 à 4 heures avant le rapport, semble avoir, à ce jour, le plus d’efficacité. Suite à la découverte de ces propriétés des sérotoninergiques, une autre molécule d’action rapide a été développée spécifiquement pour l’éjaculation prématurée: la Dapoxetine (Priligy®).
Non commercialisée à ce jour en France, et d’après les dernières informations probablement jamais, elle permettrait de faire passer l’IELT de 0,9 minute à 3,5 minutes, avec cependant quelques effets secondaires un peu gênants.
La Clomipramine, antidépresseur tricyclique (Anafranil®), est connue depuis de nombreuses années pour provoquer une augmentation de l’IELT d’un facteur 3 à 4. Mais elle n’est pas très bien supportée en dehors de la dépression, à cause de ses nombreux effets secondaires à dose efficace.
Le Tramadol, à la dose de 80 à 100 mg pris 3 heures avant le rapport sexuel, permet de passer de quelques secondes à une dizaine de minutes. Mais parmi les effets secondaires, on trouve une petite baisse de la libido.
On s’est également intéressé au IPDE5 (Viagra®, Cialis® et Levitra®). Ils peuvent allonger l’IELT chez des hommes qui souffrent de trouble de l’érection et cherchent à la maintenir par l’augmentation de leur excitation. Comportement qui, on peut le comprendre, a tendance à précipiter la survenue de l’éjaculation. Mais il s’agit de médicaments de la dysérection (trouble de l’érection), et non de l’éjaculation prématurée.
Quant aux anesthésiques de contact, comme les crèmes à base de Lidocaïne et Procaïne, dosées à 5 % (par exemple : Emla®), appliquées 20 minutes avant le rapport, leur effet n’est guère probant. Si elles augmentent l’IELT, elles ont aussi tendance à entraîner une perte d’érection à cause de l’engourdissement qu’elles provoquent. Récemment, un spray contenant de la Lidocaïne et de la Pridocaïne a été mis sur le marché. Il permettrait de faire passer l’IELT de 1 minute à 4,9 minutes. Il existerait également, en Corée, une « crème secrète » d’application locale augmentant l’IELT de 1,37 minute à 10,92 minutes, mais au prix d’effets secondaires pour le moins désagréables : douleur et brûlure, notamment.
La diversité de ces produits montre bien qu’il est difficile de mettre au point une molécule pour traiter un problème dont la solution n’est probablement pas médicale.
L’angoisse de l’échec ou l’angoisse de performance s’ajoute aux tourments œdipiens et autres misères existentielles, comme autant d’éléments déclenchant ou aggravant ce symptôme sexuel.
Il n’y a probablement pas une éjaculation précoce, mais des éjaculations prématurées, chacune répondant à une ou plusieurs de ces interprétations théoriques.
Selon vous, quelle est la solution la plus efficace pour venir à bout de ce problème ?...
Il faut comprendre que la maîtrise de l’éjaculation n’est pas naturelle. Elle est le fruit d’un apprentissage qui vise d’abord à modifier le « mode d’emploi », c’est-à-dire les représentations. On comprend aisément pourquoi certaines approches demeurent généralement inopérantes, car elles n’abordent pas le problème en lui-même, mais passent par le biais de ses pseudo-causes (approches psychanalytiques).
Comparons le corps de la femme à un violoncelle, et son sexe aux cordes de celui-ci. L’homme est alors le musicien et son pénis, l’archet. La musique vient du violoncelle, même si elle est produite par l’archet.
Cette métaphore est plus importante qu’il n’y paraît car elle indique où doit se porter l’attention, l’écoute de l’homme. De manière plus triviale, il s’agit pour lui d’apprendre à caresser le vagin avec son pénis plutôt que de caresser son pénis avec le vagin. Là où les choses se compliquent, c’est qu’il doit être capable, comme tout bon musicien, d’avoir surmonté la technique. Jouer de cette façon procure la liberté de jouir sans entrave.
La sexologie dispose d’un ensemble de stratégies pour tenter de retarder la survenue de l’éjaculation. Les TCC et certaines thérapies, qualifiées de sexocorporelles ou psychocorporelles, utilisent des méthodes traditionnelles comme la respiration volontaire, le « yoga » sexuel, le tantra… Mais le médecin sexologue peut aussi prescrire certaines substances médicamenteuses, en l’occurrence une classe de médicaments antidépresseurs : les serotoninergiques, et plus particulièrement la paroxetine.
… mais ce n’est pas suffisant ?