La méthode d’enseignement de Milton Erickson était telle que, dans l’esprit de l’étudiant, la confusion précédait toujours la clarté, et que le « un » n’était pas nécessairement suivi du « deux ».
Faire confiance à « l’apprentissage inconscient » est une méthode performante et intelligente. Cependant, il faut admettre que la compréhension intellectuelle a aussi ses charmes et ses mérites. Le lecteur qui recherche des informations plus directes et des cadres de référence pour une analyse plus poussée de certains aspects importants du travail d’Erickson, se reportera avec profit aux écrits de Haley, de Erickson et Rossi, ou de Brandler et Grinder.
C’est par Kay Thompson, une collaboratrice de longue date du Docteur Erickson et qui avait animé des conférences aux Pays-Bas, que j’ai appris qu’Erickson recevait encore quelques visiteurs quand son état de santé le lui permettait. Le Docteur Thompson me donna une lettre de recommandation, et ce n’est pas seulement avec une grande curiosité, mais aussi avec un profond respect, confinant à la crainte révérencielle, que j’entrepris le voyage pour Phoenix.
En dehors de la profusion de la couleur violette, je ne savais pas trop à quoi m’attendre à mon arrivée. Ce qui m’a le plus frappé lors de ma première rencontre avec lui, c’est sa simplicité, son intérêt amical et son absence totale d’orgueil, Erickson était content d’avoir un visiteur qui venait des Pays-Bas et il engagea la discussion en racontant une histoire qui, comme je l’ai compris plus tard, était destinée à trouver un sujet qui éveille notre intérêt commun.
L’anecdote concernait la reproduction des vaches de souche « Frisian » dans le désert de l’Arizona et les problèmes d’irrigation que cet élevage impliquait. Il expliqua comment, il y a bien longtemps, les Indiens avaient creusé des canaux d’irrigation, et il conclut : « Vous vous demandez quel type de prospection leur a été nécessaire pour creuser ces canaux ? » Je me posais certainement la question, mais par-dessus tout, je cherchais à comprendre quel était le lien entre ces remarques et le but de ma visite.
Le séminaire avec Erickson me fournit encore bien d’autres occasions de me poser des questions. D’un thérapeute hors du commun, on doit attendre une façon d’enseigner hors du commun. Erickson jeta une pierre à un étudiant, et lorsqu’elle le toucha, cette pierre se révéla être une imitation, faite en mousse de caoutchouc. Il dit alors avec emphase : « Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent être. » Et il raconta alors une histoire de thérapie qui illustrait cette assertion.
A première vue, ses anecdotes semblaient seulement divertissantes. Certains d’entre nous voulaient en venir au « véritable enseignement » et poser des questions pour mieux comprendre. Erickson répondait par une autre histoire. Et il répondait à de nouvelles questions par encore plus d’histoires. Au lieu de nous permettre de digérer une histoire et de méditer sur son sens, Erickson commençait immédiatement une nouvelle histoire, lançant parfois quelques blagues pour accrocher d’abord notre attention, et quelquefois sans la moindre transition évidente.
En dehors d’un bref commentaire, en une phrase, au début ou à la fin de chaque histoire didactique, Erickson ne donnait que très peu d’explications sur ce qu’il voulait nous apprendre.
Faire confiance à « l’apprentissage inconscient » est une méthode performante et intelligente. Cependant, il faut admettre que la compréhension intellectuelle a aussi ses charmes et ses mérites. Le lecteur qui recherche des informations plus directes et des cadres de référence pour une analyse plus poussée de certains aspects importants du travail d’Erickson, se reportera avec profit aux écrits de Haley, de Erickson et Rossi, ou de Brandler et Grinder.
C’est par Kay Thompson, une collaboratrice de longue date du Docteur Erickson et qui avait animé des conférences aux Pays-Bas, que j’ai appris qu’Erickson recevait encore quelques visiteurs quand son état de santé le lui permettait. Le Docteur Thompson me donna une lettre de recommandation, et ce n’est pas seulement avec une grande curiosité, mais aussi avec un profond respect, confinant à la crainte révérencielle, que j’entrepris le voyage pour Phoenix.
En dehors de la profusion de la couleur violette, je ne savais pas trop à quoi m’attendre à mon arrivée. Ce qui m’a le plus frappé lors de ma première rencontre avec lui, c’est sa simplicité, son intérêt amical et son absence totale d’orgueil, Erickson était content d’avoir un visiteur qui venait des Pays-Bas et il engagea la discussion en racontant une histoire qui, comme je l’ai compris plus tard, était destinée à trouver un sujet qui éveille notre intérêt commun.
L’anecdote concernait la reproduction des vaches de souche « Frisian » dans le désert de l’Arizona et les problèmes d’irrigation que cet élevage impliquait. Il expliqua comment, il y a bien longtemps, les Indiens avaient creusé des canaux d’irrigation, et il conclut : « Vous vous demandez quel type de prospection leur a été nécessaire pour creuser ces canaux ? » Je me posais certainement la question, mais par-dessus tout, je cherchais à comprendre quel était le lien entre ces remarques et le but de ma visite.
Le séminaire avec Erickson me fournit encore bien d’autres occasions de me poser des questions. D’un thérapeute hors du commun, on doit attendre une façon d’enseigner hors du commun. Erickson jeta une pierre à un étudiant, et lorsqu’elle le toucha, cette pierre se révéla être une imitation, faite en mousse de caoutchouc. Il dit alors avec emphase : « Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent être. » Et il raconta alors une histoire de thérapie qui illustrait cette assertion.
A première vue, ses anecdotes semblaient seulement divertissantes. Certains d’entre nous voulaient en venir au « véritable enseignement » et poser des questions pour mieux comprendre. Erickson répondait par une autre histoire. Et il répondait à de nouvelles questions par encore plus d’histoires. Au lieu de nous permettre de digérer une histoire et de méditer sur son sens, Erickson commençait immédiatement une nouvelle histoire, lançant parfois quelques blagues pour accrocher d’abord notre attention, et quelquefois sans la moindre transition évidente.
En dehors d’un bref commentaire, en une phrase, au début ou à la fin de chaque histoire didactique, Erickson ne donnait que très peu d’explications sur ce qu’il voulait nous apprendre.
Cette méthode, qui nous obligeait à tirer nos propres conclusions, était parfois un peu pénible. Le sentiment de confusion et de léger inconfort qui en résultait était un des éléments qui contribuaient à ces changements périodiques de notre attention qu’Erickson appelait « transes naturelles » et qui facilitaient l’apprentissage inconscient.
Au début du séminaire, j’avais l’intention de poser un certain nombre de questions. Je ne les ai jamais posées. Pour certaines de ces questions, j’ai eu des réponses sans les poser. Les autres, je ne les ai pas posées, parce que je sentais que je recevais déjà plus d’informations que je ne pouvais en retenir. Ce n’est que peu à peu que j’ai découvert une structure au séminaire, et ce n’est qu’une fois en Europe que j’ai commencé à saisir ce que j’avais peut-être appris.
Une des premières impressions que j’ai acquises concernant Erickson, était qu’il insistait bien moins sur le fait de réussir toujours ses thérapies qu’on ne l’aurait attendu en lisant la littérature qui lui était consacrée. Il soulignait que ce que l’on pouvait gagner était parfois limité, et se limitait quelquefois à un changement dans le jugement que le patient portait sur lui-même et sur le comportement qui posait problème. Il n’était pas toujours possible d’améliorer immédiatement les symptômes.
C’était un soulagement de l’entendre dire que, pour certaines personnes, un thérapeute ne peut rien faire. Et c’était aussi réconfortant d’apprendre que, quelquefois, Erickson lui-même ne jugeait pas bon de rencontrer le patient sur son propre terrain.
Sans aucun doute, Erickson ne ressentait nullement le besoin de se poser en figure mythique. Il aimait plutôt à se présenter comme un artisan compétent qui avait le désir ardent de transmettre ses savoir-faire. Au lieu d’essayer d’impressionner son auditoire (ce qui se produisait de toute façon), il faisait un effort pour nous mettre sur des voies qui étaient importantes pour nous et si familières pour lui.
Son amour pour le travail bien fait transparaissait non seulement dans les collections d’objets d’art et de souvenirs dont il aimait à s’entourer, mais aussi dans le soin qu’il mettait à nous raconter l’histoire d’une thérapie ou à procéder à une induction.
Les manières d’Erickson me rappelaient celles d’un de mes maîtres en neurologie, artisan remarquable aussi dans sa partie, que j’avais connu pendant mes études. On lui réservait en général les diagnostics difficiles. Il observait avec beaucoup de soin les patients dès qu’ils entraient dans la salle d’examen. Manifestement, mais c’était peut-être seulement à notre intention, on aurait dit qu’il pratiquait l’examen neurologique standard de façon distraite et superficielle.
Mais il semblait être attiré vers le lieu de la pathologie, sans avoir à le découvrir par des recherches laborieuses et méthodiques comme les autres praticiens. Bien entendu, sa grande expérience clinique lui avait appris à reconnaître des signes subtils dont nous n’avions même pas entendu parler, dont la plupart n’étaient même pas dans les livres ; et pour certains de ces signes, peut-être n’était-il pas lui-même conscient de les connaître. De son approche, il résultait cette même simplicité trompeuse si typique de la façon de faire d’Erickson. Il arrivait au diagnostic tout naturellement avec cette même facilité admirable dont faisait preuve Erickson pour dénicher, dans la façon de se présenter d’un patient, des éléments décisifs.
Il pourrait être dangereux pour les étudiants de mal interpréter cette forme de simplicité. En remarquant que les règles bien établies du recueil des informations ne sont pas respectées, les étudiants pourraient en déduire qu’il est bon de se contenter de suivre son intuition. Dans ses histoires didactiques, Erickson ne semblait pas rechercher d’informations particulières ni faire pratiquement aucun travail diagnostic. Mais il avait très habilement développé des manières d’en apprendre beaucoup tout en posant peu de questions. Il réussissait à rassembler ses informations, sans en avoir l’air. Il faudrait mener une recherche plus poussée sur les procédés diagnostiques d’Erickson afin de rendre ses méthodes plus accessibles aux autres.
Au début du séminaire, j’avais l’intention de poser un certain nombre de questions. Je ne les ai jamais posées. Pour certaines de ces questions, j’ai eu des réponses sans les poser. Les autres, je ne les ai pas posées, parce que je sentais que je recevais déjà plus d’informations que je ne pouvais en retenir. Ce n’est que peu à peu que j’ai découvert une structure au séminaire, et ce n’est qu’une fois en Europe que j’ai commencé à saisir ce que j’avais peut-être appris.
Une des premières impressions que j’ai acquises concernant Erickson, était qu’il insistait bien moins sur le fait de réussir toujours ses thérapies qu’on ne l’aurait attendu en lisant la littérature qui lui était consacrée. Il soulignait que ce que l’on pouvait gagner était parfois limité, et se limitait quelquefois à un changement dans le jugement que le patient portait sur lui-même et sur le comportement qui posait problème. Il n’était pas toujours possible d’améliorer immédiatement les symptômes.
C’était un soulagement de l’entendre dire que, pour certaines personnes, un thérapeute ne peut rien faire. Et c’était aussi réconfortant d’apprendre que, quelquefois, Erickson lui-même ne jugeait pas bon de rencontrer le patient sur son propre terrain.
Sans aucun doute, Erickson ne ressentait nullement le besoin de se poser en figure mythique. Il aimait plutôt à se présenter comme un artisan compétent qui avait le désir ardent de transmettre ses savoir-faire. Au lieu d’essayer d’impressionner son auditoire (ce qui se produisait de toute façon), il faisait un effort pour nous mettre sur des voies qui étaient importantes pour nous et si familières pour lui.
Son amour pour le travail bien fait transparaissait non seulement dans les collections d’objets d’art et de souvenirs dont il aimait à s’entourer, mais aussi dans le soin qu’il mettait à nous raconter l’histoire d’une thérapie ou à procéder à une induction.
Les manières d’Erickson me rappelaient celles d’un de mes maîtres en neurologie, artisan remarquable aussi dans sa partie, que j’avais connu pendant mes études. On lui réservait en général les diagnostics difficiles. Il observait avec beaucoup de soin les patients dès qu’ils entraient dans la salle d’examen. Manifestement, mais c’était peut-être seulement à notre intention, on aurait dit qu’il pratiquait l’examen neurologique standard de façon distraite et superficielle.
Mais il semblait être attiré vers le lieu de la pathologie, sans avoir à le découvrir par des recherches laborieuses et méthodiques comme les autres praticiens. Bien entendu, sa grande expérience clinique lui avait appris à reconnaître des signes subtils dont nous n’avions même pas entendu parler, dont la plupart n’étaient même pas dans les livres ; et pour certains de ces signes, peut-être n’était-il pas lui-même conscient de les connaître. De son approche, il résultait cette même simplicité trompeuse si typique de la façon de faire d’Erickson. Il arrivait au diagnostic tout naturellement avec cette même facilité admirable dont faisait preuve Erickson pour dénicher, dans la façon de se présenter d’un patient, des éléments décisifs.
Il pourrait être dangereux pour les étudiants de mal interpréter cette forme de simplicité. En remarquant que les règles bien établies du recueil des informations ne sont pas respectées, les étudiants pourraient en déduire qu’il est bon de se contenter de suivre son intuition. Dans ses histoires didactiques, Erickson ne semblait pas rechercher d’informations particulières ni faire pratiquement aucun travail diagnostic. Mais il avait très habilement développé des manières d’en apprendre beaucoup tout en posant peu de questions. Il réussissait à rassembler ses informations, sans en avoir l’air. Il faudrait mener une recherche plus poussée sur les procédés diagnostiques d’Erickson afin de rendre ses méthodes plus accessibles aux autres.