A sa naissance et dans ses développements au long du XIXe siècle, il était impensable qu’une psychothérapie durât longtemps. La psychothérapie, héritage des magnétiseurs français, était conçue comme un « coup de main » ponctuel pour aider la personne à passer un cap difficile de sa vie.
Les symptômes témoignaient de la difficulté de ce passage. Aucun praticien ne se souciait d’une « compréhension en profondeur » de l’origine des troubles, et tous pensaient que si le patient parvenait à se débarrasser d’un symptôme, c’est qu’il avait, nécessairement, réaménagé ses profondeurs. Ce qu’il avait réaménagé, comment il l’avait fait, était considéré comme trop compliqué pour être saisi et sans intérêt pour le soulager.
Pour ces praticiens, seules importaient les solutions aux problèmes, et pas les causes de ceux-ci dans l’histoire individuelle. Par ailleurs, les magnétiseurs croyaient que le patient avait toutes les ressources en lui pour surmonter ses difficultés, et que leur travail consistait à activer ces ressources, grâce à une relation d’échange respectueuse et modeste. Bref, les magnétiseurs ne se sentaient pas pour vocation de guérir la condition humaine. Et cela marchait plutôt bien.
FREUD, LE RATAGE DE LA BRIÈVETÉ
Pendant assez longtemps, les thérapies du fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud, sont brèves. En 1906, il guérit le chef d’orchestre Bruno Walter d’une paralysie du bras droit en six séances. En 1908, il guérit le compositeur Gustav Mahler d’une impuissance en une seule séance. Cependant, progressivement, Freud passe un temps de plus en plus long avec ses patients, ce qui lui crée un souci qui le hante jusqu’à la fin de ses jours (L’Analyse avec fin et l’analyse sans fin, 1937).
En fait, l’allongement de la psychanalyse est venue du succès de sa théorie. Au début de sa carrière, Freud doit se battre pour faire reconnaître la validité d’un traitement qui repose sur une étrange théorie sexuelle de l’Inconscient.
La gloire venant à l’analyse, l’Inconscient devient plus confortable. Les patients veulent aller plus loin et Freud prend plaisir à les suivre. Il se retrouve bientôt avec des analyses interminables et ne sait plus comment convaincre ses patients de « sortir de la thérapie ».
D’autre part, au début de sa carrière, pour gagner sa vie, il doit assurer la rentabilité de son cabinet. Il lui faut les résultats rapides et incontestables qui font une réputation. Le succès et la sécurité financière étant là, les disciples affluent et il lui apparaît que le meilleur moyen d’enseigner l’analyse est d’en faire l’expérience.
D’où la naissance de l’« analyse didactique ».
L’efficacité du traitement ne presse plus ; les analyses s’allongent.
L’analyse restera longue, car, par la théorie,elle s’est attaquée à la condition humaine, rien de moins. Elle a aboli les distinctions entre soins et curiosité intellectuelle, solutions actuelles et causes historiques, et construit une ....
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Les symptômes témoignaient de la difficulté de ce passage. Aucun praticien ne se souciait d’une « compréhension en profondeur » de l’origine des troubles, et tous pensaient que si le patient parvenait à se débarrasser d’un symptôme, c’est qu’il avait, nécessairement, réaménagé ses profondeurs. Ce qu’il avait réaménagé, comment il l’avait fait, était considéré comme trop compliqué pour être saisi et sans intérêt pour le soulager.
Pour ces praticiens, seules importaient les solutions aux problèmes, et pas les causes de ceux-ci dans l’histoire individuelle. Par ailleurs, les magnétiseurs croyaient que le patient avait toutes les ressources en lui pour surmonter ses difficultés, et que leur travail consistait à activer ces ressources, grâce à une relation d’échange respectueuse et modeste. Bref, les magnétiseurs ne se sentaient pas pour vocation de guérir la condition humaine. Et cela marchait plutôt bien.
FREUD, LE RATAGE DE LA BRIÈVETÉ
Pendant assez longtemps, les thérapies du fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud, sont brèves. En 1906, il guérit le chef d’orchestre Bruno Walter d’une paralysie du bras droit en six séances. En 1908, il guérit le compositeur Gustav Mahler d’une impuissance en une seule séance. Cependant, progressivement, Freud passe un temps de plus en plus long avec ses patients, ce qui lui crée un souci qui le hante jusqu’à la fin de ses jours (L’Analyse avec fin et l’analyse sans fin, 1937).
En fait, l’allongement de la psychanalyse est venue du succès de sa théorie. Au début de sa carrière, Freud doit se battre pour faire reconnaître la validité d’un traitement qui repose sur une étrange théorie sexuelle de l’Inconscient.
La gloire venant à l’analyse, l’Inconscient devient plus confortable. Les patients veulent aller plus loin et Freud prend plaisir à les suivre. Il se retrouve bientôt avec des analyses interminables et ne sait plus comment convaincre ses patients de « sortir de la thérapie ».
D’autre part, au début de sa carrière, pour gagner sa vie, il doit assurer la rentabilité de son cabinet. Il lui faut les résultats rapides et incontestables qui font une réputation. Le succès et la sécurité financière étant là, les disciples affluent et il lui apparaît que le meilleur moyen d’enseigner l’analyse est d’en faire l’expérience.
D’où la naissance de l’« analyse didactique ».
L’efficacité du traitement ne presse plus ; les analyses s’allongent.
L’analyse restera longue, car, par la théorie,elle s’est attaquée à la condition humaine, rien de moins. Elle a aboli les distinctions entre soins et curiosité intellectuelle, solutions actuelles et causes historiques, et construit une ....
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